Moulins à vent, villages de pêcheurs, canaux et péniches d'Amsterdam, mais aussi modernisme de La Haye et du pont-cygne de Rotterdam... aux Pays-Bas, tout baigne dans cette lumière tamisée qu'on identifie bien vite: c'est celle des grands maîtres flamands. Elle est discrète, subtile, toute en douceur et en nuances, mais elle impose néanmoins sa présence comme un personnage indissociable du pays. C'est la matière première avec laquelle ces grands artistes ont forgé leurs chefs-d'oeuvre, c'est elle qui a permis à Rembrandt de jouer de ce clair-obscur qui éclairait ses toiles ou à Vermeer de mettre en scène de simples épisodes de vie quotidienne.

À Zaanse Schans, un peu au nord d'Amsterdam, des moulins à vent maintenant immobiles et des bâtiments patrimoniaux ont été regroupés comme autant de témoins du passé dans une sorte de village d'antan néerlandais. Traversant le ciel, leurs immenses pales nous ramènent au XVe siècle. À quelques kilomètres de là, au bord du lac d'Ijssel, les typiques petits villages de pêcheurs n'ont guère changé non plus sauf pour le principal. Les pêcheurs n'ont plus accès au large depuis qu'une digue les a coupés de la mer du Nord et les habitants ont dû se recycler pour la plupart dans le tourisme. Mais au bout du village de Volendam, là où la route semble tomber dans l'eau, le camaïeu de gris est toujours le même, changeant et lumineux, et le lac qui semble infini ressemble toujours beaucoup à la mer.

 

À Amsterdam, deux souveraines règnent sur la capitale sans se jalouser. La bicyclette d'abord qui, tout en haut de l'échelle sociale urbaine, a priorité sur tout ce qui bouge. Viennent ensuite le tramway et le piéton, puis, bien loin derrière, l'auto. Puis, une autre reine, celle-là intemporelle, fait la loi: la lumière, qui caresse les canaux et les péniches pour les mettre en valeur et nous donner un sentiment indicible de paix et de tranquillité. Car aux Pays-Bas, tout est équilibre. La lumière oui, mais éclairante, pas aveuglante. Le libéralisme oui, mais avec des règles pour l'encadrer et une discipline pour les observer. De la culture, des arts et de l'histoire, oui, tout plein, mais aussi une bonne dose de modernisme dans les esprits, l'architecture et tout l'environnement urbain.

À Delft, le bleu et blanc de la porcelaine, omniprésents à la grandeur du pays, viennent colorer un petit peu mais toujours avec autant de rigueur le paysage néerlandais.

Est-ce cette retenue dans la nature autant que dans le caractère des gens, est-ce cet équilibre si rare entre audace et sagesse qu'on apprécie tant parce qu'ils sont si rares? Toujours est-il que dans les oeuvres des grands maîtres comme aux abords d'un canal d'Amsterdam ou de Delft, face au pont Érasme ou devant une toile de maître, il arrive de ces moments bienheureux où on croit presque entendre le silence.