Profitant d'une relative stabilité politique, l'écotourisme s'est fortement développé au cours des dernières années au Liban. Les troubles en Syrie n'aident pas ces jours-ci, mais ce secteur a toujours beaucoup de potentiel. Reportage dans les montagnes du Chouf, où poussent les célèbres cèdres libanais.

Quand Karim al Khatib a fait construire les premières tree houses de son écovillage dans une vallée verte perdue au fin fond du Chouf - à une grosse demi-heure de Beyrouth - personne n'aurait parié un kopeck sur son projet. C'était, il y a sept ans, une idée lancée avec plusieurs militants de Greenpeace. Aujourd'hui, l'écovillage attire 5000 visiteurs par an, de mai à octobre, dont 40% d'étrangers. Près de 60 personnes peuvent y loger chaque nuit.

«C'est un lieu où les visiteurs peuvent pleinement s'intégrer à l'écosystème et prendre conscience de la nécessité de préserver la nature», explique Karim el Khatib. Tout (ou presque) y est écolo: les cabanes cachées dans les arbres ont été construites en bois recyclé et sont équipées de toilettes au compost, l'énergie est produite grâce à une turbine installée sur une cascade, les produits consommés sur place sont cultivés dans la vallée...

L'écovillage est organisé de manière à sensibiliser les visiteurs au respect de l'environnement, donc. Les conseils écoresponsables et les affiches sur la faune et la flore sont omniprésents. Différentes randonnées pédagogiques sont prévues dans la nature. Le concept est totalement nouveau au Liban, où l'écologie constitue souvent la dernière des priorités. La réussite de l'écovillage témoigne du potentiel de l'écotourisme au Liban.

Croissance rapide

L'écotourisme se développe rapidement, notamment au niveau des activités d'exploration de la nature. «Depuis deux ans, une dizaine de sociétés se sont lancées dans l'écotourisme, même si elles abusent parfois de l'étiquette, estime Pascal Abdallah, qui dirige Responsible Mobilities, un voyagiste spécialisé dans l'écotourisme. Le Liban n'est pas le Costa Rica, mais il possède une biodiversité unique dans la région, avec de nombreux microclimats».

Entouré de pays en partie désertiques comme la Syrie ou la Jordanie, le Liban, avec ses 10 452 km, compte par exemple plus de 2600 espèces végétales, plus qu'en Grande-Bretagne, pays pourtant 30 fois plus grand! L'écotourisme intéresse encore très peu la majorité des touristes du Golfe, accros au magasinage et à la vie nocturne de Beyrouth, mais attire de plus en plus de touristes européens, quand la découverte de la nature est associée à des activités culturelles.

Au-delà des initiatives privées comme les villages écologiques, ce sont les réserves naturelles qui semblent constituer l'avenir de l'écotourisme. On en recense près d'une dizaine au Liban, pour la plupart mal entretenues en raison du manque de volonté politique. La mieux équipée du pays - et aussi la plus vaste (550 km) - est la réserve de biosphère du Chouf, située dans une région montagneuse, à une heure de la capitale. En 2011, elle a accueilli près de 70 000 visiteurs.





Préserver les cèdres

C'est dans les montagnes du Chouf qu'on trouve certains des plus vieux cèdres du Liban, dont certains ont 1200 ans d'existence... «L'écotourisme est apparu comme le meilleur moyen de conserver la biodiversité exceptionnelle de la région», explique Nizar Hani, directeur de la réserve. Ce sont en effet les droits d'accès des visiteurs qui financent en majeure partie le reboisement, l'entretien des infrastructures et les études scientifiques sur la biodiversité...

En plus des trois forêts de cèdres, les amoureux de la nature peuvent découvrir près de 250 km de sentiers avec une vingtaine de guides locaux. Et aussi faire une visite culturelle des villages environnants, puisque 22 municipalités sont intégrées dans la réserve.

Dans le cadre du programme «Cedar and faces», une dizaine de maisons d'hôtes ont été entièrement rénovées pour pouvoir héberger des touristes. «Il est primordial d'impliquer les communautés locales dans la gestion de la réserve, sinon on ne peut pas réellement parler d'écotourisme», affirme Nizar Hani.

Les habitants vendent également de l'artisanat et des produits traditionnels: thym, confitures, compotes, fromages, olives... et la spécialité du coin: le miel de cèdre, qui prospère grâce au travail d'une quarantaine d'apiculteurs dans la réserve.

L'année dernière, la vente de produits locaux a permis de récolter 120 000$, améliorant les revenus d'une centaine de familles de la région. Un petit pourcentage revient à la conservation de la nature.

«Nous nous développons pour accueillir plus de touristes, les étrangers ne représentant encore que 25% des visiteurs. Notre plan d'action jusqu'en 2015 prévoit de nouvelles infrastructures, comme la construction d'un éco-restaurant», explique le directeur de la réserve.

Mais dans le Chouf, comme ailleurs au Liban, la situation politique pourrait à nouveau de freiner le développement de l'écotourisme, avec le risque que le conflit syrien s'étende au pays du Cèdre. «Pour 2012, nous nous attendions à 35 réservations de groupes, et finalement nous n'avons que des réservations d'individus isolés. Le Liban a disparu de la carte touristique des agences de voyages», déplore Pascal Abdallah, de Responsible Mobilities.

 

Photo Thomas Abgrall, collaboration spéciale

L'écovillage de Chouf, situé au fond d'une vallée à une demi-heure de Beyrouth, est peuplé de «tree houses» comme celle-ci, et attire 5000 visiteurs par année, de mai à octobre.