Ce n'est peut-être pas un hasard si, dans le nom Bavière, on trouve aussi le mot bière. Les deux ont la même capitale! Ce qui peut sembler un poncif est une réalité imparable à Munich: six (très) grandes brasseries y prospèrent, toutes pourvues d'un immense jardin (les fameux biergarten) où se retrouvent les Munichois entre amis ou en famille. Traditionnellement, les clients peuvent y apporter leurs propres victuailles et les consommer sur place, pourvu qu'ils commandent des boissons - en l'occurrence, évidemment, de la bière, qui n'est servie qu'en chopes d'un litre. Un litre! On dépense pour la soulever autant de calories qu'elle en contient!

Les vrais habitués y ont une table réservée en permanence, surmontée d'un écriteau à leur nom, et même leur chope de faïence à couvercle d'étain, souvent transmise de génération en génération, que la brasserie garde sous clé dans une salle réservée à cette fin. Il n'est pas rare de voir des messieurs en leberhösen (culotte de daim traditionnelle) et chapeau de feutre attablés autour de ces énormes chopes.

Ce n'est donc pas pour rien que Munich a inventé l'Oktoberfest - laquelle, curieusement, commence en septembre, et qui a fêté son 201e anniversaire cette année. Mais quiconque n'aime pas les foules sera bien inspiré d'éviter Munich à cette période: en 2011, on y a accueilli près de 7 millions de visiteurs en un peu plus de deux semaines.

D'ailleurs, Munich n'a pas que la bière à offrir, loin de là. Riche de trois pinacothèques (dont l'une qui compte la plus vaste collection de Rubens au monde), ville universitaire, patrie du constructeur d'automobiles BMW, qui y a établi un musée absolument fascinant même si l'on n'est pas fana de voitures, la capitale bavaroise a un charme bien à elle. Ses habitants aiment à dire qu'elle est la plus italienne des villes allemandes. Elle est en tout cas la plus catholique, et il est vrai que, à vol d'oiseau, elle est plus près de Milan que de Berlin...

Détruit à 65% pendant la guerre, le centre a été habilement reconstruit, et l'on n'y voit que du feu, pour ainsi dire.

Vélos et bipèdes se côtoient sans acrimonie dans les rues piétonnes, où il règne une douce ambiance qui n'est pas sans rappeler, en effet, celle de la fameuse passegiata italienne. À l'heure de l'apéro, les gens se retrouvent pour une bière, un café, une glace, emplissent les rues de conversations et de joyeuses interpellations... Il y a même des terrasses où l'on met des couvertures de laine polaire à la disposition des clients pour les protéger du froid. Voilà ce qui s'appelle savoir vivre.

Marienplatz, vaste place devant l'hôtel de ville, grouille de monde et de vie à toute heure, mais plus encore à midi et à 17h, lorsque le carillon de la tour néo-gothique se met en branle. De jolis personnages animés y représentent une noce royale, deux chevaliers en duel et des tonneliers qui dansent, que la foule, muette, émerveillée, observe avec ravissement. L'hôtel de ville lui-même, splendide pièce d'architecture gothique miraculeusement épargnée par les bombardements, et sa cour intérieure valent à eux seuls le coup d'oeil.

Plus loin, au hasard de la promenade, on peut aussi bien tomber sur un orchestre de chambre installé devant un grand magasin. Avec piano à queue! Dans le grand dehors de l'extérieur, sur le trottoir! Une petite foule s'y sera massée, recueillie, et de temps en temps quelqu'un déposera une pièce dans l'étui à violoncelle posé par terre. Un piano à queue, il faut le faire, non?

Samedi matin, cap sur le Viktualienmarkt, le marché public. Il est ouvert tous les jours, mais l'animation atteint des sommets ce jour-là. La variété et l'abondance des produits confirment ce que l'on se prend à espérer si l'on fréquente trop les restaurants touristiques: non, les Munichois ne mangent pas que de la saucisse et de la choucroute!

À cet égard, quelques spécialités bavaroises valent tout de même un essai: kässpätzle, délicieuses pâtes au fromage (encore une influence italienne?), obatzda (camembert battu en crème avec du beurre, des oignons et du paprika, amis du cholestérol, bonjour!), schweinshaxe (jarret de porc rôti à la broche, servi entier dans l'assiette) ... Ce n'est pas une cuisine particulièrement légère, comme on le voit, ni très raffinée, mais une fois de temps à autre, ça bouche certainement un coin! À savourer peut-être à la brasserie Paulaner, un peu en dehors du centre-ville mais fréquentée presque exclusivement par les locaux, et donc typiquement bavaroise.

Enfin, les accros du shopping trouveront de quoi satisfaire leur dépendance dans les grands magasins, en particulier Karstadt, qui doit faire au moins 15 pâtés de maisons sur plusieurs étages. Bon, on exagère, mais c'est si immense qu'il y a de quoi décourager même une championne magasineuse toutes catégories.

On éprouvera le même vertige aux Galeries Kaufhof et, avec un peu plus de modération, chez Ludwig Beck. Bien sûr, il faudra ensuite une chope ou deux pour se remettre de toutes ces émotions. Heureusement, ce n'est pas difficile à trouver!

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Le château de Nymphenburg

À 15 minutes du centre-ville en tramway, ce palais a été commandé en 1664 à l'architecte Agostino Barelli par le prince-électeur Ferdinand Marie de Bavière, qui en a fait cadeau à sa femme, Henriette Adélaïde de Savoie, à l'occasion de la naissance de leur fils, Maximilien-Emmanuel. Conçu à l'origine dans le style d'une villa italienne (encore l'Italie!), on y a ajouté de nombreuses annexes au fil des siècles, et il trône au milieu d'un immense jardin à la française, conçu sur le modèle de Versailles, qu'il cherche non seulement à imiter, mais à dépasser en luxe et en grandeur. Une partie de l'intérieur se visite, et le parc se prête à merveille aux pique-niques, flâneries et autres promenades méditatives.

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Bonnes adresses

Dallmayr, 14-15, Dienerstrasse, www.dallmayr.de

Pour le plaisir des yeux et, peut-être, pour acheter de quoi pique-niquer dans un biergarten ou au parc du château de Nymphenburg, cette épicerie fine se compare aux Fauchon (Paris) et Fortnum&Mason (Londres). On y trouve de tout - thés et cafés fins, pains de toutes sortes, chocolats, vins et alcools, etc. dans un décor ancien soigneusement entretenu, servi par de jeunes femmes en dirndl (la robe traditionnelle à corselet, tablier et manches bouffantes).

Haxnbauer, 6, Sparkassenstrasse, www.kuffler.de

Un rien touristique, on y va tout de même pour déguster un de ces jarrets de porc dignes d'Obélix que l'on voit tourner à la broche en vitrine, tout dorés et dégoulinants de graisse. Rien que l'odeur fait monter le taux de cholestérol, mais une fois n'est pas coutume!

Hofer der Stadtwirt, 5, Burgstrasse, www.hofer-der-stadtwirt.de

Dans ce qui est le plus ancien immeuble commercial de Munich (XVe siècle), sous de hautes arcades de pierre, une belle grande salle, un ballet de serveurs, deux grils, un menu varié et des desserts boulevesants.