La Galice, terre d'émigration, est la région d'Espagne comptant le plus de villages abandonnés, environ 1300, mais certains irréductibles refusent la fatalité et font tout pour les faire revivre.

C'est le cas de Joan Sisa, 52 ans, qui s'est installé en janvier à Xestas, minuscule bourg abandonné planté dans les montagnes galiciennes et offrant un point de vue magnifique sur la confluence entre l'océan Atlantique et la ria de Muros et Noya.

 

Ce routard expérimenté a déjà redynamisé des villages dans les Pyrénées et vient d'emménager dans l'une des trois maisons de cette «aldea», bourg du nord-ouest de l'Espagne, avec sa femme et ses deux enfants, de 4 et 2 ans.

Défenseur de l'agriculture écologique, il vise l'autosuffisance, et plante pour cela des fruits et légumes, élève des poules et bientôt des cochons. Il tire son électricité de panneaux solaires installés dans le jardin et utilise l'eau d'une rivière. Barbu, cheveux poivre et sel tombant sur les épaules, ce Catalan refuse l'étiquette de hippie moderne: «Je ne fume pas des joints toute la journée. Xestas demande beaucoup de travail, c'est un vrai projet», assure-t-il.

Il prépare le village pour «faire venir d'autres familles, avec des enfants» et assure avoir déjà «une longue liste d'attente» de candidats. Ses enfants font l'école à domicile et «quand ils seront cinq ou six, on installera une salle de classe».

Féru de l'internet, il tient un site web et tire ses revenus de vente de CD-ROM et de cours «d'agriculture écologique ou d'aromathérapie», prévus sur place cet été.

Xestas, domaine de 6 hectares accessible uniquement par chemin de terre, était autrefois habité par des agriculteurs, qui ont déserté leurs terres, comme des milliers de Galiciens, en quête d'un avenir plus prospère.

La Galice a vu, au cours du XXe siècle, 825 000 habitants émigrer ailleurs en Espagne, en Europe et surtout en Amérique latine, selon une étude de la fondation BBVA. La conséquence: plus de 1300 bourgs abandonnés dans toute la région, soit presque la moitié du total espagnol, 2874, selon des chiffres de l'Institut national de la statistique.

Manuel Tomé Pineiro, jeune maire de Porto do Son, commune de 10 000 habitants dont dépend Xestas, soutient à 100% l'initiative de Joan Sisa, qu'il espère voir s'étendre ailleurs en Galice.

«C'est un projet pionnier, nous souhaitons en faire un exemple en matière de développement durable», assure-t-il. Xestas avait déjà été repris en 1973 par un ancien avocat, décédé prématurément et dont les enfants, aujourd'hui étudiants, «n'ont pu faire face seuls au projet». Joan Sisa s'est engagé auprès de ces deux jeunes propriétaires à réactiver le village sur une période de 15 ans.

Défenseur engagé de l'environnement, M. Pineiro défend bec et ongles sa commune contre «l'implantation de complexes touristiques et de champs d'éoliennes» et fait tout pour aider à redynamiser Xestas. Bientôt, Joan Sisa pourra vendre des produits artisanaux sur le marché du village.

En plein travail de plantation de choux, Melchor, diplômé en journalisme de 33 ans, se dit convaincu que la «création de ce genre de minicommunautés est aussi un moyen de surmonter la crise économique». Originaire de l'est de l'Espagne, il n'a pas hésité à tout abandonner pour s'installer à Xestas.