Berlin, c'est bien sûr les vestiges du mur et la porte de Brandebourg. Mais c'est aussi des centaines de galeries d'art clandestines, des squats, des bars cachés dans des entrepôts désaffectés et même des restaurants dans les toilettes. Petite incursion dans un Berlin hors des sentiers battus.

Les graffitis de Kreuzberg

Il y a des rues du quartier Kreuzberg Est où l'on ne voit pas un pouce de la couleur des murs tellement il y a de graffitis. Des «tags», des messages de paix et de guerre dans toutes les langues, des dessins indéchiffrables, des portraits d'hommes célèbres, des monstres, des scènes d'histoire et de vie quotidienne... On peut passer des heures à les regarder. La plupart ont été tracés par des artistes locaux ou des adolescents désireux de laisser leur marque. Mais on trouve aussi, en y faisant un peu attention, les oeuvres hautes de plusieurs mètres de graffiteurs célèbres dans le monde entier, dont l'Astronaute de Victor Ash, l'Homme jaune des frères Os Gêmeos ou des fresques morbides de l'Italien Blu.

Contrairement à ce qu'on pourrait croire, ces milliers de graffitis qui camouflent des pans entiers du quartier ne rendent pas les lieux glauques ou inquiétants. Le secteur est un véritable musée à ciel ouvert où les oeuvres font partie du décor. Même les terrains de jeux et les parcs grouillant d'enfants ne sont pas épargnés. «Les gens ont fait ça pour s'exprimer et se défouler à l'époque du mur et après. Ça fait partie de notre histoire», nous confie une mère de famille visiblement amusée par notre air surpris.

Où: Kreusberg Est, près de l'Oberbaumbrücke

Info: www.everytrail.com

Un burger dans une latrine

La queue s'étire devant le comptoir du Burgermeister, simple ouverture dans le mur d'une ancienne latrine extérieure installée dans un îlot de béton entre deux voies d'une rue passante du quartier Kreuzberg, directement sous les rails du métro. Accoudés à six tables en bois visées dans le trottoir, des Berlinois branchés de tous âges engouffrent burgers et frites à la sauce fromage et chili en sirotant une bière locale.

L'endroit est si achalandé que certains clients ont dû s'installer par terre, dans la poussière des voitures. Pas de touristes ici. Seulement des gens du quartier qui s'arrêtent devant l'ancienne toilette publique, vieille de 100 ans, pour une collation grasse et savoureuse à souhait. Malgré son emplacement pour le moins... étrange, le magazine Time Out fait de Burgermeister l'un des 30 meilleurs restaurants de la capitale allemande. Un arrêt parfait pour un dîner rapide, un en-cas d'après-midi ou une fringale à la sortie d'un bar.

Où: 8, Oberbaumstrasse, Kreuzberg.Quand: ouvert toute la semaine jusqu'à 2h du matin.

Info: www.burger-meister.de

Festoyer dans une gare de triage

Il faut passer devant une série de hangars décrépits d'une ancienne gare de triage pour faire le trajet à pied entre les quartiers branchés de Kreuzberg et Friedrichshain par la rue Warschauer. Le soir, une odeur d'urine flotte dans l'air et des petits groupes de jeunes à l'allure inquiétante flânent devant les vieux bâtiments, bière à la main. Les touristes pressent le pas. Erreur. Derrière les murs usés des entrepôts se cache l'un des endroits les plus bouillants du secteur, le repaire insoupçonné d'une faune jeune et bigarrée. Et c'est les yeux écarquillés qu'on découvre son existence complètement par hasard en croyant emprunter un raccourci.

Le Raw Temple: c'est une centaine de bars, de galeries d'art, de bazars, de studios d'entraînement, de terrasses et d'ateliers animés à toute heures du jour et de la nuit. De jour, on y va pour faire de l'escalade dans un vieux silo transformé à cette fin ou de la planche à roulettes, pour prendre un verre dans les dédales de ces anciens bâtiments, pour acheter des livres usagers ou pour voir des artistes à l'oeuvre. La nuit tombée, le lieu se transforme en véritable discothèque à ciel ouvert où se mêlent tous les styles de musique et les allures vestimentaires.

Où: À l'angle des rues Warschauer et Revaler dans le quartier Friedrichshain

Info: www.raw-tempel.de

Art clandestin

Il y a, dit-on, 500 galeries d'art à Berlin, dont la moitié sont clandestines. La plus célèbre est le Tacheles, immeuble historique qui a été investi par des artistes squatteurs après la chute du mur et dont une partie des membres a récemment été évincée. Mais on trouve aussi des espaces artistiques de taille plus modeste dans des squats, des immeubles décrépis, des entrepôts, des cours intérieures aux allures de ruelles sombres. Pour qui ouvre l'oeil, elles sont littéralement partout.

C'est un peu par hasard que nous sommes tombés sur l'artiste graveur Clava, qui s'est installé avec quelques collègues dans un conteneur au beau milieu de la cour d'une immense auberge de jeunesse sur Warschauer Platz dans le quartier Friedrichshain.

Sur les murs de métal, ils exposent des gravures et des estampes colorées qu'ils vendent à un prix dérisoire. «On est trois à temps plein. Sept ou huit vont et viennent», nous a raconté le jeune homme lorsque nous lui avons rendu visite dans son atelier de fortune. Les ventes sont bonnes? «Pas vraiment. À part des clients de l'auberge, il n'y a pas beaucoup de monde. Ils ne savent pas qu'on est là.» Pas surprenant. La galerie n'est annoncée nulle part et le hall de l'auberge, occupé en permanence par des punks, n'est pas des plus invitants. Pourtant, l'endroit situé à quelques dizaines de mètres de l'ancien mur vaut le détour.

Où: Partout en ville, notamment dans les quartiers Friedrichshain et Kreuzberg. Pour les trouver, explorez les immeubles couverts de graffitis qui semblent abandonnés. Souvent, ils ne le sont pas vraiment.

Info: www.berlinartlink.com

Histoire d'occupation

Coincée entre deux rues à quelques mètres d'un canal d'eau sale, la cabane déglinguée d'Osman Kalin ne paye pas de mine. Mais l'histoire que cache la vieille bicoque rafistolée est digne du plus rocambolesque des films. La visiter équivaut à faire un véritable saut dans l'histoire. En 1982, Kalin, un immigrant turc, a construit cette maison le long du mur sur un espace laissé à l'abandon du côté Ouest, mais appartenant à l'Est et qu'il s'est approprié. Il a nettoyé l'espace et planté un potager et des fleurs. Des gardes de l'Ouest lui ont maintes fois ordonné de partir. Il a refusé.

Trente ans plus tard, la construction illégale faite de rebuts et d'objets trouvés çà et là tient encore debout. Le mur voisin a cédé sa place à une clôture de métal. Depuis la chute du mur, les squats font partie du décor dans plusieurs quartiers de Berlin. Il y en a dans des édifices abandonnés et au beau milieu des parcs publics. Visibles et tolérés par les autorités, ils piquent la curiosité. Mais la maison multicolore d'Osman Kalin est de loin la plus symbolique. Et la plus accueillante. Nous sommes passés devant complètement par hasard. Le vieil homme à la barbe blanche était assis sur une chaise de bureau au beau milieu de sa cour. Nous nous sommes arrêtés pour le voir. Alors que le vieux Turc, véritable légende vivante, nous regardait d'un oeil doux, son fils nous a raconté la fascinante histoire de cet homme qui a résisté seul à tout un régime pour faire pousser quelques légumes.

Où: Rue Bethaniendamm, dans le quartier Kreuzberg

De l'urine au menu

Le concept derrière le restaurant-bar Klo est incontestablement bizarre. Déjà, Klo signifie toilette. Et tout dans l'établissement du centre-ville, du menu à la déco en passant par l'uniforme des serveurs, a été pensé en fonction de cette idée. S'il en doute encore avant d'entrer, le client en devient assuré lorsqu'il reçoit un jet d'urine (en fait, c'est de l'eau) en pleine figure en franchissant le seuil.

À l'intérieur, les murs et les plafonds sont couverts d'affiches, de dessins et d'objets inspirés par les toilettes. Au lieu de chaises, il faut s'asseoir sur des cuvettes à certaines tables. Un écran projette des scènes de film qui se déroulent dans une salle de bain. Sans surprise, la bière est servie dans des pots de chambre et des contenants qui servent à recueillir l'urine pour les «tests pipi» chez le médecin. On s'essuie la bouche avec du papier de toilette. Le menu est décoré de dessins de sexes masculins.

Les serveurs sont drôles et avenants, la nourriture et les cocktails, corrects. On y va plutôt pour l'expérience.

Où: 57, Leibnizstrasse, Charlettenborg

Au menu: Beaucoup d'alcool et des saucisses.


Info: www.klo.de