Une vache à soi pour l'été? L'idée pourrait paraître saugrenue mais fait de plus en plus d'émules en Suisse où des fermiers proposent de belles laitières en location pour citadins en mal d'alpages.

Cette année, le projet «Mavachamoi» développé il y a cinq ans par Michel Izoz sur un modèle existant dans les régions alémaniques, a particulièrement bien marché.

À La Lécherette dans le canton de Vaud, il ne reste plus guère qu'Ilda, Rosette, Tola, Ursula, Usine ou Quenele, car les autres, à commencer par la star, Verveine, une belle brune à cornes, ont toutes déjà été louées pour l'été.

Elles ont été choisies sur le site Internet www.lecherette.ch qui présente un catalogue bien fourni de photographies sous plusieurs angles de ces ruminantes trônant dans des prairies fleuries, façon carte postale. Certaines ont plus de succès que d'autres, surtout celles à cornes «qui font plus authentiques», reconnaît M. Izoz. Ou encore les noires, auxquelles la robe rutilante donne fière allure.

Souvent «offertes» en cadeau (la saison coûte 280 euros), ces vaches sont surtout prétexte à de riches rencontres entre «le monde stressé des villes et la vie dure des montagnes», assure l'initiateur.

De fait, M. Izoz ambitionne avant tout de «montrer aux citadins que la vie à la ferme est vraiment différente de ce qu'ils pensent».

Le «locataire» a tout le loisir d'en faire l'expérience. Car outre la possibilité de voir «sa» vache autant qu'il veut, son contrat stipule qu'il consacre au moins quatre heures de travail à l'exploitation, à rassembler le troupeau, couper du bois, participer à la traite ou encore à la fabrication quotidienne des fromages préparés au feu de bois dans de grandes cuves en cuivre.

«Souvent, ça fait rire mon fils», de les voir un peu maladroits dans ces travaux qui demandent un peu de doigté, s'exclame Esther Ginier, une fermière qui propose également 16 laitières bien charnues.

Au total, beaucoup sont surpris par la difficulté de la vie dans ces montagnes si belles où, au mieux, certains se promènent les week-ends, constate une retraitée participant au projet avec son mari, Katherine Bolay.

«Ils découvrent que les alpages, c'est sept jours sur sept, qu'on n'a pas de dimanche, et peu de vacances», renchérit Mme Ginier.

«Nous, on est surtout stressé par la météo, on vit avec la nature et ses lois», insiste le solide fermier vaudois devant sa vieille ferme en bois typique du 17ème siècle, ornée de fleurs et de cloches antiques.

Son père, dit «lolo» est plus direct: «tous ces bavards à la télé sur le prix du lait, quand ils viennent ici, ils repartent avec leurs +a priori+ sous la botte».

Mais le système de parrainage permet d'autres surprises.

«Les enfants découvrent même en Suisse, au pays des vaches, que le lait ne vient pas des bricks. Et que directement du pis, c'est doux, c'est chaud, c'est sucré», explique encore Mme Bolay.

Quant aux parents, qui comme tous les Suisses ont forcément des origines montagnardes, ils retrouvent des souvenirs d'enfance et repartent avec des produits sans conservateur ni colorant, «au vrai goût», blague son époux.

Ils réalisent aussi que «les vaches ne sont pas si bêtes et que comme les hommes, elles ont leur caractère, avec une dominante, une curieuse, une gourmande... et même des méchantes qui nous chargent», poursuit-il.

Claude Kobler loue Sirène depuis 2007. Pour lui, l'expérience consiste d'abord à donner un «appoint à la paysannerie de montagne».

Mais ce qui plaît le plus à ce consultant en informatique bancaire genevois, c'est bien le contact avec ce monde si différent. Quant à sa fribourgeoise tachetée, «ça a l'air de lui réussir d'avoir toujours le même propriétaire, car elle produit de plus en plus de lait!.»