Diana, qui consommait chaque jour du crack et de la cocaïne, a vécu deux ans dans la rue à Utrecht (centre des Pays-Bas). A partir de dimanche, elle guidera les touristes dans son ancien univers : des tunnels, trottoirs et ponts autour de la gare.

«Les gens vivaient là, dans des cartons, il y avait toujours 100 ou 150 personnes», raconte la guide âgée de 36 ans à l'entrée d'un tunnel sous le centre commercial qui flanque la gare d'Utrecht, lors d'une visite pour la presse.Avec quatre autres anciens sans-abri et toxicomanes, Diana a été formée pour faire des visites guidées de 90 minutes, d'un coût de 5 euros, intitulées «Utrecht Underground», un projet de réinsertion de l'organisation de soins psychiatriques Altrecht.

«On pouvait tout trouver ici : cocaïne, héroïne, ecstasy, prostituées, objets volés», se souvient la jeune femme aux longs cheveux blond platine et aux ongles laqués avec soin.

Des grilles interdisent désormais l'entrée du tunnel. «Qu'est-ce que ça puait! Il y avait des seringues, les gens pissaient là. Deux fois par jour, les services municipaux venaient nettoyer à grande eau. Si tu ne te sauvais pas, tu te faisais doucher», se souvient-elle.

C'est là aussi que Diana, entraînée dans la rue par un compagnon toxicomane, a passé «des nuits entières» en 2002-2003. «Mais je n'y dormais jamais, trop dangereux! Je dormais dans les accueils de jour», explique la guide qui porte des bottes, une jupe et des lunettes de soleil noires.

Elle se prostituait pour «gagner sa vie» et les «400 à 500 euros» de crack et de cocaïne fumés quotidiennement. «Je me bats encore tous les jours», dit-elle, six ans après avoir quitté la rue. «Celui qui a été toxicomane et qui dit qu'il ne touche plus à rien, c'est un menteur!».

Diana entraîne les visiteurs sous le pont où elle s'abritait de la pluie. Juste à côté, dans l'ancien «local de consommation» où elle venait se droguer et entreposer ses affaires, elle montre la pièce réservée à ceux qui s'injectaient de l'héroïne avec des seringues fournies par les travailleurs sociaux.

Dans ce bâtiment, qui accueille désormais une association de travail temporaire pour toxicomanes et SDF, une «pause café» est prévue autour des grandes tables où ceux-ci prennent leur déjeuner.

Un peu plus loin, Marco, une vieille connaissance de Diana, sort du dernier «local de consommation» encore en service d'Utrecht. Ils s'embrassent et rient. «Tiens, il a rechuté lui, mais il n'a pas l'air trop amoché pour l'instant», murmure-t-elle.

«On a un coach à qui on peut s'adresser si tout ça remue trop de souvenirs et si ça nous donne envie d'y toucher à nouveau», confie alors la guide, qui reçoit le soutien de sa famille et aura un appartement en 2010.

Diana n'a jamais beaucoup d'argent sur elle car la tentation d'acheter de la drogue serait trop grande. «Si je gagnais au loto, j'en mourrais», dit-elle en plaisantant.

«Je fais ces visites parce que j'ai envie de montrer qu'il y a pas mal de choses prévues pour aider les gens à s'en sortir», ajoute la guide, payée 11,50 euros par visite.

La ville d'Utrecht comptait 1.000 à 1.200 sans-abri et toxicomanes en 2000, contre 200 aujourd'hui, selon Altrecht. En 2001, les services de police, de psychiatrie et sociaux ont décidé de coopérer pour endiguer le phénomène. Neuf foyers d'accueil, soit 200 chambres, où les toxicomanes sont autorisés à consommer de la drogue, ont ainsi été ouverts.