Les agents de bord Lufthansa ont le blues: par centaines, ils manifestaient vendredi dans les principaux aéroports d'Allemagne comme à Francfort (ouest), pour réclamer de meilleurs salaires et conditions de travail.

«Les gens croient toujours qu'être hôtesse de l'air, c'est un métier de rêve. Mais ça c'était dans les années 50 ou 60!», s'exclame Karolin Otto, chef de cabine principale, qui manifeste à l'aéroport de Francfort avec ses collègues vêtus de chasubles de sécurité jaune fluo, dans une atmosphère calme.

«C'est un métier dur, ce n'est pas seulement ce que les passagers voient» dit-elle, évoquant par exemple les heures d'attente ou de déplacement, non payées et souvent longues, entre le domicile, les aéroports, les hôtels.

Et cela devient «de plus en plus dur» chaque année, en raison d'équipes réduites et de temps de repos raccourcis, alors qu'en même temps les avions deviennent plus grands et sont remplis à ras bord, ce qui dégrade la qualité du service, selon elle.

Un employé navigant commercial de Lufthansa débute actuellement avec un salaire de base brut de 1533 euros. Et le passage à des échelons de salaires supérieurs a été retardé au point que de nombreux jeunes salariés se retrouvent obligés de cumuler cet emploi avec un «petit boulot» pour joindre les deux bouts.

Thilo, 30 ans, qui travaille comme steward chez Lufthansa depuis quatre ans, est dans ce cas. «Je fais un "minijob" (payé 400 euros maximum par mois, ndlr) dans un bureau à Francfort», raconte-t-il.

Son quotidien chez Lufthansa? «Je me lève à 3h du matin pour prendre l'avion à 5h. Je fais deux allers-retours sur des lignes européennes, je me retrouve dans un hôtel à l'étranger vers 15h, épuisé. Je ne vois rien de la ville où je me trouve. Et chaque jour c'est pareil, cinq jours sur sept».

Quelque chose de cassé

Après trois ans de stagnation des salaires, le syndicat allemand du personnel navigant UFO a exigé cette année une hausse de 5% sur 12 mois, un retour à un ancien système d'échelons plus généreux et une participation aux bénéfices de la compagnie.

Lufthansa a proposé d'augmenter les salaires de 3,5% et de renoncer à des emplois précaires pendant la durée de l'accord salarial, mais a demandé à ses employés en échange davantage d'efforts pour améliorer la compétitivité. UFO a décliné l'offre.

Le syndicat, qui revendique l'adhésion de deux tiers des quelque 18 000 agents de bord de Lufthansa, rejette également fermement le recours depuis juin à du personnel de cabine intérimaire à bord d'appareils Lufthansa.

Ce projet pilote à Berlin-Tegel devrait être étendu à terme ailleurs en Allemagne, en vue de créer une filiale inspirée du modèle «low-cost» pour les vols intérieurs et européens, un segment sur lequel la compagnie est constamment déficitaire.

Sous la pression des prix du carburant, des taxes et de la concurrence sans merci des compagnies à bas prix ou du Golfe, Lufthansa a lancé cette année un nouveau plan d'économies afin d'améliorer son bénéfice opérationnel de 1,5 milliard d'euros d'ici fin 2014 par rapport à fin 2011.

Le personnel de cabine de Lufthansa se sent trahi. «Nous avons déjà fait tellement de concessions par le passé, je me demande où l'on peut encore économiser sur le personnel», déclare Jürgen, un steward de 53 ans qui préfère taire son nom de famille.

«Nous travaillons avec tout notre coeur, nous nous identifions à Lufthansa (...). J'avais l'impression que nous formions une grande équipe mais maintenant je n'ai plus ce sentiment, quelque chose est cassé avec la direction», confie-t-il.