Tout ce que je savais des Catskills, c'est qu'il s'agissait du terrain de jeu des New-Yorkais: une région de montagnes, de forêts et d'étroites vallées à moins de 200 kilomètres au nord-ouest de la métropole des États-Unis.

De Montréal, il faut compter un bon cinq heures de route. Le randonneur québécois, déjà gâté avec les Adirondacks du nord de l'État de New York, les Montagnes Vertes du Vermont et les Montagnes Blanches du New Hampshire, peut penser qu'il n'a pas vraiment besoin d'aller plus au sud pour mettre un joli sentier montagnard sous la botte. Sauf si le goût d'explorer lui tombe dessus subitement. Ce qui m'arrive régulièrement.

 

C'est ainsi que lorsque je vois que l'agence montréalaise Détour Nature organise un voyage de randonnée dans les Catskills, je m'inscris immédiatement.

Dans le petit autobus qui nous conduit vers notre destination, j'en apprends un peu plus sur les Catskills. C'est ici qu'est né le mythe américain de Rip Van Winkle. C'est l'histoire d'un montagnard qui s'endort au cours d'une chasse à l'écureuil dans les montagnes. Lorsqu'il se réveille, avec une barbe longue comme ça, 20 années se sont écoulées. Il ne s'en plaint pas trop: entre-temps, sa femme, une véritable mégère, est passée de vie à trépas.

Je lis également un essai écrit par l'écrivain américain John Burroughs en 1910 au sujet d'une randonnée dans les Catskills. Je tique un peu lorsqu'il décrit deux sentiers pour se rendre au sommet du mont Slide, le plus haut des Catskills à 1274 mètres.

«La voie régulière passe par la vallée Big Indian. L'ascension est assez facile et souvent effectuée par les femmes, écrit-il. Mais depuis la vallée Woodland, seuls les hommes peuvent entreprendre l'ascension.»

Or, nous allons justement camper dans la vallée Woodland. Ce John Burroughs verra bien de quel bois les femmes de 2009 se chauffent!

Pour notre première journée de randonnée, nous y allons mollo avec un petit tour sur la Giant Ledge, une crête qui offre une succession de petits belvédères naturels suspendus au-dessus d'une épaisse forêt. Je rencontre mes premiers randonneurs new-yorkais: quelques petites familles et un gros groupe qui parle chinois.

C'est au cours de notre deuxième journée que nous nous attaquons au mont Slide à partir de la vallée Woodland. La forêt cache de majestueux sapins et des bosquets de laurier de montagne en fleurs. Nous passons aux côtés de grands rochers étrangement stratifiés. Mais avant d'atteindre la montagne favorite de M. Burroughs, il faut d'abord se rendre au sommet du mont Wittenburg.

Les plus hauts sommets des Catskills ne sont pas dénudés, comme ceux des Adirondacks et des Montagnes Blanches. Mais on y trouve souvent de grandes plaques rocheuses qui offrent un superbe point de vue. C'est le cas de Wittenburg: devant nous s'étale notamment le réservoir Ashokan, une des réserves d'eau douce de la ville de New York.

Nous continuons vers un autre sommet intermédiaire, le mont Cornell. En chemin, nous devons affronter des parois rocheuses qui exigent un peu de grimpette. Nous croisons un autre groupe de New-Yorkais typiques, qui discutent en russe.

Après Cornell, l'ascension du mont Slide est encore sportive, avec des parois où il faut se servir de nos deux mains pour nous hisser de quelques mètres. Les randonneuses québécoises, habituées aux Adirondacks et aux Montagnes Blanches, passent le test sans problème. Mets ça dans ta pipe, John Burroughs!

Nous parvenons en haut du mont Slide après avoir dépassé un groupe de New-Yorkais parlant l'espagnol. Une plaque à la mémoire de Johns Burroughs est fixée dans le roc tout près du sommet. Nous ne restons pas longtemps: les mouches et les moustiques sont guillerets.

Au troisième jour, avant de reprendre le chemin de Montréal, nous faisons l'ascension du mont Twin, dans la section nord des Catskills. John Burroughs serait bien content ici: il y a encore de chouettes sections de grimpette qui testent notre habileté et notre sang-froid.

Une surprise nous attend de l'autre côté de la montagne. Le sentier s'enfonce entre de gigantesques amas de pierres plates. Tout à coup, nous arrivons sur une terrasse, où des randonneurs qui avaient du temps à perdre ont utilisé ces pierres pour construire de grands trônes, devant un panorama majestueux. Voilà ce qui reste d'une vieille carrière du XIXe siècle. À l'époque, la pierre des Catskills était très prisée pour le revêtement des édifices et le pavage des trottoirs. Vers la fin du XIXe siècle, on a découvert le ciment, et les pierres des Catskills ont cessé de quitter les Catskills. Elles alimentent maintenant l'imagination des randonneurs.

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