Art public et marijuana à Denver. C'est ce que propose Amy Rohrer, une guide dont les visites se font sous l'influence de la drogue, légale au Colorado. De quoi voir les choses sous un nouvel angle...

Devant le Denver Art Museum, un petit groupe est réuni pour une visite guidée quelque peu inusitée. Avant que celle-ci ne démarre, la guide invite les participants à raconter quel est leur rapport à la marijuana.

«Je n'ai pas fumé avant d'avoir 19 ans, raconte Rebecca. Mais comme je fais beaucoup d'anxiété, je peux dire que ça a sauvé ma vie.» Un autre dit qu'il aime bien glisser un morceau de chocolat avec du THC dans son café. Tarik anime une baladodiffusion consacrée au cannabis.

Amy Rohrer est la créatrice de High Urban Hikes Denver. Cette mère de trois «grands enfants» était organisatrice politique en Illinois et, comme bien d'autres, c'est au collège qu'elle a fumé pour la première fois de la marijuana, avant de laisser complètement tomber cette drogue.

«Il y a deux ans, j'ai réessayé le cannabis. Ça a ouvert mon monde.»

Elle a lancé son entreprise de visites guidées l'été dernier et assure qu'elle n'a «jamais rencontré de gens aussi cool» que depuis qu'elle travaille dans le secteur du tourisme lié à la marijuana.

L'un des circuits qu'elle offre propose de découvrir le Denver de l'art public. Depuis près de 30 ans, la Ville alloue 1 % de ses projets de plus de 1 million de dollars à l'intégration d'oeuvres d'art à ses nouveaux bâtiments. Plus de 300 oeuvres peuvent être vues un peu partout en ville.

Parce que la loi le lui interdit, Amy Rohrer ne peut vendre ni donner de cannabis à ceux qui font le parcours avec elle. Comme il est également interdit de consommer de la marijuana dans des lieux publics, les participants qui le souhaitent doivent consommer avant de se rendre au point de rendez-vous. Ce qui n'empêche pas la femme de 54 ans de prendre elle-même une menthe avec du THC avant le départ.

Mission d'éducation

«Si un policier me voyait en train de faire ça, il ne serait pas content», dit-elle avant de ranger prestement ses menthes tandis que deux agents se profilent justement à l'horizon sans même jeter un oeil sur le petit groupe.

La marche de trois heures permet d'arpenter une bonne partie du centre-ville de Denver et de découvrir des oeuvres qui seraient peut-être passées inaperçues auprès des touristes, comme l'installation sonore Soundwalk de l'artiste Jim Green. Des grilles d'aération de la rue Curtis qui émettent des sons? Ce n'est pas l'effet de la marijuana...

Et parce que le thème est donné dès le départ, Amy Rohrer se sent aussi investie d'une mission d'éducation à l'égard des touristes qui se présentent à ses visites et qui se réjouissent d'être atterris dans un État permissif face à l'usage de la marijuana. À l'image d'une campagne publicitaire bien connue des Québécois, elle leur rappelle que la modération a bien meilleur goût...

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Il en coûte 50 $ US par personne pour faire la visite.