Avec ses gratte-ciel et ses autoroutes qui s'entrelacent, Detroit est indéniablement une grande ville américaine.

Mais parce qu'elle s'est vidée d'une grande partie de ses habitants et qu'elle a perdu au fil des années de nombreux bâtiments - maisons ou immeubles, anonymes ou emblématiques -, elle ne ressemble à aucune autre.

Son déclin a permis à la ville d'échapper à l'uniformisation des centres-villes. Ici, pas de café Starbucks, d'Apple Store, de H&M ou même de guichets automatiques. Exit aussi, les arrêts de bus, kiosques de journaux. Habitué à être sollicité, le consommateur en nous peut s'assoupir au bout de quelques jours à Detroit.

Un peu «offbeat», la ville va à son rythme.

Dans les rues résidentielles, les petites maisons étaient autrefois serrées les unes contre les autres.

Aujourd'hui, on peut retrouver sur un tronçon de rue une ou deux maisons isolées. Autour d'elles: l'herbe et le bitume. Les seuls témoins du passé urbain sont les poteaux électriques ou les anciennes ruelles, recouvertes de végétation.

Il faut prendre le temps de descendre de la voiture et d'écouter Detroit. Au loin le ronron urbain, caché par le bruissement des feuilles d'arbres, parfois les criquets et les oiseaux.

Cette vision unique a de quoi fasciner, surtout quand au détour de rues plus ou moins abandonnées, on tombe sur des bâtiments livrés à eux-mêmes.

«Ruin porn»

Sans surprise, la ville de Detroit est devenue la capitale de l'exploration urbaine - certains viennent même fêter leur lune de miel parmi ses ruines.

Les Américains désignent cette attraction touristique comme de la «ruin porn».

Force est de constater que les explorateurs ont en effet l'embarras du choix côté bâtiments abandonnés. Certains s'y promènent en plein jour: on a pu voir, un dimanche après-midi, deux silhouettes marcher sur le toit de la Book Tower (145 m de haut, tout de même!) L'emblématique gratte-ciel est vide depuis 2009: il fait l'objet d'une surveillance plus ou moins assidue.

L'exploration urbaine excède les habitants de Detroit, qui restent, envers et contre tout, fiers de leur ville.

Stephen Wilbert, un jeune photographe fasciné par les immeubles abandonnés, entretient lui-même des sentiments contrastés envers les ruines urbaines.

«C'est fascinant de voir ce que les gens laissent derrière eux quand ils partent», explique-t-il.

«Mais la ville continuera de se décomposer tant qu'il y aura des immeubles abandonnés», croit Stephen Wilbert.

On pourrait en effet penser que le temps est suspendu, dans les immeubles abandonnés.

Mais au contraire, il s'accélère: une fois les «scrappers» (vandales qui arrachent tout ce qui se revend) passés, les bâtiments sont la proie d'une érosion rapide, anéantissant alors toute chance de réhabilitation.

C'est ce qui est arrivé, notamment, à l'hôtel Lee Plaza. Fermé, puis laissé en proie aux «scrappers», il ne reste de l'hôtel de la Woodward Avenue que les murs et le toit encore reconnaissables.

Des immeubles abandonnés

St. Agnes Churchet St. Agnes School

(angle 12th Street et LaSalle Street)

Un imposant ensemble construit au début du XXe siècle. Les émeutes de 1967 ont éclaté non loin de là. L'église a été fermée en 2006 et s'est rapidement dégradée.

The Fisher Body Plant 21

(angle St. Antoine et Piquette)

Construite en 1919, sur des plans de l'architecte Albert Kahn (à qui l'on doit le Fisher Building, un bijou de flamboyance art déco), l'usine a appartenu à GM avant de changer de vocation. Fermée en 1993, il n'en reste que la carcasse (tout ce qui avait une valeur certaine a été arraché par les «scrappers»). Étonnamment, le Fisher Body Plant 21 est un lieu de rendez-vous: des barbecues s'y tiennent sur le toit.

The Packard Automobile Plant

(angle East Grand Boulevardet Concord Avenue)

Dessiné par Albert Kahn, le gigantesque site a été le lieu de production de voitures de luxe jusqu'en 1958. Il a été utilisé à diverses fins jusqu'à la fin des années 90. Par endroit, il ne reste que les murs du Packard Plant - certains bâtiments ont été rasés et un autre semble sur le point de s'écrouler. Un investisseur a annoncé des projets de réhabilitation.

The Woodward Presbyterian Church

(8501, Woodward Avenue)

Construite au début du XXe siècle, cette église presbytérienne est inscrite au Registre national des bâtiments historiques américain. Fermée depuis 2010, elle a d'abord été surveillée, puis les «scrappers» se sont frayé un chemin. Elle a conservé ses bancs, une partie de son orgue, mais son dépouillement se poursuit.