Partir à l'aventure dans les montagnes. Telle était la prémisse de notre voyage avec le sac au dos. Sans aucune expérience de l'alpinisme ou de la randonnée en altitude, nous sommes partis pour le Tyrol, en Autriche. En toute liberté.

Nous n'avions rien réservé ou planifié à l'avance. Nous sommes arrivés en train à Innsbruck, capitale du Tyrol du Nord, qui est un land autrichien. Au sortir de la gare, un mur d'Alpes nous entoure. C'est exactement ce que nous voulions.

 

Au bureau d'information touristique, nous faisons part à la dame de notre projet : marcher très haut dans la montagne, comme la famille Von Trapp à la fin de La mélodie du bonheur. Mais avec une remontée mécanique pas trop loin. Aussi, voir des edelweiss et dormir dans un refuge. Et ne pas se casser la figure.

La dame ne sourcille pas. Elle glisse son doigt sur la carte et nous indique une région au sud d'Innsbruck, la vallée du glacier Stubai, où l'on retrouve une centaine de sommets de plus de 3000 mètres et 850 km de sentiers alpins.

La vallée du Stubai

L'autocar file sur l'autoroute Brenner depuis bientôt une heure. Nous nous enfonçons dans la vallée du Stubai, qui s'étend sur 35 km. Nous sommes en plein coeur du Tyrol. La vallée est assez étroite, et les montagnes, très hautes. La lumière, diffuse, s'engouffre dans cette brèche géante et descend en particules, révélant les Alpes dans toute leur splendeur.

Le réseau routier est intelligemment construit et contourne les villages au creux de la vallée. Ainsi, les petits bourgs de Telfes, de Fulpmes, de Neustift et de Kampl sont tout ce qu'il y a de plus tranquille, inviolés et charmants.

Nous débarquons à Neustift. L'air est le plus tonique et pur qui soit; on est à plus de 1000 mètres au-dessus du niveau de la mer.

Situé à proximité du glacier Stubai, Neustift est le village le plus connu et le plus fréquenté de la vallée. Sur la place principale, des endroits pour casser la croûte, de la musique du pays, des chorales de yodleurs coiffés du charmant chapeau autrichien. Les habitants, à l'air plutôt «neutre», se transforment en sympathiques Tyroliens chantant aussitôt qu'ils ouvrent la bouche.

Nous passons la première nuit en camping, en bordure d'une rivière alpine à l'eau grise claire. Le lendemain, l'appel de la montagne se fait sentir. Nous prenons le télésiège à la station Elfer Lifte, qui nous débarque quelque 2000 mètres plus haut. La végétation se fait rare. Nous gravissons à pied la centaine de mètres qui nous mènent à l'Elferhütte, notre refuge à flanc de montagne.

À notre arrivée, la journée tire à sa fin. Le soleil descendant projette des ombres sur les montagnes. Nous admirons les parapentistes qui jouent aux oiseaux dans la vallée, suspendus dans l'air baigné de soleil. Nous apprécions le fait d'être attablés à 2080 mètres, avec une pinte de radler (mélange de bière et d'eau gazeuse au citron), des saucisses et du fromage.

Avant la tombée de la nuit, nous explorerons les environs, pour jauger le niveau de difficulté des randonnées à venir. Nous empruntons le sentier panoramique, qui nous mène sur le versant ombragé de la montagne en cette fin de journée. C'est une voie assez facile, mais son étroitesse demande une prudente adaptation.

 

Photo: Geneviève Gourdeau

La vallée du Stubai s'étend sur 35 km en plein coeur du Tyrol.



Une nuit au refugeTous les refuges de montagne offrent une excellente cuisine pour randonneurs. Des viandes, des pains, des fromages, du café très fort. Pas de sushis par ici.

Le soir, le ventre plein, nous gagnons notre chambre privée (il y a aussi des dortoirs). Modeste, mais chaleureux. Dans cette petite chambre de refuge tyrolien, le lit est comparable à tous les autres lits en Autriche : un matelas trop ferme, mais une couette épaisse et moelleuse.

Deux fenêtres de notre chambre s'ouvrent sur la nuit noire. Nous sortons la tête dehors. Pas un son. Pas de lune non plus. Puis, les yeux s'habituant petit à petit à la noirceur, la voici qui apparaît : la montagne. Nous décelons d'abord ses contours, puis toute sa puissance. Elle est là, elle nous entoure, elle nous protège. Demain, nous la grimperons.

Si certains éléments de la nature nous coupent d'abord le souffle, ils appellent ensuite à la contemplation et au respect. Ils provoquent, au final, un grand calme. La puissance d'un océan à perte de vue, par exemple. Une immense montagne endormie qui se laisse deviner, dans l'obscurité, aussi.

Nous partons en matinée pour notre première vraie randonnée alpine. Après des débuts assez faciles, ça se corse. On entame la vraie montée vers l'Elferspitze (le sommet) à 2505 mètres.

Le sentier se fait vite plus escarpé, moins bien défini, plus glissant. Les passages sont étroits. On se félicite d'avoir une bonne chaussure, avec cheville protégée. Il faut avoir le pas prudent et assuré à la fois. Il faut faire très attention pour ne pas provoquer un éboulement de roches ou se tordre la cheville. On note, inquiets, que les secours peuvent être très longs à venir dans ces pics rocheux en haute altitude.

Les arrêts sont fréquents. Nous voulons faire le plein des splendides images qui s'offrent à nous.

L'arrivée au sommet est beaucoup plus longue qu'il n'y paraît vu d'en bas. Là-haut, le sentiment d'accomplissement est très grand pour nous, touristes sans préparation qui rêvions d'aventures en montagne. Debout et immobiles, le visage plein soleil et le Tyrol à nos pieds, nous vivons une belle journée.

Photo: Geneviève Gourdeau

Neustift est le village le plus connu et le plus fréquenté de la vallée.



RepèresLe Tyrol est une région alpine d'Europe centrale divisée depuis 1918 entre l'Autriche et l'Italie. La partie autrichienne du Tyrol constitue une province composée du Tyrol du Nord, dont la capitale est Innsbruck, et du Tyrol de l'Est, dont la ville principale est Lienz. La partie italienne est composée du Trentin et du Tyrol du Sud.

> Les refuges

Les montagnes du Tyrol sont parsemées de refuges qui appartiennent au Club alpin ou sont gardés par des particuliers. Ces refuges sont des bases pour les alpinistes et les randonneurs et servent aussi de restaurants et d'hôtels d'altitude. Il faut respecter le règlement : ne pas marcher en chaussures dans la bâtisse et ne pas faire de bruit entre 22h et 6h.

> Le yodle (aussi iodle, jodle)

Le yodle était autrefois le moyen de communication des bergers, des cueilleurs, des ouvriers forestiers et des charbonniers. Il permettait de franchir acoustiquement de grandes distances, d'un alpage à l'autre, ou d'attirer le bétail. Cette façon de communiquer s'est développée au XIXe siècle dans les Alpes et est devenue un chant musical, à l'origine des chorales de yodleurs.