Nazareth, où les collines ont vu grandir Jésus, est un arrêt obligé en Terre sainte. La ville arabe du nord d'Israël, où se côtoient chrétiens et musulmans, est devenue depuis quelques années un laboratoire culinaire, où les chefs réinventent la tradition palestinienne pour faire de cette desination un lieu de pèlerinage gastronomique.

Dans les rues escarpées de la vieille ville de Galilée, des pèlerins français entonnent des chants pastoraux avant de visiter la basilique de l'Annonciation. Le chef du restaurant Dante, Elias Mattar, traverse la foule pour faire son marché dans le souk, un labyrinthe en pierre beige où les commerçants crient les aubaines du jour. «Je raffole de la nourriture arabe, dit le jeune cuisinier de 30 ans. Elle me coule dans les veines, mais je veux attirer l'attention des clients sur autre chose. Ma mère fait la meilleure cuisine palestinienne du monde. Pourquoi je ferais la même chose dans mon restaurant?»

À l'instar de Dante, de nombreux restaurants proposent depuis près d'une décennie une nouvelle cuisine orientale aux 2 millions de touristes étrangers et aux 1,5 million de visiteurs locaux qui passent par Nazareth chaque année.

Lorsqu'il enfile son tablier, Elias Mattar n'oublie jamais ses racines palestiniennes, qu'il fusionne avec ses influences européennes. Si sa passion pour l'art de la bonne chère lui vient de sa mère, il a perfectionné ses techniques en Italie et en Espagne avant d'ouvrir son restaurant. Aux fourneaux, il prépare, au cours de notre visite, un filet de veau à la crème de houmous et aux acras. «Les légumes, les épices, l'huile d'olive: nous avons les meilleurs produits à Nazareth», croit-il.

Tourisme culinaire

Ce n'est pourtant pas d'hier que la ville de près de 75 000 habitants est reconnue pour sa cuisine. «Si vous trouvez de meilleures pâtisseries ailleurs au Moyen-Orient, je démissionne!», s'exclame le directeur de l'Association touristique de Nazareth, Tariq Chehadi. À goûter les kenafeh de la pâtisserie Mahroum, des douceurs réalisées à partir de cheveux d'ange, de fromage et de sirop, l'emploi de M. Chehadi n'est pas en danger.

«Je crois que Nazareth n'a jamais eu la place qu'il méritait dans le parcours touristique en Israël, souligne-t-il. Auparavant, nous étions un arrêt de deux heures pour visiter quelques églises. Les touristes remontaient dans l'autocar et passaient la nuit à Tibériade. On a changé ça, notamment grâce à nos bons restaurants.»

En mars 2010, le gouvernement israélien a voté un budget de 214 millions de dollars pour la mise en valeur de municipalités arabes, dont 3 millions de dollars destinés à tonifier le tourisme à Nazareth. De nombreux restaurants et hôtels ont ainsi reçu des investissements de départ de 30%, en plus de substantielles réductions de taxes.

Fusion arabe

En Israël et dans les territoires palestiniens, on mange du houmous matin, midi et soir. Au restaurant Sudfeh, qui sert une cuisine «arabe fusion», le serveur est fier de dire qu'il n'y a pas de purée de pois chiches au menu. Il nous conseille plutôt d'essayer un plat d'aubergines grillées et de viande d'agneau hachée, nappé de crème de sésame et décoré d'un nid de nouilles asiatiques frites, une version réinventée du baba ghanouj, recette traditionnelle arabe. Le jeune homme nous propose ensuite un cocktail à base d'arak, eau-de-vie à l'anis très populaire dans les pays du Levant, de menthe et de lime.

Situé à quelques mètres de la vieille église grecque orthodoxe de l'Annonciation, le restaurant Mejana sert une cuisine à l'image des origines libanaises et italiennes du chef Souhel Capistrano Farran. L'établissement offre aussi des cours de cuisine à sa clientèle. Au cours de notre passage, nous réalisons sous sa supervision un plat de shishbarak, des raviolis orientaux fourrés au boeuf et nappés de yogourt. «Nazareth est un carrefour entre Damas, Beyrouth et Jérusalem depuis des lustres, dit le chef en dépeçant un poisson avant de le remplir de gousses d'ail. Nos influences culinaires nous viennent des commerçants qui ont toujours arrêté ici.»

Grâce au savoir-faire culinaire, Tariq Chehadi veut faire de sa ville la capitale arabe d'Israël, une destination incontournable, et pas seulement pour les pèlerins. «Nous avons l'hospitalité, la nourriture et Jésus... personne ne peut battre ça!», lance Tariq Shehadi.

Simon Coutu, collaboration spéciale

Les délices sucrés de la pâtisserie Mahroum

Adresses gourmandes

Dante

24, rue El Bishara 

www.dante-rest.com

Mejana

rue Al-Bishara, Mary's Well Square

Sudfeh

6083/35, route du Pèlerin 

sudfeh.com

Mahroum

rue Paul VI 

mahroum-baklawa.com