Au beau milieu du désert irakien, Ruba Husari active son récepteur GPS, hésite, puis un sourire éclaire son visage. Elle est ravie. Elle vient de débusquer le point d'intersection de 33° de latitude nord et 46° de longitude est.

Situé à moins de 10 km de la frontière avec l'Iran, ce point d'intersection, planté en plein désert, n'a rien d'exceptionnel. Pour y parvenir, il faut délaisser une route pleine d'ornières, s'écarter du village de Qalaat Mouzeibleh et marcher une vingtaine de minutes dans le désert.

Sa particularité est de symboliser l'endroit précis où se rencontrent un méridien et un parallèle entiers: exactement ce que Ruba Husari recherche.

Elle alimente le site internet confluence.org qui invite tous ceux qui le souhaitent à immortaliser sur pellicule leur «découverte» de tous les points de convergence des degrés entiers de latitude et de longitude de la planète.

«C'est un moyen fantastique de découvrir un pays», s'enthousiasme Ruba Husari, qui travaille pour le site iraqoilforum.com, consacré au secteur pétrolier irakien.

«Et cette fois-ci, c'est vraiment merveilleux, parce que pour beaucoup de gens l'Irak est inaccessible», ajoute cette Britannique d'origine palestinienne.

En l'espace de trois ans, elle a déjà «découvert» six points d'intersection en Irak, où l'instabilité chronique, les violences quasi-quotidiennes et le manque d'infrastructures posent d'évidentes limites au développement d'un véritable secteur touristique. La majorité des étrangers qui se rendent en Irak sont des pèlerins chiites, avides de découvrir les mausolées de Najaf ou Kerbala.

Pour l'heure, des 40 points d'intersection que compte l'Irak, seuls 14 ont été «découverts» -- par Mme Husari, mais aussi par des employés du secteur pétrolier et des soldats britanniques et américains stationnés dans le pays après l'invasion de 2003.

«Idée saugrenue»

Le Degree Confluence Project (Projet d'intersection des degrés) est né en 1996, lorsqu'un Américain, Alex Jarrett a «découvert» le point d'intersection de 43° de latitude nord et 72° de longitude ouest, dans son État du New Hampshire, à l'aide de son tout nouvel appareil GPS.

«C'était vraiment très sympa», ajoute-t-il lors d'un entretien téléphonique avec l'AFP. Puis «j'ai eu cette idée saugrenue de créer un site internet, d'inviter les gens à se rendre à tous ces points d'intersection et de voir ce qu'il se passe».

«Je n'imaginais pas l'énorme intérêt que cela allait susciter», souligne M. Jarrett.

En 16 ans, des aficionados de la terre entière sont parvenus à 6000 points d'intersection. Quelque 10 000 restent encore à visiter.

Lors de ses quêtes des points de convergence Ruba Husari a, pêle-mêle, navigué en canoë dans les marais du sud de l'Irak, s'est perdue dans le désert de la province de Najaf. Mais elle a dû aussi rebrousser chemin lorsqu'un jour ses accompagnateurs l'ont dissuadée de s'aventurer à l'ouest de Bagdad, sur des terres où des insurgés liés à Al-Qaïda exerçaient encore une grande influence.

Parfois, le voyage jusqu'à un point est bien plus exaltant que la destination elle-même.

Rod Maher, un sismologue anglais de 54 ans, se souvient d'un voyage en Algérie: «j'ai gravi de superbes dunes, j'ai vu d'anciens puits. Mais lorsque je suis arrivé au point de convergence, c'était tout plat. Il n'y avait rien. Le voyage valait la peine, parce que j'ai pu voir des choses que je n'aurais jamais vues».

Mais sur le terrain, il n'est pas rare que les chasseurs de points de convergence aient affaire à des habitants plus que perplexes.

«J'ai du mal à expliquer aux gens que ce que je cherche n'existe que sur une carte, un bout de papier ou mon appareil GPS», explique Mme Husari. «En général, on me prend pour une folle».

«En fait, je suis à la recherche de rien» ajoute-t-elle.