Il n'y a plus de clefs dans le casier du concierge du Crillon. À la place est collé un petit carton avec un numéro: comme des milliers d'objets et meubles du prestigieux hôtel parisien qui vient de fermer pour rénovation, ce casier sera vendu aux enchères entre le 18 et le 22 avril.

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L'hôtel centenaire à la majestueuse façade, qui devrait être en travaux deux ans et demi, a pris des allures de musée. Plus de clients fortunés dans les portes-tambour donnant sur la place de la Concorde. Et fini les airs de piano dans le jardin d'hiver.

Artcurial finalise désormais la préparation de la vente, qui se déroulera sous dix mètres de plafond, dans l'ancien restaurant tout en marbre «Les Ambassadeurs» et dans le jardin d'hiver.

L'ancien hôtel particulier du XVIIIème siècle, devenu hôtel en 1909, gardera «l'essentiel de son mobilier», ses lustres imposants et classés du restaurant, son éléphant en cristal de Baccarat et ses fontaines de Versailles.

Mais il vend des milliers d'autres objets, 3500 lots pour lesquels il a fallu deux mois d'inventaire.

Dans le restaurant, la console dessinée par Philippe Starck, elle aussi en cristal de Baccarat, est prête à la vente. Son prix est estimé entre 12 000 et 15 000 euros. Le bar du sculpteur César, incrusté de miroirs facettés, est une autre grande pièce des enchères (10 000-12 000 euros).

Mais «la majorité des pièces sont estimées entre 200 et 3000 euros», explique à l'AFP Stéphane Aubert, l'un des deux commissaires-priseurs avec François Tajan. Pour les meubles, les mordus des styles Louis XV ou Louis XVI pourront repartir avec canapés, guéridons, commodes, coiffeuses, etc., datant du début du XXème siècle ou plus récentes.

Madonna sur canapé

Plusieurs sets de salle de bain sont également en vente, dont des serviettes portant l'emblème du Crillon, un grand C couronné. Il y a aussi des uniformes de groom ou voiturier. Dans une pièce aux allures de caverne d'Ali Baba sont réunies vaisselle en porcelaine raffinée et argenterie. Des lots sont déjà emballés dans des cartons.

«Nous avons beaucoup d'engouement», se réjouit Stéphane Aubert. Ce n'est pas une vente ordinaire, le Crillon étant un des plus prestigieux hôtels du monde, où des personnalités ont souvent pris leurs quartiers.

«Peut-être que Bill Clinton s'est assoupi sur ce canapé», lâche le commissaire-priseur, en montrant un canapé en velours framboise dans les suites présidentielles, estimé de 2500 à 3500 euros. Madonna aurait donné une entrevue assise sur ce divan. De même pour le Dalaï-lama dans un autre canapé.

«Il y a un côté unique. J'espère que ça fera monter les enchères!», se délecte Stéphane Aubert.

Qui peut être intéressé par de tels objets et meubles? «Nous avons beaucoup de demandes de l'étranger, des Européens ou des Américains qui avaient leurs habitudes au Crillon», raconte le commissaire-priseur. «Il y a aussi des Français, des gens qui ont des hôtels, des restaurants (...) des gens avec une grande maison à meubler», poursuit-il.

Le 22 avril, 2.000 des 17 000 bouteilles de la cave du Crillon seront également mises en vente.

Avant cela, Artcurial attend beaucoup de monde pour l'exposition qui aura lieu du 12 au 16 avril. Outre de potentiels acheteurs, des curieux devraient faire le déplacement pour découvrir les salons et les suites du Crillon.

En attendant la réouverture, syndicats et direction ont trouvé un accord pour que les 360 employés puissent continuer à être rémunérés ou partir avec deux mois de salaire par année d'ancienneté.

«Mes suites», dit Nadia Benchetta, valet de chambre au 5ème étage, celui de la suite Bernstein, l'une des plus prestigieuses avec sa terrasse à la vue exceptionnelle sur Paris. Elle quittera fin mai le Crillon et en pleure déjà. Un souvenir? «Cette façon de plier les draps de bain, le sigle bien dessus.»