Des jet-skis slaloment sur l'eau, des familles pique-niquent sous des tentes colorées sur le rivage: la station balnéaire du lac Habbaniyah offre une oasis de calme relatif aux Irakiens fatigués des violences et des crises.

Entre Falloujah et Ramadi, deux des principaux anciens bastions insurgés, Habbaniyah Tourism City accueille des milliers d'Irakiens désireux d'échapper à une vie quotidienne difficile.

«Je viens ici chaque semaine avec ma famille et des amis pour échapper aux problèmes du quotidien comme le chômage (...), la crise politique et les rivalités communautaires», affirme Abdoul Rahmane Mohammed, 25 ans, titulaire d'une licence d'économie et d'administration, mais sans emploi.

«Quand on voit des Irakiens ici, ils ne sont pas sunnites, chiites, kurdes ou chrétiens. Ils ont le sourire aux lèvres, et on oublie tout le reste», assure-t-il.

Pour son frère Abdoul Qader, 29 ans, diplômé en histoire et lui aussi au chômage, les touristes européens devraient «venir ici pour voir le vrai Irak».

Ouverte en 1979, la station compte un hôtel de 300 chambres, 528 bungalows, des pontons pour les bateaux, un cinéma, des magasins, des terrains de sport et cinq restaurants. Dans les années 1980, son rayonnement dépassait largement les frontières du pays.

Les difficultés ont commencé au début des années 1990, avec l'invasion du Koweït par les forces de Saddam Hussein, les sanctions internationales qui ont suivi et surtout l'invasion américaine en 2003, quand la région est devenue un bastion insurgé sunnite.

Une zone sûre

«Des groupes terroristes ont installé leur quartier général dans la station en 2006 et en 2007, profitant du fait qu'elle était isolée en plein désert, loin des forces américaines», explique le capitaine Laurens Saad al-Essawi, adjoint au chef de la police locale.

Mais «nous sommes entrés dans la ville en 2008 et nous avons réussi à nous débarrasser des terroristes, et jusqu'à présent c'est resté une zone sûre», ajoute-t-il. Et dès 2009, les affaires reprenaient à Habbaniyah Tourism City.

«Maintenant, nous avons entre 5000 et 10 000 personnes pendant les vacances, et environ 30 000 au moment des fêtes et des occasions spéciales», se réjouit le directeur de la station, Hamid Abboud Tarrad.

«Tous les Irakiens, du nord au sud, ont de bons souvenirs (d'Habbaniyah), puisque 90% des Irakiens l'ont visitée», ajoute-t-il, assurant que le site n'appartenait «à aucune communauté religieuse».

Sous les tentes au bord de l'eau, les hommes jouent avec les enfants et les femmes, souvent coiffées du foulard islamique, font la cuisine.

Début 2012, une société turque a entrepris de rénover le site, dans l'espoir qu'il attire à nouveau les touristes de l'ensemble du monde arabe, voire au-delà.

Il lui faudra aussi trouver une solution pour les nombreux détritus qui jonchent la plage et flottent sur l'eau. Et maintenir la violence hors de la station.

Récemment, une rixe, apparemment pour une femme, a opposé des dizaines de personnes armées de couteaux et de bâtons. Les forces de sécurité ont dû intervenir arme au poing pour rétablir le calme.

Cet incident est cependant loin de l'intensité des violences qui font encore des dizaines de morts par mois en Irak, pays de surcroît marqué par une crise politique interminable et un dysfonctionnement des services de base comme l'eau et l'électricité.

«J'avais l'habitude de venir ici avant la chute (du régime de Saddam Hussein) et aujourd'hui nous revenons à Habbaniyah», raconte Oum Baqr, 40 ans, employée au ministère de l'Éducation. «On n'est heureux que quand on nage. L'eau est le seul endroit où l'on peut respirer».