Cinq heure trente, Londres. La toute première idée qui nous traverse l'esprit ce matin - balancer le réveil dans le mur pour se recoucher - ne passera pas à l'histoire pour son originalité.

Mais elle est vite oubliée. Et pour le reste de notre plan, en toute humilité, nous croyons être davantage innovateurs.

 

L'idée: ne pas poser la tête sur un oreiller avant d'avoir traversé... six pays. Une mission plus difficile à réaliser qu'elle n'en a l'air - s'il est plutôt facile de couvrir quatre pays européens dans la même journée, il faut quand même travailler pour en faire entrer six dans la liste - et que nous avons minutieusement planifiée.

Nous? Un frère et sa petite soeur exilée à Londres qui ont décidé de profiter de l'une des trop rares occasions de se voir pour couvrir du pays.

Notre périple débute dans les rues de Londres étrangement animées. Pas que les Londoniens soient si matinaux: en ce samedi matin, ce sont les fêtards de la veille qui ne sont pas encore au lit.

Il n'est pas encore 6 h que nous vivons déjà notre première petite frousse: la station de métro du coin, première étape de ce long voyage... n'est pas encore ouverte. Heureusement, la soeur connaît le réseau d'autobus par coeur et nous en dégote un qui nous conduit à la gare de King's Cross - St. Pancras.

Le temps d'un petit-déjeuner rapide et nous sautons dans le TGV en direction de Paris.

Nous profitons de notre passage sous la Manche pour revoir l'itinéraire. Le reste du voyage se fera en voiture, et sans GPS: c'est donc avec une pile de bonnes vieilles cartes que nous essaierons de trouver notre chemin.

Le premier arrêt en territoire français - Calais - est le nôtre. Nous laissons les autres passagers continuer vers Paris pour prendre possession de notre voiture de location. Le temps d'un café dans un bistro du centre et nous voici en route. Pas de temps à perdre: le changement de fuseau horaire nous a coûté une précieuse heure, et le cadran affiche déjà 10 h 45.

Moins de 45 minutes plus tard, nous franchissons la frontière de la Belgique. Une petite demi-heure de plus et nous voici à Bruges. Et ici, pas question de passer tout droit.

Avec sa cité médiévale admirablement préservée et ses touristes qui déambulent joyeusement parmi les vendeurs de frites et les boutiques de dentelles, Bruges s'avère une halte de choix.

Nous prenons le temps d'arpenter les rues pavées, d'admirer l'architecture et de déguster une gaufre, assis sur un muret, en regardant les bateaux filer sur les canaux.

La ville est non seulement magnifique, mais assez petite pour qu'on puisse en saisir l'atmosphère malgré notre horaire démentiel. C'est d'excellente humeur que nous la quittons pour nous retrouver presque aussitôt en pleine campagne flamande. Les vaches broutent dans les champs, les abords des routes fourmillent de vélos et on aperçoit même un moulin. Pas de doute: on approche des Pays-Bas.

Il nous faut une trentaine de minutes pour atteindre le village d'Oostburg, dans la province de la Zélande. On s'y déniche une terrasse où avaler une omelette à l'ombre d'un parasol, satisfaits d'avoir déjà coché quatre pays sur notre liste.

Du bitume belge aux splendeurs du Luxembourg

Il est 16 h lorsque nous quittons Oostburg pour reprendre la route. Nous avons quatre pays en poche, mais la partie est loin d'être gagnée. Car le gros du kilométrage reste à faire.

Il nous faut maintenant retourner en Belgique et traverser le pays au complet, du nord-ouest au sud-est, pour atteindre le Luxembourg et gagner l'Allemagne.

Nous troquons les vaches et les moulins pour l'autoroute. Pendant que le bitume défile, la jasette s'installe. Lorsqu'elle s'épuise, la station de radio locale reprend le dessus, balançant ses riffs de punk flamand ou de rap francophone.

Vers 17 h 30, les panneaux jusqu'ici en néerlandais commencent à annoncer des villages aux consonances bien francophones. Champion, Bouge, Jambes, Marche: pas de doute, on vient de passer en Wallonie.

Le terrain se fait légèrement plus accidenté à l'approche du Luxembourg. Il est 19 h 15 lorsque nous entrons dans la capitale, la ville de Luxembourg, par une voie rapide étonnamment déserte.

La ville de 85 000 habitants s'avère effectivement fort peu animée pour un samedi soir. Mais sa beauté, une surprise pour nous, est frappante. Perchée sur un promontoire qui surplombe les vallées de la Pétrusse et de l'Alzette, la ville de Luxembourg est traversée de hauts ponts à arches sous lesquels poussent des forêts luxuriantes.

Du chemin de la Corniche - surnommé le «plus beau balcon d'Europe», la vue est saisissante. Nous flânons sur la place de la Constitution et autour de la citadelle du Saint-Esprit avant de plonger dans les petites rues de la vieille ville sous les rayons obliques du soleil couchant.

Nous comprenons pourquoi les rues sont vides en débouchant sur la place d'Armes: la ville au grand complet semble s'y être donné rendez-vous pour boire un verre ou casser la croûte en plein air. Il y a tellement de monde qu'il est difficile de trouver une place libre à l'une des terrasses. Lorsque c'est fait, nous nous installons confortablement avec une Bofferding - la lager de l'endroit - avant d'attaquer d'excellentes escalopes de veau.

Il fait nuit lorsque nous reprenons la route pour franchir la rivière Moselle et faire une entrée triomphale en Allemagne sous les clameurs de la foule (bon, peut-être que la fatigue nous fait délirer un peu...).

À Trèves, la plus vieille ville d'Allemagne, trouver notre hôtel en pleine obscurité s'avère un sacré défi - surtout que sur la carte qu'on nous a fournie, la nord se trouve... à droite (ça, on ne le comprendra que le lendemain).

Lorsqu'on éteint finalement le moteur de la voiture, l'horloge indique 23 h 30 et le compteur, 545 kilomètres. Trèves? «Demain est un autre jour», disent les sages. On n'a jamais été aussi d'accord.

Trèves, la plus vieille ville d'Allemagne

Bruges s'est avérée magnifique. La ville de Luxembourg nous a surpris par sa situation géographique magique. Avec Trèves, le sentiment d'avoir bien visé est total.

Parce que la plus vieille ville d'Allemagne est jolie, agréable et intéressante. Ancienne capitale de la Gaule, Trèves a déjà été la deuxième ville en importance de tout l'Empire romain occidental après Rome. Pas étonnant qu'il y ait ici plus de ruines romaines que n'importe où au nord des Alpes.

Le monument le plus connu est la Porta Nigra, une porte qui donne accès à la ville et qui date du deuxième siècle. Malheureusement, il faudra la regarder de loin; le jour de notre visite, on a eu la drôle d'idée d'organiser une course de voitures, en pleine rue, qui passe juste devant le monument.

Mais il reste quantité de choses à voir, dont l'amphithéâtre, les thermes et la basilique de Constantin. Une ville chargée d'histoire qui conclut à merveille un long périple.

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