On connaît bien le procès de Nuremberg et les grands rassemblements nazis immortalisés par la cinéaste Leni Riefenstahl. Mais on aurait tort de s'y arrêter. L'histoire de Nuremberg est millénaire et englobe Charles Quint, le peintre Dürer et le fabricant de crayons Faber-Castel.

La ville du nord de la Bavière regorge de curiosités. Prenons par exemple l'histoire du cavalier condamné à mort dont le dernier voeu était de monter son cheval, et qui s'est sauvé en franchissant d'un bond les douves de 50 mètres de largeur, laissant deux empreintes de sabots sur les créneaux du château.

 

Ou alors, à côté de l'église Saint-Laurent, la rangée de dalles qui devait paver la voie monumentale prévue par Hitler, et qui fait exactement deux foulées pour aider les soldats à marcher au pas.

Chose certaine, Nuremberg s'est donné du mal pour expier son association avec le nazisme. Une portion de la voie monumentale a été dédiée à la Déclaration universelle des droits de l'homme: chacun des 30 articles est inscrit sur une colonne de pierre en allemand et en une langue étrangère. Un chêne au milieu de la rangée de colonnes symbolise les langues qui n'ont pas trouvé niche. On aménage présentement un centre de documentation dans le palais de justice où a eu lieu le célèbre procès des hauts dignitaires nazis. On peut aussi visiter le grand parc de 11 km2 où ont eu lieu les rassemblements de Hitler.

La ville a été choisie par le führer parce qu'elle est au centre du pays, et aussi parce qu'elle a un lien spécial avec les empereurs romains germaniques (le premier Reich était le Saint Empire romain germanique). Ces deux caractéristiques ont assuré la prospérité de Nuremberg du Moyen-Âge à la Renaissance.

La ville a été l'une des premières à embrasser le protestantisme. Dans l'église Sankt-Sebald, on peut notamment voir l'une des premières peintures protestantes, de Johann Kreuzfelder, qui mettait en vedette Adam et Ève mais ne racontait pas d'histoire édifiante, conformément aux nouveaux canons de la foi. Et il faut absolument s'arrêter devant le reliquaire de métal du XVIe siècle de Peter Vischer, dont les innombrables angelots et animaux (la base du monument repose sur des escargots) sont d'une précision envoûtante. La base est de style gothique, et le haut de style renaissance, car entre-temps les fils de l'artiste avaient voyagé en Italie.

Le château

Le château qui domine la vieille ville servait uniquement lors de la visite des empereurs. Toutefois, ces derniers n'y dormaient pas, car il y faisait trop froid. Ils préféraient les confortables manoirs des riches commerçants (la ville a ainsi pu conserver ses oeuvres d'art catholiques menacées par les protestants parce qu'elles avaient été financées par les commerçants, qui ont protégé leurs investissements).

La chapelle du château compte trois étages - un pour les chevaliers, un pour les nobles et un autre pour l'empereur et sa famille. Elle comprend une petite alcôve aménagé pour Charles Quint, dont les rhumatismes exigeaient un chauffage particulier.

Une tiare celte en or, de plus d'un mètre de haut et vieille de 3000 ans, témoigne aussi des la richesse de Nuremberg. Découverte dans les années 50, cette tiare est exposée au Musée germanique, un petit Louvre teuton financé par tous les pays où on parle allemand.

En contrebas du château, la maison de Dürer est l'une des rares à avoir été rénovée après la guerre. «Nous n'avons reconstruit que les édifices publics, explique la relationniste Karola Gärtner. Les maisons ordinaires ont été refaites dans un style moderne mais respectueux de la vieille ville. Nous ne voulions pas avoir un Disneyland artificiel.» Une maison de 1338 a miraculeusement échappé aux bombardements et témoigne des méthodes de construction approximative de l'époque - aucun angle n'est vraiment droit.