Il y a un an encore, le fait de payer 7900 francs suisses (7900 $) par nuit pour une suite à Saint Moritz était une bagatelle naturelle pour les célébrités et milliardaires russes habitués de la très chic station de ski de l'est de la Suisse.

Mais après les records de 2007-2008, la saison hivernale s'annonce plus morose pour la station où un hôtel sur quatre est un cinq étoiles. Déjà, au Carlton, les annulations sont quotidiennes.«Nous recevons tous les jours des annulations de Russes qui nous donnent comme raison principale la crise financière», explique le directeur général de l'hôtel Christopher Cox.

Pour l'instant, les annulations au Carlton sont compensées par une longue liste d'attente, se rassure M. Cox. Ce qui est sûr en revanche, c'est que les «extras» ne seront pas au rendez-vous.

«Les clients qui avaient l'habitude de commander deux pizzas et une bouteille de vin à 8000 francs (8000 $) risquent de ne pas le faire cette année», prévoit le responsable.

La tendance devrait être générale en Suisse où le ministère de l'économie prévoit que l'industrie touristique enregistrera les «premiers effets» du ralentissement économique mondial «au cours de l'hiver prochain», avec un recul de 2,4 % des nuitées, selon des prévisions publiées lundi.

Le haut de gamme ne devrait cette fois pas être épargné comme l'atteste une étude du cabinet Bain and Company selon laquelle les consommateurs de produits de luxe, d'habitude peu affectés par les ralentissements économiques, commencent déjà à rechigner à la dépense.

Pour Saint Moritz, la baisse de fréquentation est surtout attendue du côté russe qui représente une grande partie des clients durant l'hiver, parmi les plus dépensiers. Le pays a été touché de plein fouet par la débâcle financière mondiale, les deux principales bourses russes ayant perdu cet automne plus des trois quart de leur valeur après des records en mai.

Les Américains et les Britanniques, également adeptes de la station, ont eux aussi commencé à se serrer la ceinture en renonçant à leur pause hivernale suisse. Les responsables locaux du tourisme se veulent toutefois rassurants.

Pour Dieter Bogner, un responsable de la société gérant les infrastructures du domaine skiable de la région, il ne faut pas céder au pessimisme ambiant. Il préfère imaginer que cette crise est une «occasion» d'attirer de nouveaux touristes locaux.

«En cas de crise, les gens ont tendance à rester dans leur pays. C'est une chance pour nous d'inviter nos touristes locaux à redécouvrir la Suisse», explique-t-il.

Toutefois, il reste préoccupé par les effets du raffermissement du franc suisse qui a atteint un pic historique la semaine dernière face à l'euro.

«Un franc fort pourrait être un handicap plus important que la crise elle-même», reconnaît-il dans la mesure où les consommateurs ont intérêt à dépenser dans une devise moins forte chez les voisins français, allemands ou italiens.

Le responsable du bureau économique et de tourisme du canton des Grisons, Eugen Arpagaus est également conscient du problème: 15 à 20 % d'augmentation du franc pourrait se traduire par une baisse de 5 % du nombre global de nuitées, estime-t-il.

Par ailleurs, si la crise venait à durer, l'impact pourrait être encore plus fort pour la prochaine saison d'été, selon M. Arpagaus. Une inquiétude partagée par le directeur de l'agence pour le tourisme des Grisons Gaudenz Thoma.

«Les annulations (de l'hiver) vont nous aider à surmonter les problèmes de surréservation», assure M. Thoma. «Mais si la crise persiste», l'été pourrait, selon lui, s'avérer peu florissant.