À la fin du XIXe siècle, les randonneurs qui s'aventuraient dans les hauteurs de la chaîne présidentielle, au nord des montagnes Blanches du New Hampshire, risquaient d'y laisser leur peau. La météo y a toujours été imprévisible. Dangereuse. En quelques heures, le mercure peut chuter d'une vingtaine de degrés. En plein mois de juin.

Il fallait un abri pour accueillir les randonneurs coincés au-dessus de la ligne des arbres. Des refuges ont été construits, un à un.

Aujourd'hui, huit gîtes de montagnes se dressent dans les plus beaux décors montagneux du nord-est des États-Unis. Notre journaliste, Stéphanie Morin, les a tous visités.

Une longue randonnée de 92 km, plus d'une semaine en montagne.

Jour 1 - Lonesome Lake

Première journée «pépère» pour se mettre en jambes. D'abord, 2h45 à bord de la navette de l'AMC, qui nous mène du centre des visiteurs de Pinkham Notch (où attendra notre voiture) jusqu'au camping Lafayette, point de départ de l'expédition. Puis 2,5 km de douce montée à pied pour atteindre le lac et son refuge. La proximité de ce gîte (le plus à l'ouest du réseau) explique sa grande popularité auprès des familles. À notre arrivée, deux enfants d'âge préscolaire sont d'ailleurs occupés à pêcher dans le lac, les pieds pendants au bout du quai. De l'autre côté du lac, le panorama est grandiose: l'arête de Franconia se dresse sous un ciel menaçant.

Dans le bâtiment principal, ça sent le pain qui cuit. Sur une table de la salle à manger, on vend des gâteaux, du thé et de la limonade pour les randonneurs de passage. Les dortoirs sont situés dans deux autres bâtiments, de part et d'autre du bloc sanitaire.

Emily, qui s'affaire aux fourneaux, nous accueille. Le souper sera servi à 18h tapant, prévient-elle. D'ici là, libre à nous de nous promener dans les environs. On verra peut-être la famille d'orignaux qui s'est installée dans le coin.

Au souper (soupe aux lentilles, lasagne et biscuits au chocolat), le niveau de décibels augmente rapidement. Le gîte est presque plein et les nombreux enfants ont encore de l'énergie à brûler. Au dessert, les membres du personnel se présentent. Nom, lieu de naissance, études et anecdotes rigolotes. RD (pour Ronald Donald) raconte la petite histoire du grand aviron suspendu au plafond de la salle à manger. Il s'agit d'une espèce de trophée, volé en pleine nuit dans un autre gîte et très convoité par les autres Croo. Au cours de l'été, cet aviron de 3 mètres de long risque de changer souvent d'adresse... Stéphanie, bénévole de 71 ans (on lui en donnerait 55), propose une petite séance d'information sur l'histoire de la région, où se dressaient à la fin du XIXe siècle plusieurs grands hôtels luxueux.

À 21h30, c'est l'extinction des feux dans la salle commune. Personne ne rechigne. La météo du lendemain s'annonce atroce: pluie, orage, brouillard.

Jour 2 - Greenleaf

À 6h30, le son du banjo gratté par RD nous tire du sommeil. «Déjeuner à 7h.» Dehors, il pleut des cordes.

Le repas (gruau, crêpes, bacon, café) se termine avec un sketch costumé mettant en vedette Emily, RD et les autres. Un prétexte pour nous donner les dernières consignes: plier correctement les couvertures, rapporter tous nos déchets, rester sur les sentiers...

Avec la météo qui fait la gueule, nos plans changent. On pensait emprunter le sentier panoramique de Falling Waters pour accéder au gîte de Greenleaf, érigé à 1286 m d'altitude sur l'épaule du mont Lafayette. On coupera au plus court par l'Old Bridle Path.

Distance totale à parcourir: 7,2 km. La dernière section, très à pic, est costaude pour les mollets. Pas pour rien que les gens de la hut l'ont baptisée l'arête de l'Agonie.

Le gîte, ouvert en 1930, est composé d'une lumineuse salle commune, bordée de part et d'autre par des dortoirs. Gros coup de coeur pour ce bâtiment de bois et de pierre planté en plein décor de toundra alpine. Le personnel, hyper attentionné, donne envie de s'éterniser. Dans le lot, Sarah Fisher, 21 ans, une Américaine de l'Oregon qui étudie à l'Université Concordia, à Montréal.

Avec quelque 27 kg sur le dos, elle met trois heures à faire l'aller-retour entre le gîte et le camping Lafayette. Trois heures pour franchir 9,3 km de distance sur des roches glissantes. Elle joue aussi de l'accordéon...

Jour 3 - Galehead

On était prévenus: le trajet entre Greenleaf et Galehead allait être le plus difficile de toute l'expédition. «Quand vous arrivez au bout - si vous y arrivez -, plus rien ne peut vous faire peur», nous avait dit Jay, robuste gaillard de 79 ans rencontré à Lonesome Lake.

Il faut d'abord monter les 325 m d'altitude qui nous sépare du sommet du mont Lafayette, redescendre à pic dans un col, grimper de nouveau (au sommet du mont Garfield cette fois), redescendre, puis re-regrimper pour atteindre le gîte le plus inaccessible du réseau. Le tout sur 12,5 km, dans une suite ininterrompue de blocs erratiques laissés en tas il y a des millions d'années par un glacier particulièrement pervers.

On en a bavé, physiquement et psychologiquement. Dur, dur de descendre dans un ravin (au milieu d'une chute d'eau de surcroît) en voyant le sommet à atteindre s'éloigner à chaque pas.

Résultat de la journée: on est arrivés 30 minutes en retard pour souper et on s'est effondrés dans les lits sitôt nourris.

Jour 4 - Zealand Falls

Spectacle inspirant sous les premiers rayons du soleil du matin: une septuagénaire, toute menue, en pleine séance de yoga dans la salle commune. En équilibre sur la tête, droite comme un i... Elle nous insuffle ce qui nous manquait de courage pour affronter les 11 km et des poussières de la journée.

Le sentier Twinway commence avec une rude montée et se termine avec une descente soutenue sur les deux derniers kilomètres, mais la récompense dépasse largement l'effort déployé: le gîte est construit sur le bord d'une rivière qui dévale la montagne en de multiples chutes. Ah! le bonheur de tremper ses pieds meurtris dans l'eau fraîche... Les grandes dalles de pierre chauffées au soleil (et la crème de champignons du chef Austin) nous donnent envie de paresser.

Impossible. Demain s'annonce une (autre) grosse journée: 13 km nous séparent de Mizpah.

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Repères

Comment y aller?

Quelque 300 km séparent Montréal du centre des visiteurs de Pinkham Notch, point de départ de plusieurs sentiers, notamment en direction du mont Washington.

Quand y aller?

De juin à la mi-septembre (ou la mi-octobre selon le gîte), l'AMC offre un service de repas dans ses huit huts: petit-déjeuner et souper sont inclus. Les randonneurs de passage peuvent aussi s'y arrêter pour acheter un bol de soupe, un café ou des gâteaux préparés sur place. Pour certains gîtes, dont Lakes of the Clouds et Madison Spring, il faut parfois s'y prendre des semaines à l'avance pour réserver une place pendant le week-end. L'AMC dispose aussi de deux auberges - des lodges - installées dans le centre de visiteurs de Pinkham Notch et au Highland Center. À savoir: les visiteurs qui logent au Highland center peuvent y emprunter gratuitement du matériel de randonnée, notamment pour les enfants. Parfait si on veut initier les petits au plein air sans se ruiner.

Les prix

Le prix est le même dans les huit huts du réseau: 114$US par adulte (repas inclus) du dimanche au vendredi et 137$US le samedi. Pour les 13 à 17 ans, les prix sont de 103$US et de 124$US, selon la journée. Pour les 6 à 12 ans: 60$US du dimanche au vendredi, 72$US le samedi. Les rabais pour les membres de l'AMC sont considérables: en semaine, le prix passe de 114$US à 95$US. L'AMC offre aussi des visites guidées de plusieurs jours, en compagnie d'un guide naturaliste

Transport dans les montagnes Blanches

L'Appalachian Mountain Club offre un service de navette qui rallie les principaux points de départ de randonnée dans la forêt nationale des montagnes Blanches. Pratique si on ne dispose pas de deux voitures et qu'on veut suivre un tracé linéaire plutôt qu'une boucle. Deux parcours sont offerts. Réservation fortement conseillée les week-ends. Tarifs: 22$US par personne, aller simple.

Infos: www.outdoors.org