Une baraque en bois en pleine forêt, à quelques mètres de la frontière franco-suisse: pendant la Deuxième Guerre mondiale, les passeurs y déposaient les juifs en fuite et c'est aujourd'hui l'étape obligée d'une randonnée qui retrace leurs périples.

«On emmenait les juifs jusqu'au chalet du Rendez-vous des Sages, côté suisse, où ils ne pouvaient plus se perdre. Une fois là, on savait qu'ils ne risquaient plus rien et ils pouvaient descendre dans la vallée», se souvient Bernard Bouveret.

Ce grand gaillard de 89 ans, à l'allure fière et aux yeux bleu intense, est l'un des derniers passeurs franc-comtois encore en vie. Il avait seulement 17 ans lorsqu'il a été recruté par les services de renseignement suisses qui avaient besoin d'un homme de confiance de l'autre côté de la frontière, dans le Doubs.

Les petits chemins de terre au milieu des sapins et des épicéas de la forêt du Risoux, à Chapelle-des-Bois (Doubs), Bernard Bouveret les connaît comme sa poche.

«J'ai commencé à passer des lettres et des renseignements, puis de la poudre et des grenades. J'ai fini par passer des gens qui fuyaient le STO (service du travail obligatoire) et des juifs», raconte-t-il.

Bernard Bouveret ne sait pas combien de personnes il a aidées à gagner la Suisse, mais il se souvient de cette famille d'une dizaine de personnes, des grands-parents aux petits-enfants, ou de cette dame mal chaussée qui ne pouvait plus avancer, ni reculer sur le Gît de l'échelle, un passage abrupt dans une falaise difficile d'accès.

«C'est en 1943 qu'on a passé le plus de monde. Il y avait beaucoup d'enfants, il fallait les porter sur nos épaules et leur parler tout bas pour les mettre en confiance et éviter qu'ils pleurent, pour ne pas être repérés», dit M. Bouveret, la langue déliée après des années de silence sur ses activités clandestines.

«On préférait les nuits sans lune, nos yeux étaient habitués à l'obscurité et nous connaissions les chemins par coeur. Pour éviter les Allemands, on changeait régulièrement de passages», ajoute l'ancien bûcheron.

«Une randonnée pour faire connaître l'histoire»

Ces fameux passages, l'association «Le mur aux fleurs de lys» en a fait une randonnée.

Une fois par an, l'association qui tient son nom de l'emblème du roi de France dont sont frappées de nombreuses bornes frontières, organise une journée de randonnée retraçant les périples de Bernard Bouveret et de ses compagnons. Une randonnée permanente, dont la carte est disponible sur son site (https://randopasseurs.d-klik.eu/) est par ailleurs balisée toute l'année.

«C'est une randonnée pour faire connaître l'histoire de la région et rendre hommage à Bernard, aux derniers passeurs encore en vie et à tous ceux qui ont disparu», explique le président de l'association Alain Nicod, 58 ans.

Le 30 juin dernier, plus de 400 personnes ont participé à la randonnée annuelle, durant laquelle ils ont pu saluer M. Bouveret.

Trois circuits de 8 à 25 kilomètres étaient proposés, passant par les lieux clés de la Résistance franc-comtoise. Comme la ferme des Blondeau-Zizi, tenue par Nénette, 15 ans en 1943, et refuge des passeurs après leurs équipées nocturnes, ou encore le chalet du Rendez-vous des Sages, situé à 1350 mètres d'altitude à quelques mètres du petit mur de pierres sèches qui matérialise la frontière.

«Chapelle des Bois était en zone interdite, mais c'est l'un des endroits où ça passait le mieux. Il y avait plusieurs équipes de passeurs qui risquaient leur peau», précise M. Nicod.

En avril 1944, Bernard Bouveret avait finalement été arrêté par la Gestapo avec son père. Ils sont revenus en France après avoir passé un an au camp de concentration de Dachau (Allemagne).