La disparition programmée du Virgin Megastore, enseigne phare des Champs-Elysées, confirme la mutation de cette prestigieuse avenue de Paris, où seuls les géants du textile et du luxe et les grandes marques internationales sont encore capables d'assumer des loyers exorbitants.

Le sort du distributeur culturel, sur le point de déposer son bilan, est en suspens, dans l'attente de l'issue mardi d'une réunion du comité d'entreprise. Mais, quoi qu'il arrive, le bail de l'immeuble occupé depuis 1988 sur les Champs-Élysées, devrait prochainement être cédé et les candidats ne manquent pas.

Apple, Volkswagen, la chaîne de prêt-à-porter américaine Forever 21 et le grand magasin londonien Harrods sont notamment cités, illustrant l'appétit des grandes marques internationales pour la célèbre avenue, qui attire près de 300 000 visiteurs quotidiennement.

«Avec ses 30 millions de touristes étrangers par an, les Champs sont devenus une sorte de passage obligé pour les grandes enseignes qui, logiquement, veulent toutes y installer leur vitrine», explique-t-on au comité des Champs-Élysées, l'association qui regroupe les commerces de l'avenue.

Après les arrivées très médiatisées en 2011 des américains Banana Republic et Abercrombie & Fitch, The Kooples (prêt à porter) et Jeff de Bruges (chocolatier) se sont dernièrement installés sur l'avenue. Ils seront suivis cette année par Zadig et Voltaire, les cosmétiques Mac et Zara Home.

Illustration de la montée en gamme, le prestigieux joaillier Tiffany devrait prendre place l'an prochain au numéro 62, en remplacement de Quick.

«Les Champs sont en effet en pleine mutation», explique Dominique Giraudier, président de Groupe Flo, qui détient sur le haut de l'avenue un Bistro Romain voué à fermer ou changer d'enseigne.

En cause : la hausse des loyers, qui ont encore bondi de 30% en 2012, plaçant l'avenue au troisième rang des quartiers les plus chers au monde derrière Causeway Bay à Hong-Kong et la 5e Avenue à New York, selon le classement annuel établi par Cushman & Wakefield.

La mairie de Paris inquiète

Selon le cabinet, les prix à la location sont notamment dopés par les géants du luxe et les grandes marques internationales, avides de vitrines dans les lieux les plus convoités.

Les grandes figures du luxe (Vuitton, Cartier) sont ainsi presque toutes revenues en force sur la prestigieuse avenue depuis une dizaine d'années.

«Nous (groupe Flo) sommes très sollicités comme d'autres» par différentes enseignes internationales, et comme, «parallèlement, les loyers flambent (...) nos modèles économiques ne résisteront pas à cette montée en gamme», s'inquiète M. Giraudier.

Peu nombreux sont les groupes en mesure de s'aligner sur des loyers pouvant atteindre 18 000 euros le m2 et, après les petits commerçants et les services publics (La Poste), les enseignes culturelles sont à leur tour contraintes de céder leur place.

Au point que certains s'inquiètent de voir ce qui était autrefois l'une des artères culturelles de la France perdre en prestige en se transformant petit à petit en vaste galerie commerciale.

Une fois le Virgin parti, le Drugstore et la Fnac - elle-même en difficulté - resteront seuls à vendre encore des disques et des livres sur les Champs.

Après la disparition progressive des cinémas - une quinzaine de salles ont fermé en 25 ans -, c'est l'une des facettes constitutives de l'identité et de la renommée des Champs qui pourrait à terme être menacée.

La mairie de Paris s'inquiète ainsi depuis plusieurs années d'une certaine «banalisation» des Champs avec des magasins que l'on retrouve, identiques, partout ailleurs dans le monde.

Une analyse que conteste le comité des Champs-Élysées, mettant en avant la «diversité de l'offre - théâtre, habillement, loisirs, restauration - qui continue de caractériser l'avenue».