Il faut bien être bavarois pour vanter l'attraction principale d'un pic s'élevant à 3000 mètres d'altitude en affirmant que son «biergarten est le plus haut d'Allemagne». Et pourtant, force est d'admettre que l'Allemagne a une approche différente des Alpes.

Ici, l'accent est mis sur l'agrément. L'endroit le plus plaisant du Zugspitze, à deux heures au sud de Munich, est la terrasse du Münchnerhütte, un petit restaurant en bois qui sert des saucisses et d'autres plats consistants, en plus des bocks de bière. Pas question de s'arrêter de boire simplement parce qu'on est en altitude.

 

Le bureau de tourisme propose d'ailleurs, quelques fois par an, des soupers romantiques aux chandelles à 3000m d'altitude, et plus souvent des soirées gastronomiques agrémentées de chants bavarois après le coucher du soleil. C'est probablement le seul endroit au monde où, pour célébrer l'altitude, les invités sont accueillis avec un verre d'alcool fort - du schnaps d'edelweiss. À noter, le Münchnerhütte est par beau temps plus agréable que le biergarten.

En terme alpin, le Zugspitze se distingue par son tunnel que le train à crémaillère met une bonne vingtaine de minutes à franchir, et qui date du début des années 30, juste avant l'accession des nazis au pouvoir. Pendant ce long moment, une vidéo en 3D nous montre le trajet et ce qu'il faut faire en cas de panne. Zugspitze signifie «sommet du train», mais la montagne n'a pas attendu le train à crémaillère pour adopter ce nom. Il est pour la première fois mentionné en 1590 dans un livre munichois. Selon des étymologistes, il pourrait s'agir d'une dérivation de Ziegenspitze, «sommet des chèvres».

Les Autrichiens ont atteint le sommet avec un téléphérique quelques années avant les Allemands. En visitant les lieux, on passe d'ailleurs sans s'en rendre compte d'un pays à l'autre. Il a fallu que la préposée d'un musée autrichien m'intercepte - mon billet allemand ne m'en permettait pas l'entrée - pour que je m'aperçoive qu'il y avait une frontière. Seuls deux panneaux de bois avec les armoiries de la Bavière et du Tyrol indiquent le changement, preuve de la puissance des identités régionales. Dans le téléphérique allemand menant de la station la plus élevée du train à crémaillère au sommet proprement dit, se trouvait d'ailleurs un Autrichien qui avait apporté ses skis pour descendre par ses propres moyens jusqu'à sa maison. On peut généralement skier jusqu'au début mai.

Détail amusant, la Zugspitze a 27 centimètres de moins en Autriche, parce que le niveau de référence y est la ville de Trieste, en Italie, alors que l'Allemagne considère que l'altitude zéro est à Amsterdam.

En descendant, on peut s'arrêter à l'Eibsee, le «lac aux ifs». Un sentier en fait le tour et permet de contempler les Alpes qui montent en flèche à partir des rives depuis un Biergarten ou le restaurant de l'hôtel. Un téléphérique va directement du Zugspitze à l'Eibsee, où on peut faire halte avant de rentrer à Garmisch-Partenkirchen. C'est là qu'on reprend le train pour Munich. Si on reste plus d'une journée, il vaut la peine de louer une bicyclette à Garmisch pour l'Eibsee ou les nombreux sentiers de la région, qui serpentent le long des ruisseaux en crue une bonne partie de la saison chaude, et entre les granges érigées en quinconce dans les plaines, avec une précision toute germanique. Même la manière dont les bûches sont rangées sous les abris semble plus ordonnée ici, comme si les habitants des maisons dont on peut voir les courettes depuis le train à crémaillère se pomponnaient pour la visite.