Un bagel au saumon fumé comme dans le Mile End? Un steak à la manière Moishes? Grâce à Donald Berger, c'est possible de savourer ces plats typiquement montréalais dans la capitale vietnamienne. Rencontre avec un «expat» qui n'a pas oublié ses origines.

Sur les berges du lac Tay Ho, dans le quartier cossu de West Lake, à Hanoï, une famille vietnamienne est attablée devant un plat d'huîtres en provenance du Canada. «Les deux tiers de ma clientèle sont vietnamiens, explique Donald Berger, propriétaire de Don's Bistro, ouvert il y a sept ans. Ils viennent ici surtout pour les huîtres et les bons vins, car ce sont de bons buveurs, comme les Russes.»

Montréalais d'origine, Don Berger a roulé sa bosse un peu partout sur la planète avant de s'installer au Viêtnam. C'était en 2000 et le restaurateur a eu un véritable coup de foudre pour ce pays qui n'était pas encore sur les écrans radars du tourisme de masse.

Son expérience de bourlingueur a débuté quand il avait 17 ans, lorsqu'il a quitté Montréal pour la première fois. Il accompagnait sa copine de l'époque qui allait rejoindre son père en Grèce. «Je devais rester un mois, j'ai passé un an et demi en Europe à travailler comme plongeur», raconte-t-il, attablé au deuxième étage de son restaurant.

Cuisine haut de gamme

Le jeune homme revient à Montréal, mais repart presque immédiatement pour Toronto puis Calgary. C'est là, à l'hôtel Westin, qu'il fera son apprentissage en cuisine. «J'ai touché à tout: pâtisserie, entremets, sauce, cuisson, etc.» Ses patrons l'apprécient et l'envoient dans une autre succursale, à Hawaii. De là, il ira travailler en Italie, en Californie puis finalement en Asie, où il sera responsable de l'ouverture de la cuisine du Ritz Carlton à Hong Kong.

À l'âge de 40 ans, après avoir travaillé dans plusieurs grandes villes asiatiques, Donald Berger a envie de se poser. Il est embauché au Press Club, sans doute l'un des plus prestigieux restaurants du Viêtnam à l'époque. «Quand je suis arrivé ici, il était difficile de trouver une fraise congelée, confie-t-il. Cuisiner autre chose que des plats vietnamiens était un défi.» Mais les propriétaires du Press Club lui donnent carte blanche, et un budget à l'avenant.

«J'importais mes viandes des États-Unis, le foie gras de Shanghai, les meilleurs vins, les fromages les plus fins. J'ai établi des standards très élevés, c'était devenu l'endroit où aller à Hanoï.»

Parallèlement, il décide de fonder son entreprise d'importation de mets fins, de vins et de cigares avec un partenaire d'affaires. Une relation qui tournera toutefois au vinaigre.

Un pays qui bouillonne

Après un divorce d'affaires douloureux, Donald Berger décide de faire cavalier seul. Avec flair, il achète un édifice abandonné dans un quartier à peine développé. Aujourd'hui, West Lake est un quartier huppé avec des boutiques à la mode, des petits cafés sympas, fréquenté par des «expats» qui ont des moyens.

«Il y a quelques années, il y avait 120 restaurants sur Trip Advisor Vietnam. Aujourd'hui, il y en a 2400 et c'est sans compter tous les petits restos improvisés sur les trottoirs et la dizaine de milliers de cafés. La population du Viêtnam est jeune, 80 % des habitants ont moins de 30 ans. Ça se développe à une vitesse folle.»

Âgé de 56 ans, marié à une Vietnamienne, père d'un adorable gamin de 4 ans qui ponctue l'entrevue de ses babillages, le restaurateur regarde maintenant du côté de Da Nang, au centre du pays, une station balnéaire en plein boom immobilier. «Les infrastructures sont en meilleure condition et l'air y est moins pollué, dit-il. Je me verrais bien ouvrir un restaurant plus petit, avec moins d'employés.» C'est peut-être là qu'on le retrouvera dans quelques années.

Photo fournie par Donald Berger

Le restaurateur Donald Berger avec sa famille