Rue Saint-Denis, les travailleuses du sexe font la causette entre elles ou avec des clients au beau milieu de l'après-midi. C'est la fin novembre à Paris, le ciel est gris, évidemment, mais il ne fait pas très froid, pas assez en tout cas pour que les magasins s'interdisent d'exhiber leur marchandise sur le trottoir.

Tiens, mais que fait donc cette photo de Barack Obama parmi des étalages de vêtements bon marché? La réponse est écrite sur la photo: Notre changement: la mode à prix fou! Yes we can!

 

Only in France!

Quatre jours plus tard, au Zénith, l'exubérante Camille titille ses 6000 fans. Elle dit nous sommes dans la plus belle salle, son public répond yéééé! Du plus bel arrondissement, re-yéééé! De la plus belle ville... du plus beau pays, re-re-yéééé! Avec le plus beau président. Alors là, c'est chouououou! Tout de suite, Camille corrige le tir: ... président des États-Unis! La foule hurle son bonheur.

Le lendemain, à l'Olympia, Leonard Cohen chante Democracy, qu'il a créée en 1993: Democracy is coming to the USA. Dans le vénérable théâtre du boulevard des Capucines, la clameur est telle qu'on jurerait que le poète montréalais a écrit cette chanson le 4 novembre dernier.

En plein psychodrame burlesque Ségolène Royal/Martine Aubry, les Français trippent Barack Obama et sont à écrire un nouveau chapitre dans la relation amour-haine qu'ils entretiennent avec les Américains. Ces mêmes Français, ne l'oublions pas, qui ont déjà sacré Jerry Lewis demi-dieu du 7e art et dont l'idole Johnny Hallyday a commis le plus cliché des hymnes à l'Amérique de Norman Rockwell... avec 30 ans de retard: Mon Amérique à moi.

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Bien sûr, nous sommes allés sur les Champs-Élysées illuminés pour le temps des Fêtes et nous avons vu la tour Eiffel, gigantesque arbre de Noël scintillant aux couleurs de l'Europe, quand le métro de la ligne numéro 6 est sorti de terre et a franchi la Seine entre les stations Bir-Hakeim et Passy. Et puis, comme d'habitude, nous avons fait le plein de spectacles, d'expositions, de films.

Mais pour nous, Paris c'est d'abord les promenades quotidiennes dans cette ville-musée et la découverte de quartiers arabes, africains et chinois qu'on voit trop peu souvent dans les vues. C'est aussi le plaisir de retourner systématiquement au resto marocain du boulevard Saint-Germain ou au bistrot sympa du Quartier Latin où nous avons nos habitudes. D'aller flâner au jardin du Luxembourg, au cimetière Montparnasse ou au parc Monceau où la végétation résiste tellement mieux que chez nous à l'intrusion de l'hiver. De faire nos courses le matin ou en fin d'après-midi à la pâtisserie, chez le marchand de fruits et légumes, le boucher ou le poissonnier du 9e arrondissement où nous louons un petit appartement.

Une saison vibrante

Le Paris de la fin novembre et du début décembre est gris et humide. Les journées y sont très courtes - il fait encore noir à 8h... - et quand il fait beau, la hauteur des édifices nous cache le soleil. Mais s'il y a un endroit au monde où le mauvais temps n'au aucune incidence sur notre plaisir, c'est bien Paris. D'autant qu'à cette période de l'année, la ville est tellement plus vibrante qu'au mois d'août où nous avions l'habitude d'y aller.

Plutôt que d'y croiser des touristes sur des vélos loués, nous nous mêlons aux Parisiens, nombreux, qui s'entassent sur les quais du métro ou jouent du coude dans les allées des Galeries Lafayette. D'authentiques Parisiens, pas si détestables qu'on le dit, mais suffisamment têtus pour continuer à prendre leur café dehors par ce temps maussade.

Si nous retournons toujours à Paris, c'est aussi pour eux.