L'endroit est superbe. La petite ville touristique de Melnik est nichée au fond d'une étroite vallée boisée, au pied de formations rocheuses et sableuses érodées. Il s'agit pratiquement d'un musée à ciel ouvert : près d'une centaine de bâtiments sont classés monuments historiques. Mais Melnik a-t-il une âme? Dans la rue principale, les restaurants succèdent aux hôtels qui succèdent aux boutiques de dégustation de vin. La ville ne compte que 200 habitants permanents. Il y a si peu d'enfants qu'il n'y a pas d'école. Comment Melnik pourrait-il avoir une âme ?

Nous logeons dans une ancienne prison turque, Uzunova Kashta (la maison de la famille Uzunovi). Les petites chambres donnent sur une cour intérieure agrémentée de plantes grimpantes. Après le déjeuner, le propriétaire, Ivan Uzunov, nous présente des photos de Melnik qui remontent à 1904. La ville, sous contrôle ottoman, est alors bien plus grande. Elle compte plus de 20 000 habitants, dont un grand nombre de Turcs et de Grecs. Sur les photos, les maisons se pressent les unes sur les autres et envahissent les flancs des collines. Après la Première Guerre balkanique, en 1913, Melnik passe à la Bulgarie et les communautés turques et grecques quittent la ville.

La famille Uzunovi achète la prison dans les années 40 pour s'y établir.

« Qui occupe la chambre numéro 9 ?, demande Ivan Uzunov. C'est là où je suis né. »

Subitement, Melnik a une âme.

En visitant la petite ville, on ne voit plus seulement les restaurants et les hôtels proprets, mais on devine les ruines des anciennes demeures sous l'épaisse végétation.

Au départ de Melnik, un sentier de randonnée pédestre suit un lit de rivière asséché puis s'élève sur les collines avant d'aboutir, 3 km après le départ, au monastère de Rojen. Beau, sobre, paisible, le petit monastère, qui remonte au XVIIe siècle, est encore en activité.

Rojen est moins connu que le monastère de Rila, inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO. Ce dernier ensemble monastique est particulièrement cher au coeur des Bulgares : c'est ici qu'on a conservé la foi orthodoxe et la langue bulgare, donc un peu de l'âme de la Bulgarie, pendant les périodes d'occupation. Il est niché au sein du massif de Rila, l'un des sept massifs de Bulgarie.

Le pays est petit, soit à peu près la même taille que l'État de Virginie. Et pourtant, pas moins de 30 000 km de sentiers de randonnée balisés parcourent ses montagnes. Il serait bien difficile de ne pas trouver une randonnée à son goût, depuis les sentiers au relief modéré du massif des Rhodopes jusqu'aux sommets des massifs de Rila et du Pirin.

Le sommet de Bulgarie, et de tous les Balkans, est le mont Moussala, à 2925 m d'altitude, dans le massif de Rila. Un premier essai pour le conquérir, au début de l'été, n'est pas couronné de succès. Une télécabine doit amener le groupe de randonneurs à son point de départ, à 2300 m d'altitude. Mais voilà, alors que la télécabine prend de l'altitude, une petite pluie bénigne se change en grosse pluie, puis en neige, puis en véritable blizzard. Bref, le groupe reprend la télécabine en sens inverse et va noyer sa peine dans une des nombreuses sources thermales de la région, à l'intérieur d'un édifice sorti tout droit de l'ère communiste.

Le mont Mallovitsa, également dans le massif de Rila, se montre plus coopératif. Pour rejoindre le sommet de 2730 m, il faut suivre un ruisseau guilleret, franchir des pierriers, contourner de jolis lacs glaciaires aux eaux pures et suivre une crête qui offre notamment une vue en plongée du monastère de Rila.

C'est toutefois le deuxième sommet de Bulgarie pour la hauteur, le mont Vihren, dans le massif du Pirin, qui se révèle le plus spectaculaire. Le sommet de 2914 m, blanc, nu, escarpé, semble fait de marbre. Le sentier, qui débute dans la végétation et les fleurs sauvages, devient vertigineux. Même les chamois, nombreux dans le coin, préfèrent se tenir un brin plus bas. Mais le soleil est de la partie et la température est tellement plaisante que c'est au sommet que le groupe de randonneurs casse la croûte, aux pieds d'une petite statue de Jésus-Christ. Parce que l'âme de la Bulgarie se retrouve également dans ses montagnes.

REPÈRES

• L'agence française Allibert offre plusieurs séjours en Bulgarie. On peut réserver directement avec elle ou par l'entremise de l'agence québécoise Karavaniers.

• On peut faire de la randonnée du printemps à l'automne en Bulgarie. Il fait chaud en plein été, mais la température est plaisante dans les montagnes.

• Dans les endroits touristiques, il est possible de trouver de très bonnes cartes des sentiers de randonnée dans les principaux massifs.

Photo Marie Tison, La Presse

Plus on monte, plus on est ébloui par le magnifique paysage.