«Est-ce que quelqu'un a besoin de jumelles?

Qui a besoin d'un stylo avec sa liste d'observation?

Est-ce que tout le monde sait comment faire le foyer?»

Don Freiday et Chuck Slugg accueillent les visiteurs comme des mamans canes avec leurs canetons. Nous sommes un peu plus d'une vingtaine d'ornithologues (très) amateurs massés au parc de Cape May Point. La raison de cet attroupement: une sortie guidée organisée par le Cape May Bird Observatory (CMBO), un organisme qui relève de la prestigieuse société américaine de conservation Audubon.

 

Nous sommes donc entre de bonnes mains pour découvrir le terrain de jeu préféré des ornithologues du New Jersey. Le vent du large écornerait un boeuf, mais les deux guides sont confiants. À Cape May Point, on ne sort pas sans voir au moins 20 espèces différentes de volatiles.

On n'a pas fait 10 pas que déjà, le compte est bon.

De la plateforme aménagée pour l'observation, on domine des étangs d'eau douce très achalandés. Cormorans à aigrette, colverts, huîtriers, bernaches du Canada avec une flopée de poussins, fous de Bassan... Une grande aigrette regarde le spectacle, entre deux séances de nettoyage du nid. Au loin, des urubus à tête rouge et des balbuzards planent à la recherche d'un repas.

Dix pas à peine, et les stylos sont sur le point de manquer d'encre tellement la liste est longue... Et le rythme ne ralentira pas pendant les deux heures de la sortie. Nombre d'espèces observées à la fin de l'activité: 35 (sans compter celles qui ont chanté sans se montrer). Le clou du spectacle: un balbuzard, toutes serres dehors, qui a capturé une truite sous nos yeux... avant de se faire harceler par un tyran tritri 10 fois plus petit que lui.

«Cape May est considéré comme la capitale nord-américaine de l'observation d'oiseaux, explique Don Freiday, directeur du programme aviaire de CMBO. Plusieurs habitats se succèdent de si près qu'on peut les voir en un coup d'oeil: l'océan, les dunes, les broussailles, les étangs d'eau douce, les marais d'eau douce et d'eau salée, les forêts d'arbres à feuilles, les forêts de conifères... Ici, ces habitats ont été protégés, tandis qu'ailleurs, le développement en a détruit bon nombre.»

Résultat: un nombre effarant d'oiseaux s'arrêtent à Cape May dans leur voyage migratoire. «J'ai voyagé partout pour voir des oiseaux: au Pérou, au Costa Rica, en Afrique. Et il n'y a rien comme Cape May...»

Pete Dunn est directeur du CMBO. C'est aussi une sommité de l'observation d'oiseaux, avec plusieurs guides à son actif. Tous les lundis matin, il offre une visite guidée très courue dans les «Meadows», un grand espace qui a servi d'aéroport lors de la Première Guerre mondiale avant d'être transformé en refuge migratoire.

«Cape May est un endroit réputé partout dans le monde pour la diversité des espèces qui y passe. À chaque sortie, on peut y voit quelque chose d'extraordinaire», lance ce vulgarisateur passionné et passionnant qui a fondé les World Series of Birding, ce marathon d'observation de 24heures.

Chaque année, 100 000 personnes viennent à Cape May pour l'ornithologie et plus de 6000 participent aux différentes activités d'interprétation du CMBO: croisières en ponton, sorties guidées, ateliers, conférences... Vendredi, samedi et dimanche prochain, on propose une foule de sorties à pied, en bateau et en vélo dans le cadre de l'événement Grand week-end printanier.

Le hic pour les adeptes de grasses matinées: plusieurs activités se font aux aurores. «Les deux premières heures après le lever du soleil sont les meilleures pour l'observation. Après, le nombre d'espèce diminue de 50%», dit Don Freiday.

Au printemps, on vient à Cape May pour voir les oiseaux dans leur plumage nuptial. C'est aussi la saison où les crabes des Moluques envahissent certaines plages. Et il n'est pas rare d'en voir 5000 d'un coup...

Extraordinaire? La migration automnale des oiseaux l'est encore plus. «De septembre à novembre, c'est la quantité d'oiseaux qui fait le spectacle. Quand les circonstances sont bonnes, c'est une expérience qu'on ne peut vivre nulle part ailleurs», estime Fridey. Les étangs semblent alors couverts de plumes et les ornithologues ne savent plus où donner des jumelles. C'est aussi pendant cette période que les papillons monarques et les libellules arrivent par centaine de milliers à Cape May...

Décidément, quand les plages de Cape May se vident de leurs vacanciers, le spectacle est loin d'être terminé...

Le Cape May Point State Park est accessible gratuitement. Des frais de 5$ sont exigés pour la visite du refuge migratoire The Meadows. Le coût des activités d'interprétation du CMBO varient. www.birdcapemay.org

Les frais de ce reportage ont été payés par l'Office de tourisme de Cape May et le Cape May Bird Observatory.