C'est l'un des tout derniers hôtels-casinos historiques de Las Vegas, où planent encore les ombres d'Elvis et du «Rat Pack»... Mais lundi, le Sahara fermera ses portes, abandonnant à la nostalgie les clients et employés du «dernier hôtel à taille humaine» du Strip. Inauguré en 1952, le Sahara fut pendant les années 50 et 60 un hôtel-casino prisé des célébrités. Elvis Presley, Jerry Lewis, Dean Martin, Frank Sinatra, les Beatles, Judy Garland, Sonny & Cher... tous sont passés par ici. Leurs photos ornent encore les murs de la réception... Mais, depuis vingt ans, Las Vegas a fait le choix des méga-complexes à l'architecture délirante et le «petit» hôtel-casino de 1700 chambres à l'enseigne ornée de dromadaires a vu sa fréquentation diminuer inexorablement.

Le couperet a fini par tomber en mars, dans un communiqué de SBE Entertainment, propriétaire des lieux depuis 2007: «L'exploitation du Sahara n'est plus viable économiquement». Et d'annoncer la fermeture pour le 16 mai, privant de travail plus de 1.050 employés. «D'une certaine manière, on s'y attendait», déclare à l'AFP Michael McLendon, superviseur de la salle de poker, désertée à quelques jour de la fermeture. Après 22 années passées au Sahara, il a décidé de prendre sa retraite. «C'est fini pour moi». «De toute façon, il n'y a pas grand monde par ici qui cherche quelqu'un de 66 ans». «Quelques croupiers, portiers, serveurs et hôtesses ont retrouvé du travail», dit-il. «Mais la majorité va rester sur le carreau car les temps sont durs à Las Vegas», l'une des villes américaines les plus touchées par la crise.

Sheryl, serveuse au Nascar Café depuis 11 ans, n'a rien trouvé. «Il faut avoir 20 ans pour travailler à Vegas». Elle console quelques habitués accoudés au bar, «qui ne savent plus où aller». Dennis Carade, réceptionniste, a lui aussi choisi la retraite. «Un ami m'a proposé un travail à l'Aria mais j'ai fait mon temps», assure-t-il, après 39 ans de bons et loyaux services. Entre deux anecdotes sur Elvis Presley et Clint Eastwood -- qui tourna ici «L'épreuve de force» en 1977 -- M. Carade règle ses comptes avec SBE, «le pire propriétaire» qu'ait connu l'hôtel. «Ils devraient avoir honte. Ils n'ont rien fait, rien entretenu».

Interrogée par l'AFP, la direction de SBE s'est refusée à tout commentaire. Loin du glamour des années «Rat Pack», le Sahara était surtout connu, ces dernières années, pour ses jeux à un dollar la mise et le burrito de 2,7 kilos du Nascar Café, offert à tout client capable de l'engloutir. Mais le lieu, avec sa décoration mauresque, sa grande piscine hollywoodienne et ses fantômes -- Sol Arenas, femme de ménage depuis 20 ans, affirme avoir senti un jour «une présence diabolique et effrayante» dans la tour Tanger -- conservait un charme suranné que beaucoup vont regretter.

Dans les années 50, le «Rat Pack» emmené par Frank Sinatra était un groupe de comédiens qui s'est produit dans des nombreux shows à Las Vegas et est apparu dans plusieurs films, notamment «L'inconnu de Las Vegas», une histoire qui a récemment inspiré «Ocean's Eleven». Pour les Quentin, un couple de retraités français habitués du Strip, qui ont déjà vécu les fermetures du Dunes, du Stardust, du New Frontier et du Sands, c'est un nouveau coup dur. «On a dormi ici plusieurs fois et ça fait mal au coeur», affirme Brigitte. «On connaissait nos machines et le personnel. C'était un hôtel à taille humaine, chaleureux». Un avis partagé par Tracy Reed, une Californienne qui venait au Sahara «4 à 5 fois par an depuis 15 ans». «On se sentait à la maison», déclare-t-elle. «Les autres hôtels sont beaucoup trop grands. Ici, les employés vous appellent par votre prénom, c'est très intime». Dans son petit atelier de tatouages, face à la réception, Eric Ayala témoigne lui aussi de l'attachement des employés et des clients à l'hôtel: «Ce matin, un employé m'a demandé de lui tatouer sur le bras un jeton du casino. Il était triste, il a travaillé ici toute sa vie».