Ville moyenne, mais projets d'ambition mondiale: Arles se rêve en capitale culturelle majeure grâce à la discrète famille Hoffmann, héritière des laboratoires suisses Roche et camarguaise d'adoption depuis 60 ans.

Le temps d'un week-end ce printemps, l'inauguration de la Fondation Van Gogh et la pose de la première pierre de la Fondation Luma par l'architecte-star Frank Gehry, l'homme du spectaculaire musée Guggenheim de Bilbao, ont illustré toute l'influence de cette famille dans la cité antique.

Le montant des travaux de réhabilitation de l'ancien hôtel particulier de la Banque de France abritant la Fondation Van Gogh s'élève à 11 millions d'euros, celui de la Fondation Luma à 110 millions. L'ouverture de celle-ci, consacrée à la création contemporaine la plus pointue, est prévue en 2016, sur le site du Parc des ateliers, les anciennes usines de réparation de la SNCF où se tiennent les célèbres Rencontres de la photo.

Les deux additions ont été réglées par Luc Hoffmann et sa fille Maja, celle-ci également propriétaire de deux hôtels et d'un restaurant bio étoilé dans la campagne camarguaise.

«Cette situation est unique. Une collectivité comme la nôtre n'aurait jamais pu financer de tels projets. C'est une grande chance, qui permet à Arles d'atteindre une dimension inaccessible pour une ville moyenne. C'est vrai que je me suis pincé plusieurs fois! reconnaît Hervé Schiavetti, le maire communiste d'Arles - 54 000 habitants - ajoutant, presque sérieux: Si j'ai été réélu, c'est grâce à ces deux projets!»

«Il ne fallait pas laisser passer les trains. Si ces projets n'avaient pas vu le jour ici, cela aurait été ailleurs», poursuit l'élu, qui se défend d'avoir cédé aux sirènes du tout privé. Et salue «la simplicité et la générosité» de la famille Hoffmann dont «la culture protestante les conduit à travailler au bien d'autrui».

À la maison

Les Hoffmann sont chez eux en Camargue. Luc est venu s'y installer au début des années 50. Ornithologue passionné, grand défenseur de l'environnement, il a fondé la Station biologique de la Tour du Valat en 1954, un centre de recherche reconnu mondialement pour ses travaux sur les zones humides. Cofondateur du WWF, il sera aussi à l'origine de la création du parc national de Camargue, sanctuarisant cet espace sauvage alors menacé par l'industrialisation et la construction immobilière.

Maja, elle, a grandi dans cet univers tout nature, comme ses enfants. «Il n'y a pas beaucoup d'endroits où l'on peut ressentir l'infini. C'est probablement ce qui a entraîné mon oeil à voir grand, plutôt que penser seulement aux détails», a-t-elle déclaré au magazine américain W, dans l'un de ses rares entretiens.

«On me demande pourquoi j'ai choisi Arles. C'est parce que je souhaitais que les premiers bénéficiaires des Ateliers soient les Arlésiens. Et parce que je n'avais que 15 jours lorsque je suis arrivée ici», a-t-elle aussi sobrement expliqué lors de la pose de la première pierre de la Fondation Luma.

En investissant dans l'art une partie de sa fortune colossale, cette femme qui siège dans de multiples institutions culturelles (Tate Modern à Londres, Palais de Tokyo, New Museum of Contemporary Art à New York...) perpétue la tradition familiale. Sa grand-mère collectionnait Picasso, Léger ou Braque. Un de ses ancêtres fut mécène de Beethoven.