«Hein, t'as eu des billets pour Lambeau Field?!?!»

Lambeau Field, le stade des Packers de Green Bay de la National Football League (NFL).

Pour les amateurs de football américain, Lambeau Field, c'est comme l'Opéra de Vienne pour les amateurs de musique classique ou l'Olympia de Paris pour les fanas de chansons françaises.

Ce lieu mythique et berceau du football américain existe depuis 1919. Le stade a été rénové depuis, bien sûr. Un rouleau de terrain synthétique a remplacé le bon vieux gazon boueux à force d'être labouré par les joueurs, des écrans géants modernes ont été installés et la coquille du stade est presque neuve, mais l'endroit n'a rien perdu de son charme. Ni de sa légende.

 

Être dans les gradins du Lambeau Field, dans la froidure de décembre, avec 70 000 autres maniaques de foot, pour un Monday Night Football en plus (une autre institution footbalesque: un seul match, le lundi soir dans la NFL), c'est comme assister à la messe au Vatican pour un catholique.

Voir un match des Bears, en plus, la veille, au légendaire Soldier Field de Chicago, c'est l'équivalent d'un pèlerinage dans deux villes saintes pour un musulman.

Le genre de «trip» dont les «vrais» amateurs de football rêvent.

Eh oui, il est possible d'acheter des billets, même pour des stades très convoités, comme le Gillett Stadium à Foxboro (le domicile des Patriots de la Nouvelle-Angleterre en banlieue de Boston) ou Lambeau Field. Tous les stades des 32 équipes de la NLF sont pleins à chaque match, ou presque. C'est pour cela que les stades sont de plus en plus gros, comme le tout nouveau domicile des Cowboys de Dallas, qui peut accueillir plus de 100 000 spectateurs. Cela dit, il y a toujours des billets en circulation.

Avoir des billets pour Lambeau Field et Soldier Field aura été la partie la plus facile. Se rendre à Green Bay, en auto de Chicago, (environ 330 km au nord de Chicago dans le nord du Wisconsin), affronter le froid et revenir à Chicago après le match pour prendre le vol de retour vers Montréal le lendemain, aura été, par contre, un peu rocambolesque.

Mais bon, on ne va pas se plaindre. Il faut bien souffrir un peu pour avoir le plaisir de voir en personne deux matches de la NFL en deux jours.

Une expérience sociologique

Entrer dans un stade de la NFL, c'est beaucoup plus que voir un match de football. Le spectacle sportif est relevé et impressionnant, mais c'est aussi une expérience sociologique.

La NFL, c'est la version moderne des jeux du cirque de la Rome antique chez l'impérialiste de notre époque, les États-Unis. Un conseil: agoraphobes s'abstenir.

À Green Bay, par exemple, petite ville du nord du Wisconsin, qui chérit son équipe et qui porte fièrement son surnom de frozen tundra, la communauté ne vit que pour son équipe et ses huit matches locaux.

Région agricole (le surnom officiel du Wisconsin est America's Dairy Land), tout le monde se réunit pour les matches dans une atmosphère de fête. Difficile de manquer le mythique stade, d'ailleurs. De Chicago, sur la 94 puis sur la 43 Nord, vous passerez, à mi-chemin, Milwaukee, puis vous roulerez encore une heure et demie à travers les champs agricoles. Les seules dénivellations, ici, ce sont les silos à grain.

Puis, tout à coup, sur la droite dans le crépuscule, un immense bol tout éclairé! Lambeau Field. On dirait un énorme OVNI posé au milieu des champs du Wisconsin. La preuve en béton que si vous le construisez, ils viendront...

Que Green Bay ait une équipe de la NFL tient de la plus pure anomalie. Ici, on ne fait pas que jouer au football, c'est l'histoire du football qui se joue. Si la ligue était constituée aujourd'hui, à partir de rien, sans ce lourd poids de l'histoire, il est certain que Green Bay n'aurait JAMAIS d'équipe. C'est comme si, toute proportion gardée, Drummondville avait une équipe de la LNH!

Mais les Packers sont là depuis le début. Ils sont même à l'origine de la NFL, ce qui ajoute au charme de l'endroit.

Voilà pourquoi un périple en cette contrée footballesque éloignée n'a pas de prix. Le quart Aarron Rodgers est très bon, ses receveurs aussi, de même que la défensive, mais ce sont les gens de la place qui font le show.

Assis (en fait, debout, le plus souvent) parmi cette foule de connaisseurs (et de connaissance, puisque tout le monde semble se connaître), on a l'impression d'être dans un party de famille de 70 000 personnes.

Ma voisine, une dame dans la soixantaine, ne s'y est pas trompée. «Vous, vous n'êtes pas d'ici. Je ne sais pas de quel coin vous venez, mais c'est clair que vous n'êtes pas du Wisconsin!» m'a-t-elle lancé.

Merde! Nous voilà démasqués! Elle, son mari et leurs amis autour étaient vachement impressionnés d'apprendre que nous étions venus de Montréal pour voir ce match (encore plus de savoir que nous faisions l'aller-retour Chicago-Green Bay dans la même journée - environ 650 km). Impressionnés et ravis de nous «recevoir» dans leur stade.

Des sacrés connaisseurs de foot, d'ailleurs, ces gens-là, qui discutent du dernier jeu, de la décision de l'entraîneur ou des arbitres entre les jeux. Et qui participent bruyamment, surtout quand l'équipe adverse est en attaque, question de déconcentrer le quart qui aura du mal à entendre les signaux dans son casque émetteur.

«Let's go, kill him!», criait la dame (oui, oui, ma charmante voisine de tout à l'heure) chaque fois qu'un joueur des Ravens touchait le ballon. «Kill him», probablement le genre d'expression qu'elle interdisait à ses enfants lorsqu'ils se chamaillaient.

Tout est permis

Mais ici, dans le stade, c'est la règle du pain et des jeux: tout est permis. Y compris quelques excès de langage, quelques chants guerriers, la bedaine à l'air par moins 5 degrés, les insultes aux partisans de l'autre équipe qui ont eu le courage (ou la témérité) de se pointer chez l'ennemi avec leurs couleurs, une mauvaise foi prononcée et quelques rots de bière.

Y compris aussi des déguisements aux couleurs de son équipe, le stade le plus spectaculaire en la matière étant sans doute celui des Raiders d'Oakland, dit «The Raiders Nation».

Cette équipe est désespérément mauvaise depuis des années, mais ses partisans sont là, à chaque match local, tous unis dans une marée noir et argent. Certains avec des costumes effrayants et des pics sur la tête. Ne vous y trompez pas toutefois, ils font eux aussi partie du spectacle, et ils sont heureux comme des enfants lorsque vous leur demandez une photo avec eux!

Tous les stades sont différents: la musique, la bouffe, les chansons, les fameux tailgates, ces rassemblements d'avant-match dans lesquels règnent BBQ et bières en canette.

Il n'y a que huit matches locaux durant la saison régulière, de septembre à janvier. Et entre 70 000 et 100 000 personnes à chaque occasion. Pas étonnant que cela tourne en un gros party. Arrivez tôt, donc, question de prendre une bière avec les indigènes et aussi pour voir l'entraînement d'avant-match.

Évidemment, il n'est pas obligatoire de faire des acrobaties pour se concocter un programme double. Un match, c'est déjà toute une expérience.

Mais comme la saison est courte (16 matches chaque équipe, de septembre à janvier) et, parfois, la géographie et le calendrier rendent possibles les coups doubles pour les fanatiques.

 

Les programmes doubles possibles

Dès la publication du calendrier des matches (au printemps), repérez ceux qui vous intéressent et voyez s'il est possible de goupiller un programme double. Un match le dimanche, l'autre le lundi soir. Ou encore, vers la fin de la saison, la NFL organise toujours des matches le jeudi et le samedi.

Pour les programmes doubles, donnez-vous du temps, question de ne pas avoir à courir d'une ville à l'autre sans prendre le temps de voir quoi que ce soit. Chicago-Green Bay-Chicago le même jour, c'était un peu cinglé, d'autant plus que l'hiver frappe vite et fort dans ce coin-là.

Les programmes doubles les plus faciles: San Francisco-Oakland et Washington-Baltimore, des villes voisines reliées par des transports en commun efficaces. Du centre-ville de San Francisco, par exemple, un train moderne et agréable vous conduit à la porte du stade des Raiders d'Oakland.

Autres combinaisons possibles: Cincinnati-Indianapolis (185 km), Pittsburgh-Cleveland (200 km), la ligne Baltimore-Washington-Philadelphie-New York (360 km), Miami-Tampa Bay (400 km).

Quels stades visiter?

Quels stades l'amateur doit-il absolument voir? Les réponses varient, mais Green Bay, Pittsburgh, Buffalo, Philadelphie et Chicago reviennent souvent dans le palmarès des maniaques.

Pour une opinion éclairée, jetez un oeil à sportsillustrated.cnn.com, qui dresse chaque année un classement des stades des 32 équipes à partir de sondages auprès des fans américains.

Petit guide pratique

Le tourisme footballistique n'est pas donné. En additionnant le prix du billet, la chambre d'hôtel, l'avion, les repas, la bière et les souvenirs au stade, on doit compter facilement entre 700$ et 1000$ pour trois jours.

Le bon côté, c'est que plusieurs destinations sont accessibles en auto, ce qui diminue les frais de transport et que l'automne est la basse saison dans les hôtels. Le but, c'est aussi de rester une journée ou deux de plus pour visiter la ville.

Les billets: comment et combien

Certaines entreprises au Québec organisent pour les amateurs des aller-retour (en autocar) pour des matches sur la côte Est ou à Buffalo, mais pour cela, vous n'avez pas besoin des conseils de votre humble serviteur, Google fera très bien l'affaire.

Si vous décidez, par contre, d'organiser vous-mêmes votre excursion sur la planète NFL, plusieurs options sont possibles: ebay (cher et pas toujours fiable), sur place avec un «scalper» (très cher) ou en passant par des sites reconnus.

Depuis trois ans, l'autre mordu qui me sert de compagnon de voyage sur la planète NFL a trouvé des billets pour San Francisco, Oakland, Seattle, Chicago et Green Bay sur Ticketpro.com. Suffit de fureter pour trouver les billets disponibles et de téléphoner pour choisir le meilleur rapport qualité-prix. Ticketpro vous envoie ensuite les billets par la poste.

Prix: environ 150$ le billet (oui, c'est cher).

COMMENT S'Y RENDRE

En auto, avec des copains pour se partager la route, c'est faisable, pour les stades les plus proches: Foxboro (549 km), les deux équipes de New York (les Giants et les Jets, 600 km), Buffalo (635 km), Philadelphie (730 km).

Si vous aimez vraiment rouler: Cleveland (932 km), Washington (953 km), Baltimore, Pittsburgh (974 km),

LE COÛT

> Billet pour le match: 150$

> Aller-retour en avion: 440$

> Une bière et un «cheesehead»: 25$

> Voir un match des Packers avec 70 000 maniaques à Lambeau Field: ça n'a pas de prix.