L'un des parcs nationaux les plus mythiques d'Amérique, Yosemite National Park, est dans la ligne de mire de bien des amateurs de plein air. Le défi ici est de choisir son itinéraire, et de trouver le moyen d'éviter les foules...

Pour atteindre le sommet du Half Dome, l'une des montagnes les plus spectaculaires du parc Yosemite, il faut mettre des gants.

 

Des gants de travail, des gants de vélo, des gants de cuir. Peu importe le genre de gants, il faut en mettre.

Il y a une pile de gants laissés à la disposition des randonneurs au pied du dernier versant du Half Dome, à 1324 mètres d'altitude.

Mon ami François se penche pour fouiller dans la pile. Autour de lui, les montagnes s'étendent jusqu'à l'horizon. Le mur d'El Capitan est à l'est. Le sommet de Cloud Rest s'élève à l'ouest. Un oiseau de proie est immobile dans le ciel. Un point noir dans une toile bleue. Il me donne le vertige.

François enfile une paire de gants et regarde les deux câbles d'acier ancrés dans le roc. Ils filent vers le sommet, 120 mètres plus haut. Les câbles sont maintenus en place par des tiges en métal plantées dans la montagne à tous les 10 mètres. La paroi est escarpée. Elle paraît verticale par endroits.

«Je n'arrive pas à croire qu'ils laissent les gens monter ça, dit François en empoignant les câbles. C'est pratiquement de la folie.»

Visiter le parc Yosemite, c'est entrer dans un monde parallèle où l'homme apprend à être humble. Des sommets de 3500 mètres vous coupent le souffle. Les rivières torrentielles vous barrent la route. Les ours ne sont jamais bien loin. Les séquoias hauts comme des gratte-ciel jettent de l'ombre sur votre tente.

Au détour des sentiers, on peut imaginer voir passer John Muir, pionnier du parc, marchant aux côtés du président Theodore Roosevelt, qui lui avait demandé de visiter la région, à l'été 1903. Les deux hommes ont passé plusieurs jours à camper dans la vallée, et à grimper les sommets environnants. Deux ans plus tard, le gouvernement fédéral a décrété la constitution du parc national de Yosemite.

Nous avons visité le parc au début du mois de juin, dans le but de réaliser une randonnée de six jours en autonomie complète. L'idée était d'arriver après la fonte des neiges, mais avant la fin des classes et le début de la saison touristique.

À une exception près, notre pari s'est révélé le bon. Nous avons pu marcher sur des sentiers légendaires, où nous ne croisions qu'un ou deux groupes de marcheurs par jour. Le soir, des sites de camping prévus pour des centaines de personnes nous appartenaient.

La seule chose que nous n'avions pas prévue était la neige. Une bonne partie de notre randonnée avait lieu entre 3000 et 4000 mètres. À cette altitude-là, le mercure passe la nuit sous la barre de zéro degré, et la neige reste en place jusqu'à la fin juin. Nous avons dû franchir des kilomètres de terrain enneigé, où il était parfois difficile de s'orienter. Des guêtres étaient de mise. La carte et la boussole aussi.

Paysages légendaires

Le parc de Yosemite dévoile l'un de ses plus beaux tableaux dès que l'on franchit son point d'entrée. En voiture, on traverse un long tunnel, qui mène à Yosemite Valley, le centre névralgique du parc.

Dès la sortie du tunnel, un belvédère est à la disposition du public. Le panorama qui s'offre au regard est l'un des plus célèbres en Californie. Il a été reproduit sur des timbres, des livres, et comme image d'arrière-plan sur des millions de plaques minéralogiques de l'État.

Devant nous, les sommets du Half Dome, d'El Capitan et de Glacier Point forment un paysage presque irréel. Au début de l'été, les chutes fabuleuses, gonflées par l'eau de la fonte des neiges, font plus de 100 mètres de hauteur. Elles sont si hautes que l'eau se change en vapeur avant de frapper le roc, en contrebas.

Au centre d'information, nous avons pris possession de notre permis de randonnée et de nos «boîtes à ours», sortes de gros récipients en plastique que les ours n'ont pas encore réussi à ouvrir. Les boîtes ont ajouté quelques kilos à nos sacs déjà lourds.

Nous avons commencé notre séjour dans le secteur de Tuolumne Meadows, pour ensuite descendre vers la vallée de Yosemite et revenir vers notre point de départ en empruntant le sentier John-Muir via Cathedral Peak. Six jours de randonnée, incluant un arrêt à mi-parcours pour fouler le sommet du Half Dome.

Nous avons marché dans de vastes vallées gazonnées, barrées de cours d'eau et entourées de sommets s'élevant à près de 4000 mètres. Les sentiers devenaient vite abrupts lorsque l'on passait d'une vallée à l'autre. Des grimpeurs de partout au monde y circulent, croulant sous d'immenses sacs à dos surmontés de cordes enroulées avec soin. Les plus expérimentés sillonnent les vallées en dehors des sentiers établis, et peuvent atteindre une dizaine de sommets en une journée.

Après quatre ou cinq heures de marche, nous arrivions à l'un des multiples campements officiels situés en terrains reculés. Ils sont munis de toilettes sèches et d'un cercle pour faire un feu. Le mercure tombait avec le soleil, et des gants, des anoraks en duvet d'oie et des tuques étaient de mise.

Le soir, les lieux habituellement bondés en été étaient calmes. On entendait parfois une rivière au loin, ou un hibou perché quelque part. La fatigue des kilomètres parcourus et l'air glacial des montagnes se chargeaient de nous montrer le sommeil.

Au sommet des câbles

Arrivés au sommet des câbles du Half Dome, nous regardons dernière nous pour prendre la mesure du chemin parcouru.

Vus d'ici, les randonneurs en contrebas sont gros comme des têtes d'épingles.

Nous marchons sur le sommet de la montagne, un vaste espace plat. Des dizaines de randonneurs s'y trouvent. Après trois jours passés dans le bois, le contact avec les autres visiteurs est étrange, et pas spécialement agréable.

Après avoir englouti quelques barres d'énergie et pris des photos, nous nous agrippons aux câbles pour entamer la descente casse-gueule. Chaque année, des gens trop pressés ou distraits glissent et perdent la vie à cet endroit.

Nous descendons sans trop de mal et regagnons le sentier. Il s'enfonce dans les bois, et nous mène vers une terre où, dans les mots de John Muir, «l'on reçoit davantage que ce que l'on cherche».

PARC YOSEMITE

Y aller

Le parc de Yosemite est situé à quatre heures de route de San Francisco et à six heures de route de Los Angeles.

Où loger

Les campings dans le parc sont gratuits, et bien aménagés. Pour y accéder, il faut posséder un permis de randonnée qu'il est recommandé de réserver (209-372-0740). Certains hôtels sont situés dans et autour du parc. Encore là, il faut réserver plusieurs mois à l'avance.

Quand y aller

Les mois de juin, septembre et octobre sont les meilleurs pour découvrir le parc. En juin, la température est agréable le jour et fraîche la nuit, avoisinant même le point de congélation dans les régions les plus élevées du parc. Durant l'été, le mercure dépasse facilement les 35 degrés, rendant toute activité physique pénible. La saison estivale est aussi celle des touristes, et ils sont nombreux dans le parc, l'un des plus visités de la côte Ouest.

Quoi lire

Hiking Yosemite, par Suzanne Swedo, Falcon Guide. Un livre de référence qui traite des différents secteurs du parc, et des courtes et longues randonnées. Si vous partez en randonnée pour plusieurs jours, il est recommandé d'avoir une boussole (et de savoir l'utiliser) ou encore un GPS. N'hésitez pas à acheter une ou des cartes topographiques de la région du parc qui vous intéresse. Attention: les cartes qui englobent la totalité du parc sont trop approximatives pour être utiles sur le terrain.

À savoir

Si vous planifiez une longue randonnée, il peut être avantageux de commencer votre séjour dans un point d'entrée moins fréquenté, loin de la vallée. La raison est simple: un nombre limité de permis de randonnée est délivré chaque jour. La plupart des permis sont utilisés par les marcheurs d'un jour qui n'ont aucune intention de passer la nuit dans les bois. Les points d'entrée situés en périphérie de la vallée centrale sont moins fréquentés, et la concurrence pour les permis est moins grande. Ce conseil n'est toutefois pas valable durant l'été, où même les points d'entrée loin de la vallée sont pris d'assaut par les randonneurs de longue durée.

Les ours?

Nous n'avons pas vu d'ours durant notre séjour. Or, ils sont apparemment très actifs dans le parc. Ils attaquent très rarement les humains. Les ours ne s'intéressent pas à vous, mais à votre nourriture. Omettre de ranger votre nourriture dans les boîtes prévues à cette fin, c'est la garantie d'une nuit passée dans le vestibule de votre tente, à cogner sur votre chaudron pour éloigner les rôdeurs...