Au loin, on dirait un château de princesse, directement tiré de Walt Disney World. En quelque sorte, Neuschwanstein est bel et bien tiré des rêves d'un enfant, d'un roi bavarois qui vivait dans un monde chimérique.

La preuve la plus patente du refus de la réalité dont faisait montre Louis II de Bavière est le petit salon d'où il observait la plaine en contrebas. Les murs de la minuscule pièce sont aménagés comme s'il s'agissait d'une grotte, et son fauteuil était fait de rondins délicats, comme s'il était un faune.

 

Situé à une heure au sud de Munich, Neuschwanstein est le témoin par excellence du romantisme bavarois. Les historiens racontent que Bismarck, pour assurer l'annexion de la Bavière à l'empire prussien, a décidé de laisser Louis II transformer en réalité ses rêves ruineux - le château a coûté six millions de marks, l'équivalent de 200 millions de dollars aujourd'hui, à une époque où la main-d'oeuvre coûtait trois fois rien.

Louis II est mort l'année même de l'inauguration de Neuschwanstein, en 1886. Il a été retrouvé au fond d'un lac voisin, après que le gouvernement de Bavière eut réclamé sa déposition parce qu'il ne s'occupait pas assez des affaires de son royaume. Jusqu'à ce jour, il n'est pas clair s'il s'est agi d'un suicide, d'un assassinat ou d'un simple accident survenu à un homme mentalement instable.

Ce n'était pas la première fois que le souverain faisait face à l'opprobre de ses sujets. Lorsqu'il est monté sur le trône en 1864, à l'âge de 18 ans, il a fait venir à sa cour Richard Wagner qui, à l'époque, avait des ennuis financiers. Louis II avait été profondément ému l'année d'avant lorsqu'il avait vu l'opéra Lohengrin, lors de l'une de ses rares excursions à l'extérieur des châteaux de campagne où son père le séquestrait pour le protéger du monde moderne. Louis II a voulu faire de Neuschwanstein un monument à l'univers mythique décrit par Wagner, ce qu'on constate dans les multiples fresques, notamment celle de la fastueuse salle du trône aux mosaïques d'un or presque byzantin.

Wagner n'est resté que quelques années auprès de Louis II, parce que les Bavarois s'indignaient du salaire versé à un Allemand du Nord qui, de surcroît, s'était lié aux anarchistes lors des troubles de la fin des années 1840.

On accède au château par des sentiers sur la montagne. Une balade en calèche tirée par un cheval est possible. Mais il faut absolument profiter des sentiers pour la descente. On peut notamment faire le détour vers un pont piétonnier construit par Louis II, qui assure une vue imprenable sur le château et sur une gorge en contrebas qui donne des frissons quand on regarde le torrent coulant au fond. Avec un peu d'organisation, on peut marcher vers d'autres châteaux de la région, en suivant des sentiers très bien aménagés par les autorités locales.

La planification est aussi de mise à Neuschwanstein, parce que le château est si populaire qu'il faut réserver son heure de visite. La réservation se fait en bas, dans le village - n'attendez pas d'arriver en haut, sinon vous allez attendre des heures.

Le village en bas est très charmant, quoique uniquement dédié aux touristes. Les magasins et les restaurants ont su rester fidèles à l'esprit allemand du lieu, tant par leurs prix que par leur aménagement. En flanc de montagne, avant d'arriver au château, on croisera une série de restaurants très honnêtes où trinquer à la santé de Louis II.

À noter, Neuschwanstein est très mal desservi par train. Il faut arriver à la station de Füssen, ce qui exige habituellement un changement à Munich, puis prendre un autocar. Mieux vaut louer une voiture pour profiter des charmantes routes en lacet, ou carrément se procurer l'un des forfaits qui partent en autocar de Munich. Il faut seulement une heure par la route, contre près de deux heures par rail.