Miami, côté ville, a longtemps été boudé par les touristes venus en Floride en quête de plage et de soleil. Or, de plus en plus de touristes s'y aventurent, notamment à Wynwood, destination de choix pour les amateurs d'art.

Le musée en plein air de Wynwood

Wynwood est un quartier industriel. Il y a six ans, pas un touriste n'aurait eu l'idée d'aller s'y promener. Aujourd'hui, certains voyageurs se rendent à Miami précisément pour visiter Wynwood, le musée de la rue.

L'histoire du Wynwood contemporain a débuté au tournant des années 2000, alors que des artistes ont migré vers ce coin ouvrier de la ville, très portoricain. Le prix des loyers était bas; les bâtiments aussi. Le quartier représentait peu d'intérêt pour les promoteurs immobiliers aux dents longues qui guettent tous les recoins de Miami afin d'y faire pousser des tours de condos. 

Wynwood se trouve au nord du centre-ville, assez loin pour que la marche pour s'y rendre ne soit pas plaisante. 

Les artistes s'y sont donc installés, ont créé quelques événements et ouvert des galeries. Assez de bruit pour attirer, eh oui, un promoteur. Heureusement, le premier millionnaire à s'y présenter avait aussi une vision. En 2009, Tony Goldman s'est intéressé aux entrepôts sur place en se disant que les longs murs de briques des édifices commerciaux étaient de parfaits canevas pour des artistes. 

«C'était un homme d'affaires très sensible. Il savait ce qu'il faisait, raconte Danilo Gonzalez, qui est derrière l'étonnant Warehouse Project, un lieu de création et de rencontres d'artistes qui comprend aussi un café et des résidences. Tony Goldman savait qu'il pouvait utiliser l'art pour revitaliser ce quartier.»

De nombreux artistes ont répondu à l'appel, de partout dans le monde, créant des murales et des graffitis sous l'oeil attentif de commissaires-chefs d'orchestre. Malgré cela, Wynwood est un tintamarre. Un autre Miami qui serait davantage dans son élément naturel s'il était à Berlin. Le soleil en moins. 

L'audace attire l'audace 

Il y a maintenant 70 musées et lieux d'art dans le quartier et quelques restaurants, dont la première microbrasserie et le premier microtorréfacteur de Miami. L'idée de donner un nouveau souffle à ce coin peu intéressant de Miami a créé le quartier le plus audacieux de la ville. 

Les oeuvres d'une cinquantaine d'artistes originaires de 16 pays ornent maintenant les murs de Wynwood.

Mais Wynwood n'est pas pour tous. C'est un quartier cru, qui se réveille à la tombée de la nuit. Les chasseurs d'images y trouveront leur compte en plein jour aussi, mais il faut savoir qu'à 10h du matin, le dimanche, Wynwood dort encore. Seuls les chiens de garde accourent près des clôtures des entreprises (merci, mon Dieu, il y a des clôtures!) pour s'assurer que le visiteur de passage a de nobles intentions. Un rappel brutal que le quartier est encore métissé et comporte toujours des espaces commerciaux tristounets. 

Pour combien de temps? 

Des condos sont en construction. L'entreprise de Tony Goldman, mort en 2012, pilote aussi un projet d'hôtel dans le quartier. Les promoteurs qui s'intéressent à Wynwood affirment vouloir préserver le côté industriel qui a contribué à sa renaissance. Certains des premiers habitants craignent néanmoins que les acheteurs de ces nouveaux condos préfèrent le côté industriel lorsqu'il est vendu dans les chics boutiques de décoration... 

L'embourgeoisement était inévitable, confie Danilo Gonzalez, qui préfère maintenant le gérer plutôt que le nier. «Nous devrions nous assurer qu'un minimum de 10% des espaces soit consacré aux artistes», dit-il, en précisant qu'il faut aussi préserver l'esprit de Wynwood. 

«Tous les quartiers évoluent et Wynwood n'est pas différent des autres, dit Jessica Goldman Srebnick, qui dirige maintenant l'entreprise fondée par son père Tony. Notre défi est de maintenir son authenticité, le plus possible, alors que Wynwood se transforme. Ça sera toujours un défi de s'assurer que son âme survive et que l'essence originale d'où nous sommes partis demeure, tout comme il est important de savoir d'où l'on vient. Ça sera toujours au coeur de tout ce que nous ferons, de tous les projets ou les édifices que nous allons concevoir, des gens que nous choisirons pour travailler avec nous. Pour les projets revitalisations, nous adoptons une démarche hollistique et ce genre de questionnement est quotidien. C'est quelque chose que nous avons toujours en tête. Nous voulons conserver les qualités qui ont fait de Wynwood un lieu si spécial.» 

Où? 

Entre la 20e et la 29e Rue, puis entre un chemin de fer et l'autoroute 95. Le meilleur moyen de découvrir le quartier est de le parcourir accompagné: tous les deuxièmes samedis du mois, des balades guidées sont offertes gratuitement. Des visites gourmandes de Miami passent aussi dans ce quartier où il n'y avait rien à manger il y a quelques années... Si vous visitez seul, téléchargez la formidable application Wynwood Tour Guide, qui vous permettra de découvrir les artistes derrière les murales et graffitis que vous y croiserez.

wynwoodmiami.com

Photo Stéphanie Bérubé, La Presse

Les portes de l'architecte argentin Diego Roa. 

Photo Stéphanie Bérubé, La Presse

Un mur face à un stationnement, comme l'indique le panneau d'avertissement au milieu de l'oeuvre. 

Allez chez Panther

Côté café, Miami n'est pas Seattle. Ou San Francisco. Ou New York... Heureusement, il y a Panther.

Joel Pollock et Leticia Ramos sont deux enfants du café. Il travaillait chez un microtorréfacteur sur la côte Ouest, à Portland; elle est Brésilienne, a grandi dans une région agricole où poussent les caféiers, et travaillait aussi dans le domaine du café de spécialité lorsqu'elle a rencontré Joel. Ils ont choisi de s'installer à Miami précisément parce qu'il y avait un marché à développer. Aucun café ne faisait la torréfaction des grains avant l'ouverture de Panther, en 2011. «Je ne peux toujours pas m'expliquer pourquoi, confie Leticia Ramos. Les gens ici adorent le café!» 

Le couple s'est d'abord installé dans Wynwood. «Nous aimions le plan de développement de ce quartier, confie Leticia. Les gens étaient très ouverts à la nouveauté.» Chez Panther, vous pouvez simplement commander un café. Ou vous pouvez choisir votre café: d'abord selon l'origine des grains, puis ensuite choisir la méthode d'infusion parmi les cinq proposées. Sur les sacs de grains vendus sur place, on indique les qualités gustatives du café, puis des détails précis sur le lieu de production, le terroir jouant un rôle-clé dans le goût. Tous les producteurs ont été choisis avec grand soin par Leticia et Joel, qui parcourent le monde pour visiter les agriculteurs. «Depuis le temps qu'on fait ça, ils sont devenus nos amis», lance Leticia Ramos. 

Panther prend donc le café au sérieux, mais ne se prend pas trop au sérieux. L'atmosphère n'y est pas snob. Si un barista a des talents de musicien et qu'il a envie de faire un petit spectacle, il est encouragé à le faire. Les employés qui font de la poterie peuvent exposer leurs oeuvres. Et il en sera de même dans les trois prochains Panther qui ouvriront leurs portes cette année. «À l'origine, les cafés sont des endroits de rencontre, dit Leticia Ramos, autour d'une tasse de café. C'est ce que nous voulons créer, des lieux de rencontres.» 

Où boire du Panther? 

Les cafés de Panther sont servis dans plusieurs restaurants de Miami. Ils sont faciles à repérer: les restaurateurs affichent fièrement l'origine de leur café lorsqu'il vient de Miami!

panthercoffee.com

Photo Stéphanie Bérubé, La Presse

Le Café Panther met de la vie dans Wynwood.

Photo Stéphanie Bérubé, La Presse

Si on y sert du café de spécialité, il ne faut pas s'attendre à une ambiance snobinarde chez Panther.