Des voyageurs intrépides nous racontent leurs histoires. Elles sont parfois rocambolesques et même difficiles à croire. Parfois, aussi, leurs aventures ont surtout d'extraordinaire qu'elles les ont mené plus loin. Dans tous les sens du terme.

Qui?

Catherine Sabourin, collectionneuse de voyages plutôt risqués.

Quoi?

L'ascension de la grande muraille, dans sa partie non restaurée.

Où?

Chine

***

On a tous un petit côté sadomaso plus ou moins développé. Le mien, je l'ai fortement aiguisé quand j'ai décidé d'aller visiter la muraille de Chine.

Je marchais dans les rues de Pékin, d'un air désinvolte et d'une gougoune décontractée, lorsque je suis tombée sur une agence qui offrait une façon hors de l'ordinaire de visiter la muraille. L'idée, en gros, était de se rendre à vélo sur la partie non restaurée et fermée au public.

Désolée si je brise votre rêve les amis, mais la jolie muraille que vous connaissez est aussi refaite qu'une actrice hollywoodienne. En plus, il y a tellement de monde qu'on se croirait sur l'autoroute Décarie à l'heure de pointe.

Restait l'option non restaurée...

Par une belle matinée d'été, j'ai enfourché une bicyclette pour commencer mon parcours. Inutile de mentionner à quel point il peut faire chaud l'été à Pékin. Le vélo n'aidait pas ma situation. Est-ce trop demander d'avoir un vélo sur lequel on peut changer les vitesses? J'étais en train de mourir à petit feu...

L'organisateur avait aussi négligé de mentionner que la belle randonnée ne comportait que des côtes. La balade était aussi relaxante que de monter les marches de l'Oratoire à genoux avec un mammouth enceinte sur les épaules. On roulait sur nos vélos déglingués et chaque voiture, chaque camion, chaque semblant de véhicule à moteur klaxonnaient pour nous dépasser. Après une heure trente d'intense effort, j'avais l'air d'un vieux pare-brise tellement j'avais de mouches mortes collées sur mon t-shirt. J'avais déjà plus qu'atteint ma limite. «J'exige d'être remorquée jusqu'à destination par le CAA!»

N'ayant aucune fierté et étant aussi essoufflée qu'une asthmatique courant avec un scaphandre, j'ai fini le trajet en voiture jusqu'à un restaurant près de la muraille...

Après avoir mangé des objets non identifiés et refait le plein d'énergie, j'étais fin prête à reprendre la route.

Moyennant la coquette somme de trente sous, un monsieur m'a cédé le droit de passage sur son terrain et j'ai enfin pu mettre le pied sur la muraille, la vraie.

Comment fait-on pour distinguer l'originale de la restaurée?C'est simple, l'originale ressemble davantage à une route de Bagdad après un raid américain qu'à une muraille avec des marches. On s'entend sur le fait qu'il ne faut pas être un fin observateur pour être capable de faire la différence entre les deux. Traverser cette muraille-là relevait davantage du trekking que de la balade du dimanche. Tout n'était que ramassis de sable et de vieilles roches glissantes disposées n'importe comment. Bref, le terrain idéal pour se fouler une cheville, se casser un bras et tomber dans le vide. Mais la vue était incroyable. J'avais l'impression d'être sur le toit du monde. Qui peut se vanter d'avoir marché pendant plus de deux heures sur la muraille de Chine en étant fin seul?

Bon bon bon, la jalousie ne mène nulle part, les amis..