Le Taj Mahal, mausolée de marbre blanc du nord de l'Inde, est bien connu. Son pendant dans le sud, le temple de Mînâkshî, niché dans l'une des plus vieilles cités de l'Inde, Madurai, la capitale culturelle du Tamil Nadu, l'est moins.

«Le temple de Mînâkshî compte plus de 3 millions de sculptures, de portraits ou d'inscriptions, affirme Alagu Mahalingam, spécialiste des temples à l'Université Madurai Kamaraj, tout en caressant une statue. C'est notre Taj Mahal, en Inde du Sud!» Certes moins immaculé, ce temple hindou est néanmoins un chef-d'oeuvre de l'architecture dravidienne, un style artistique du Moyen Âge indien. Et il grouille de vie.

Le temple, véritable complexe, couvre six hectares. Il est au coeur de Madurai, une ville de 1 million d'habitants. Il comporte plusieurs enceintes rythmées de gopurams, des tours-portails. S'il compte 14 tours, dont deux avec un pinacle en or, les quatre principales donnent le vertige. La plus impressionnante, au sud, culmine à 52 mètres. Construite en 1559, elle abrite 1511 sculptures aux couleurs vives: dieux, démons, animaux, etc. La plus vieille tour du temple date des années 1170.

Chaque jour, plus de 15 000 fidèles prient au temple. Ce nombre explose lors de fêtes. Chaque mois a ses festivités. Les files d'attente peuvent s'étirer sur des centaines de mètres pour pénétrer dans l'un des deux sanctuaires, où seuls les hindous sont admis. Le premier est dédié à Mînâkshî, l'un des avatars de la déesse hindoue Pârvatî. L'autre à Shiva, dieu suprême et mari de Mînâkshî.

Des dévots qui n'ont pas le temps de faire la queue sollicitent Shiva devant son sanctuaire. D'autres allument une petite lampe d'huile ou de ghee. Des haut-parleurs encouragent le culte en chantant des prières.

À quelques pas de là, un éléphant bénit les gens avec sa trompe, tout en récupérant l'argent qu'ils tendent. «L'éléphant est un symbole de connaissance. Mais la bénédiction comme elle se pratique ici est commerciale», observe le professeur Mahalingam.

Des fresques multicolores couvrent le plafond ou les murs de pierre. Des centaines de piliers monolithiques, sculptés de dieux ou de scènes profanes, s'alignent dans de vastes corridors. C'est sans compter «la salle aux 1000 piliers», qui regorge de bronzes. Il y a aussi un bassin, l'étang du lotus d'or, où des dévots s'aspergent d'eau sacrée.

«Un temple, c'est le centre de toutes les activités, la culture en émerge», s'enthousiasme M. Mahalingam.

Une ambiance colorée

À l'intérieur du complexe se vendent bracelets traditionnels, effigies de dieux, guirlandes de fleurs et autres offrandes. Près du gopuram, à l'est, des dizaines de tailleurs tenteront de vous revêtir de leurs tissus colorés.

L'enceinte extérieure du temple est une rue piétonnière. On y échappe au tumulte de Madurai. Des femmes en sari déambulent, les grelots de leurs chaînes de cheville tintent. Des enfants mangent une barbe à papa. Des hommes discutent. Tout autour, des magasins. «Venez! Du toit de ma boutique, vous verrez les pinacles en or du temple!», clament des marchands.

Régulièrement, les rues ceinturant le temple sont le théâtre de processions où des hommes transportent des divinités sur des palanquins ou des chars.

Une cinquantaine de prêtres effectuent d'ailleurs des rituels quotidiens au temple. L'un d'eux se déroule vers 21h: Shiva va rejoindre sa douce pour la nuit. Dans une véritable chorégraphie, rythmée au son du nâgasvaram, un instrument à vent, et du thavil, un tambour ancien, des prêtres récitent des prières et galopent avec le palanquin de Shiva jusqu'au sanctuaire de Mînâkshî. Ils laissent derrière eux une dense traînée d'encens. Dévots et touristes, martelant de leurs pieds nus la pierre froide, ferment le bal.

Le lendemain matin, Shiva rentrera dans ses appartements, marquant ainsi le quotidien.