Paris déborde de trésors. Et pas que dans les musées. Pour dénicher un bijou ou un meuble d'une autre époque, parfois à très bon prix, rien de tel que les puces de Saint-Ouen. Visite d'un quartier unique au monde.

Petit lundi matin pluvieux, 10h. Le marché aux puces de Saint-Ouen se réveille lentement. Le week-end a été occupé aux «Puces». Pas loin de 150 000 personnes y sont passées (comme chaque semaine ou presque), mais en ce lundi frisquet, les rues sont désertes pour l'ouverture des boutiques.

Café à la main, Patrick Belvisi s'active pour ouvrir sa petite échoppe d'antiquités. Il peine à se frayer un chemin parmi les meubles, entassés dans un incroyable fatras. Pas un centimètre carré de libre: des miroirs en équilibre précaire sur des commodes patinées, des tapisseries enroulées posées sur des fauteuils aux pattes tarabiscotées, des tableaux, des chandeliers.

Un fouillis de meubles usagés? Plutôt un concentré de trésors historiques, qui ne dépareraient pas dans un musée.

Le marché Biron, où Patrick Belvisi a installé ses quartiers, est réputé pour sa marchandise haut de gamme. Les quelque 200 marchands se sont spécialisés dans les antiquités datant pour la plupart du XVIIIe ou du XIXe siècle.

Photo: Stéphanie Morin, La Presse

Pas de pacotille ou d'antiquaille défraîchie ici. Certaines antiquités dormaient au grenier d'un château; d'autres faisaient partie des biens de famille d'un aristocrate au nom à rallonge. Bref, on y trouve des objets d'exception, restaurés selon les règles de l'art, dont les prix ont de quoi plomber bien des budgets.

Pas surprenant que les riches et célèbres viennent souvent arpenter le tapis rouge usé qui sert de fil d'Ariane entre les échoppes du marché Biron. La liste de clients de Patrick Belvisi a des airs de sommaire du Paris Match: Richard Gere, Cindy Crawford, Catherine Deneuve, Barbara Streisand, Fanny Ardant, Claudia Cardinal...

Certaines stars jouent la carte de la discrétion, explique l'antiquaire entre deux gorgées, mais pas toutes. «Joan Collins est passée une fois, cachée sous des lunettes noires, mais encadrée par deux gardes du corps hypervoyants! Madonna, c'était différent. Elle est venue seule. Je ne l'ai jamais reconnue. C'était une Anglaise brune, banale, qui s'intéressait à un miroir de Murano... Ce n'est que lorsqu'un de ses assistants est venu chercher le miroir que j'ai su qui elle était!»

Inutile toutefois d'avoir le portefeuille aussi épais que le siège d'un fauteuil Louis XV pour apprécier une journée passée dans les ruelles labyrinthiques des Puces. Le plaisir est dans la quête, dans le bonheur tout simple de fouiner parmi les 12 marchés ouverts au public, de chiner dans des kilomètres d'étals avec l'espoir de, peut-être, mettre la patte sur une perle oubliée.

Photo: Stéphanie Morin, La Presse

Car il y a encore des trésors à débusquer au marché de Saint-Ouen, jure Nicolas Moufflet, président l'Association de développement et de promotion des Puces de Paris-Saint-Ouen. «Les Puces, c'est la foire à tout, un grand musée à ciel ouvert où tout est à vendre et où la marchandise se renouvelle chaque week-end.»

Au marché Vernaison, on a su conserver l'ambiance des débuts, il y a 125 ans. Dans ce dédale anarchique, pas deux échoppes qui se ressemblent. Art religieux, jouets anciens, pendules... Un joyeux bric-à-brac! Et les prix? «Ils vont de 2 euros à plusieurs milliers...» dit M. Moufflet.

La vérité: même fauché, on trouve de quoi s'amuser lorsqu'on traverse le périphérique à la porte de Clignancourt en direction de la rue des Rosiers. La foule bigarrée qui se rassemble ici tous les samedis, dimanches et lundis de l'année compose déjà un spectacle très divertissant. Woody Allen y était d'ailleurs l'été dernier pour filmer des scènes de son plus récent film, Midnight in Paris; c'est dire comme l'endroit peut être inspirant...

Mieux, les 1500 brocanteurs (et 700 vendeurs de textile) ne sont jamais avares de mots quand vient le temps de révéler la provenance de tel ou tel objet. «C'est notre boulot de trouver l'histoire des antiquités et de la raconter», explique Patrick Belvisi. Et si l'histoire s'est perdue avec le temps? «On brode!» lance l'antiquaire, sourire en coin.

Photo: Stéphanie Morin, La Presse

À la librairie de l'Avenue, rue Lécuyer, le libraire a depuis longtemps renoncé à suivre la trace de sa marchandise. Chaque jour, la plus grande librairie de livres usagés de Paris reçoit entre 2000 et 3000 bouquins d'occasion. Ses rayonnages se déploient du plancher au plafond sur plus de 600m2. Parmi les 200 000 titres disponibles, plusieurs éditions rares, mais aussi des livres de poche aux coins écornés. Des albums vendus 250 euros traînent sur des tables encombrées, au milieu des gravures d'époque, des cartes géographiques, des affiches originales, des vieux magazines centenaires. De quoi donner le tournis aux bibliophiles...

Le livre le plus vieux de l'endroit? Il a été imprimé en 1600 et est conservé loin des regards (et des doigts imprudents).

Même abondance dans le Passage, où les marchands se consacrent aux vêtements vintage. La star de ce temple du déjà-porté? Sarah Rozenbaum, fille, petite-fille et arrière-petite-fille de classeuses de chiffons. Dans sa boutique (prosaïquement baptisée Chez Sarah), elle a accumulé des milliers de vêtements datant des années 20 aux années 60. Les grands de la mode viennent s'y inspirer; les costumiers du théâtre et du cinéma y passent pour dénicher un chapeau, une étole, un sac. Pas d'aubaines à trouver ici, mais du lèche-vitrine on ne peut plus jouissif.

Pour les visiteurs épuisés par trop de fouilles dans des vieux cartons ou par d'âpres négociations (un jeu obligé à Saint-Ouen), le voyage dans le temps peut se poursuivre chez Louisette, la guinguette dans laquelle a commencé. Édith Piaf. Autre adresse tout aussi mythique: la chope des Puces, qui a vu naître le jazz manouche et où sont passés (et passent encore) les plus grands du genre.

Visiter Saint-Ouen et en repartir les mains vides? Possible, bien que hautement improbable. Une certitude toutefois: celle de devoir revenir, une autre fois. Qui sait alors sur quelle merveille on pourrait tomber...

Les frais de ce voyage ont été payés par le Comité régional du tourisme Paris Île-de-France et Atout-France. Transport aérien fourni par Air France. www.nouveau-paris-idf.com

Photo: Stéphanie Morin, La Presse

Avant d'importer des antiquités au Canada



- Les antiquités de plus de 100 ans sont sujettes à la taxe sur les biens et services (TPS) et la taxe de vente du Québec (TVQ), mais pas aux droits de douane.

- Les droits de douane appliqué aux biens de moins de 100 ans sont déterminés selon la nature de la marchandise et sa provenance. Les taux peuvent varier énormément et sont très complexes à calculer. Mieux vaut donc s'informer au préalable auprès d'un agent du Service d'information sur la frontière (SIF), au 1-800-959-2036.

- Les antiquités doivent être déclarées au moment de passer la frontière.

- Si la valeur du bien antique entre dans l'exemption personnelle à laquelle on a droit, les taxes et droits de douane ne s'appliquent pas. Les exemptions permises sont de 50$ pour un séjour de 24heures et plus, 400$ pour un séjour de 48heures et plus et 750$ pour un séjour de 7 jours et plus. Pour tout séjour de moins de 7 jours, la marchandise doit accompagner le voyageur au moment de l'arrivée.

- Si la valeur du bien antique excède l'exemption personnelle, on soustrait le montant de l'exemption de la valeur et les taxes s'appliquent sur le reste. Un exemple: vous achetez une commode antique de 2000$ lors d'un séjour de 7 jours en France. Vous devrez payer les taxes sur 1250$, soit la valeur de la commode (2000$) moins l'exemption (750$).

- Les oeuvres d'art et leur valeur doivent être déclarées à l'Agence des services frontaliers du Canada.

Source: Agence des services frontaliers du Canada



Photo: Stéphanie Morin, La Presse

À chaque marché, son caractère

Les puces de Saint-Ouen, c'est 14 marchés distincts, dont 11 sont ouverts au public et 1 - le marché des Rosiers - qui est fermé temporairement. Dans le lot, 6 se distinguent:

Vernaison: le plus vieux marché et aussi l'âme des Puces, avec son bric-à-brac d'objets hétéroclites.

Serpette: le rendez-vous des amateurs d'art. Un restaurant haut de gamme signé Philippe Starck doit voir le jour à l'entrée de ce marché.

Biron: reconnu surtout pour son mobilier des XVIIIe et XIXe siècles restauré.

Dauphine: à voir surtout pour le Carré des libraires, où sont regroupés une vingtaine de spécialistes en livres anciens.

Paul Bert: le plus tendance, avec ses petits pavillons cossus. Surtout prisés pour ses objets de déco.

Le Passage: pour les vêtements vintage, les accessoires, les rubans...

Repères

S'y rendre

Par métro: stations Porte de Clignancourt (ligne 4) ou Garibaldi (ligne 13).

Heures d'ouverture

Toute l'année, du samedi au lundi, de 10h30 à 18h environ (les heures d'ouverture peuvent varier selon la météo)

Infos

Site officiel: www.parispuces.com

Office de tourisme: www.st-ouen-tourisme.com

Photo: Stéphanie Morin, La Presse