Avant même que la victoire de Conchita Wurst à l'Eurovision ne donne une image plus tolérante de l'Autriche, Vienne était déjà connue des touristes homosexuels pour ses musées, ses balades romantiques et son engagement pour la cause des gais et des lesbiennes.

L'ancienne capitale impériale courtise le public gai et lesbien en faisant fi de leur réputation d'oiseau de nuit: «Vous ne verrez pas de postérieurs masculins nus ou de jeux de mots graveleux, comme pour d'autres destinations. Vienne reste fidèle à sa marque, ''classique et élégante''», a expliqué à l'AFP le directeur de l'Office du tourisme de la ville, Norbert Kettner.

Comme pour les touristes hétéros, la ville mise sur sa vaste offre culturelle, avec succès: Vienne a été classée en janvier première destination culturelle par quelque 80 000 utilisateurs du site participatif GayCities.com.

«Si la seule chose qui vous intéresse, c'est de faire la fête 24 heures sur 24, il y a d'autres villes qui feront ça mieux. Mais si vous vous intéressez à la gastronomie de qualité, à la culture... et que vous voulez aussi faire la fête, alors venez à Vienne», résume Norbert Kettner.

L'Office du tourisme viennois bichonne ce public depuis plus de quinze ans, en éditant un guide spécialisé, une page Facebook séparée ou encore en lançant une campagne sur internet où des couples homosexuels posent dans leur endroit préféré de Vienne.

La ville «a une image assez formelle, mais elle est aussi connue pour avoir une bonne scène gaie, en terme d'offre, ça couvre tout, des simples bars aux sex clubs», avance Brian Melaugh, un Irlandais de 47 ans qui visite Vienne pour la deuxième fois.

À une table du Café Savoy, une institution gaie à la déco rococo, il concède que le choix de la capitale autrichienne est peut-être une question de maturité. «Beaucoup d'homosexuels plus âgés vont à Vienne, les plus jeunes vont à des endroits comme Ibiza», ajoute-t-il.

Le Life Ball, extravagant et engagé

La tolérance dont fait preuve la ville envers les visiteurs homosexuels est une autre facette de l'attractivité de Vienne.

«Les bars gais ne sont pas aussi visibles que dans d'autres endroits», relève Bill, un architecte de 36 ans venu de Washington passer une dizaine de jours en Europe avec son compagnon. Pour eux ce n'est pas un problème, c'est même un signe d'acceptation.

Vienne a fait preuve de son engagement pour la cause homosexuelle en accueillant depuis plus de vingt ans l'extravagant Life Ball, une soirée de charité annuelle dédiée à la lutte contre le sida.

L'Hôtel de Ville reçoit alors sur son parvis et dans ses salles néo-gothiques plus de 45.000 fêtards, gais ou non, le plus souvent déguisés, venus danser pour la bonne cause et apercevoir les nombreuses vedettes présentes - le 31 mai prochain sont attendus, entre autres, l'ancien président américain Bill Clinton, le chanteur Ricky Martin et bien sûr le travesti à barbe Conchita Wurst.

Le Life Ball attire la jeunesse de Vienne et de l'Europe entière, notamment des pays voisins de l'ancien bloc soviétique.

Car «50 ou 60 kilomètres à l'est de Vienne, ce serait impensable» d'organiser un tel événement, rappelle Norbert Kettner, «Vienne est une exception en Europe centrale, en terme de sécurité et de tolérance» pour la communauté homosexuelle.

Les touristes des pays de l'Est apprécient la «normalité» qu'ils rencontrent à Vienne, explique Boyan Dervichev, le gérant du Café Savoy, un Bulgare installé à Vienne depuis 26 ans.

«S'ils s'embrassent, ce n'est pas un scandale, ce n'est pas de la provocation, c'est normal», raconte-t-il.

Le succès de Conchita Wurst, alias Tom Neuwirth, qui a élu domicile à Vienne, vient renforcer cette image de tolérance. S'il n'attend pas d'effet touristique direct, Norbert Kettner souligne qu'il s'agit là d'une «figure très viennoise».

«Il y a à Vienne une atmosphère dans laquelle un personnage comme Conchita pouvait se développer, avec toute sa symbolique», a-t-il déclaré après la victoire au quotidien Der Standard.

Liens :

> Page LGBT de l'Office du tourisme de Vienne (en français)

> Campagne «We are» (en anglais)

> Life Ball

Photo DIETER NAGL, AFP