Vendeurs à la sauvette de colifichets «made in China», organisateurs de bonneteau, démarcheuses fausses sourdes et muettes, caricaturistes: les alentours de la Tour Eiffel, le monument payant le plus visité au monde, grouillent chaque jour de centaines de commerçants illégaux.

Policiers en voiture, à pied ou en VTT, militaires de Vigipirate et cavaliers de la Garde républicaine, rien n'y fait. Venus de l'Afrique sub-saharienne, du sous-continent indien ou d'Europe centrale, ils tentent de grappiller quelques euros auprès des 6,7 millions de touristes français et étrangers qui visitent chaque année la dame de fer, emblème de Paris.

De 09H30 à minuit, heures d'ouverture de la Tour Eiffel, tout ce petit monde s'active dans une zone de quelques hectares compris entre l'École Militaire, le Champ-de-Mars et l'esplanade du Trocadéro.

Cinq mini tours Eiffel en plastique pour un euro, foulards et sacs siglés «Paris», briquets-tempête portant la silhouette du célébrissime monument. L'étal tient sur un morceau de drap noué aux quatre coins par une ficelle qui permet à ces vendeurs à la sauvette d'emporter en quelques secondes leurs marchandises et de courir à toutes jambes quelques dizaines de mètres plus loin hors de la vue de la police.

Ils disent venir du Sénégal, du Gabon, d'Inde ou du Pakistan. Le regard inquiet, Yousouf, un jeune Sénégalais, lâche : «On n'a pas le choix, on doit manger le soir». Alors, ils se pressent autour des touristes pour tenter de vendre une tour Eiffel en baragouinant quelques mots d'anglais, d'espagnol ou d'italien.

Deux cartons empilés en guise de table de jeux, trois rondelles de plastique noir, dont l'une avec un côté blanc, quatre ou cinq «barons» - des complices - quelques billets de 20 ou 50 euros. En un clin d'oeil, la table de bonneteau est installée. Le meneur de jeu, roumain ou bulgare comme ses «barons», fait virevolter les trois rondelles tout en proposant aux passants de jouer.

Pour appâter les gogos, les complices du meneur de jeu jouent gros et gagnent gros. Les billets de 50 euros changent de mains. Un touriste est amené à jouer «pour rien». Le bonimenteur le laisse gagner puis accélère le rythme. Quelques dizaines de secondes plus tard, le touriste croit avoir découvert l'emplacement de la rondelle blanche. En vain. Il vient de perdre 40 euros.

À quelques mètres de là, deux jeunes femmes roumaines, le visage ceint d'un foulard, expliquent à grand renfort de gestes, qu'elles sont sourdes et muettes en montrant une pétition qu'elles proposent à la signature : «Association pour les sourds-muets» avec une adresse à Lyon en français et en anglais. Suffisamment pour inciter un touriste pressé à signer avant de se voir demander quelques euros pour les «sourds-muets».

Le même touriste se verra peut-être aussi proposer sa caricature réalisée à la va-vite sur un morceau de carton. Le dessinateur y passera quelques minutes contre un billet de 20 euros pour un portrait ... guère ressemblant.