Franchir la frontière de Gibraltar est une expérience en soi. Regardant à peine les passeports brandis sous son nez, le douanier fait signe de continuer. On aboutit alors directement sur le tarmac de l'aéroport du petit territoire britannique. Plutôt surprenant, la route qui mène à la ville traverse complètement la piste d'atterrissage. Et il faudra attendre sagement que le feu tourne au vert pour pouvoir s'avancer sur l'interminable passage pour piétons.

La circulation est fluide puisque seules les compagnies aériennes britanniques utilisent l'aéroport. En cinq minutes, nous passons de l'Andalousie au Royaume-Uni. Après avoir sillonné l'Espagne pendant plusieurs jours, Gibraltar détonne avec son accent british et ses fish and chips. Pas étonnant que nous ayons failli nous perdre!

 

Du côté espagnol, on semble en effet avoir effacé la présence de Gibraltar de la carte. Les indications sont presque absentes de la route jusqu'à l'arrivée à la ville frontalière La Línea de la Concepción. Bref, jusqu'à ce qu'on voie le rocher qu'on ne peut plus ignorer!

Les files d'attente aux douanes peuvent être rebutantes. Il est donc préférable de traverser à pied. On peut stationner son véhicule à La Línea, juste à côté. Avec ses 6,5 kilomètres carrés de superficie, Gibraltar peut de toute façon facilement être parcouru à la marche!

Carrefour culturel

La ville ouvrière de Gibraltar tranche parmi les nombreux développements touristiques éparpillés le long de la Costa del Sol espagnole. Situé à la jonction de l'Atlantique et de la Méditerranée, le minuscule territoire est rattaché au continent par une fine plaine sablonneuse. Quelque 30 000 Gibraltariens, qui préfèrent se faire appeler Llanitos (se prononce «yanitos»), habitent l'agglomération britannique située au carrefour de l'Europe et de l'Afrique. Les «locaux» parlent aussi bien l'anglais que l'espagnol... mais utilisent souvent entre eux un patois mélangeant les deux langues locales.

À une quinzaine de minutes de marche de la frontière se découvre Casemates Square, la grande place piétonnière de la ville, bordée de boutiques, de bars et de restaurants où la bière anglaise s'impose - et coûte un peu trop cher! Le flot piétonnier indique la direction à suivre, sur la rue principale, simplement nommée Main Street, où les chasseurs d'aubaines s'en donnent à coeur joie.

Gibraltar est un endroit réputé pour le magasinage, mais pas tant à cause de ses boutiques que de l'absence de taxes de vente! Les touristes profitent en effet de leur passage pour faire des provisions d'alcool et de cigarettes. Mais il ne faut pas se laisser berner : comparez les prix! Les parfums et appareils électroniques peuvent tout de même s'avérer moins dispendieux à l'extérieur du territoire.

Découvertes naturelles

Située tout au bout de la péninsule ibérique, l'attraction principale de Gibraltar est bien entendu le rocher sur lequel se trouve une foisonnante réserve naturelle. Main Street mène justement à ses pieds.

Avec ses 426 mètres d'altitude, il est possible de gravir le rocher à pied, mais si on souhaite voir plusieurs de ses attractions, mieux vaut opter pour un moyen de transport plus efficace. Il faut noter que l'on doit payer pour le transport, mais aussi pour l'entrée dans la réserve naturelle (8 $ pour un adulte). Les visiteurs privilégient souvent le téléphérique qui donne accès au promontoire des fameux singes, ou les visites en «taxi», pour lesquelles le chauffeur se transforme en guide. Une bonne idée, si on se pose déjà tout plein de questions!

Premier arrêt : Jews Gates, l'entrée du parc naturel où se trouve également le monument des Colonnes d'Hercule. C'est le nom que l'on donnait au rocher ainsi qu'à l'autre montagne qui bordaient le détroit de Gibraltar, durant l'Antiquité romaine. «Quand le ciel est clair, on peut voir le Maroc», assure notre chauffeur-guide Matthew, dans un anglais typiquement britannique. Pas de chance cette fois, les nuages semblent s'être installés pour de bon.

Le taxi se dirige ensuite vers les grottes St. Michael's. Creusée par le temps dans le calcaire poreux du rocher, la caverne conduit le visiteur dans un mystérieux labyrinthe de passages naturels et de chambres suintantes. Un arrêt incontournable. Il ne faut surtout pas rater cette stalagmite millénaire exposée dans la grotte qui, trop lourde, est tombée sur son long pour nous permettre aujourd'hui de mieux l'apprécier.

Un auditorium d'une centaine de places a également été aménagé dans la grotte-cathédrale. Même sans prestation, l'ambiance à la fois ténébreuse et enveloppante offre un avant-goût de spectacle.

Mais ce que l'on s'attend le plus à voir à Gibraltar, ce sont des singes. En effet, le rocher est surtout reconnu pour ses macaques berbères, les seuls singes sauvages d'Europe. Habitués aux touristes, ces derniers se laissent aisément prendre en photo... mais il ne faut pas trop les tenter. Ils n'hésitent pas à assaillir les visiteurs qui semblent dissimuler de la nourriture ou d'autres objets attirants. Farfouiller dans son sac à dos en leur compagnie n'est donc pas une très bonne idée!

Le gouvernement nourrit d'ailleurs chaque jour les macaques sur le rocher, explique notre guide, afin qu'ils n'aillent pas embêter les habitants à la maison. Ou qu'ils ne terrorisent pas les touristes! Début 2008, une bande de singes s'est introduite dans des chambres d'hôtel après avoir parcouru les poubelles du centre-ville et déclenché une émeute sur la plage. Quelque 25 singes sont été euthanasiés pour cause de danger public. Ils sont aujourd'hui près de 200 sur le rocher.

On croit que ces primates se seraient retrouvés à Gibraltar après être montés à bord de bateaux de marchandise et de pirates. Un vieil adage militaire soutient que tant qu'il y aura des singes à Gibraltar, le territoire demeurera sous l'emprise britannique. Pendant la Seconde Guerre mondiale, leur nombre aurait chuté jusqu'à ce qu'il n'y en ait plus que sept. Winston Churchill aurait alors ordonné de regonfler leurs rangs en allant chercher des bêtes au Maroc et en Algérie, question de ne pas courir de risques!

Au carrefour de l'Afrique

> Difficile de ne pas être tenté de faire un saut sur le continent africain quand on peut l'apercevoir du rocher! Et si on vous disait que vous pouviez y être en une demi-heure? Une fois par semaine, un transbordeur quitte Gibraltar pour se rendre à Tanger, au Maroc. Des départs des villes espagnoles avoisinantes Algésiras et Tarifa, plus fréquents, sont également à l'horaire. Vous pouvez donc partir le matin pour revenir le soir... et pourrez même dire que vous avez mis les pieds dans trois pays différents dans la même journée! Info : www.frs.es Laurie Richard

Repères

Devise : la livre de Gibraltar ou la livre sterling. Les euros sont souvent acceptés, mais le taux de change n'est pas vraiment avantageux.

Langues : anglais, espagnol et llanito (un mélange des deux)

Quand y aller? Bien que le climat de Gibraltar soit propice au tourisme tout au long de l'année, les visiteurs préfèrent s'y arrêter au printemps ou à l'automne, quand la température, qui tourne autour des 20 °C, est plus confortable. Le mercure peut facilement grimper en haut des 30 °C en juillet et en août, ce qui rend les excursions un peu moins agréables.

Comment s'y rendre? Seules des compagnies aériennes du Royaume-Uni offrent des vols directs pour Gibraltar. Des vols sont toutefois offerts du Québec jusqu'à la ville espagnole de Malaga, située à 137 km de Gibraltar. Mieux vaut donc profiter d'un voyage en Espagne pour y faire une escale. En automobile ou en autobus, il est préférable de s'arrêter à La Línea de la Concepción, ville voisine de Gibraltar, afin de traverser la frontière à pied. Vous éviterez une longue attente.

Info : www.gibraltar.gov.uk/holiday.php, www.gibraltar.com