Bangkok, capitale du «pays aux 1000 sourires», a offert pendant quelques heures des scènes de guérilla aux touristes étrangers, contraints de «déguerpir» d'un quartier pour échapper aux balles et aux gaz lacrymogènes.

Voitures brûlées, vitrines brisées... Khao San Road ne ressemblait guère, dimanche à l'aube, au quartier favori des routards et baba-cools du monde entier, venus y goûter la douceur thaïlandaise.

A un carrefour de ce quartier de restaurants et de maisons d'hôtes, véritable Mecque des touristes en Asie du sud-est, des bâtons d'encens et des roses rouges rendent hommage aux victimes des affrontements de la veille, qui ont fait 19 morts et plus de 800 blessés.

Tony Doohan, Irlandais de 25 ans, et ses amis y flânaient lorsqu'ils se sont brutalement «retrouvés en plein milieu» de la bataille samedi en fin d'après-midi. «Nous avons couru pour nous mettre à l'abri. Les balles volaient autour de nous. Et des engins incendiaires explosaient», témoigne-t-il.

Comme de nombreux touristes, il savait que la situation politique était tendue en Thaïlande. Mais sans imaginer qu'elle pourrait dégénérer dans ce pays de tradition bouddhiste.

Charlotte Stage, Danoise de 19 ans, avoue avoir «vraiment eu peur». «On nous avait dit que les touristes n'auraient pas de problème, qu'ils étaient trop importants car le tourisme est vital ici», explique-t-elle.

Mais les heurts se sont rapidement propagés dans la vieille ville, au fur et à mesure de l'offensive de l'armée pour déloger les «chemises rouges» qui réclament depuis un mois la démission du Premier ministre. Aux gaz lacrymogènes et aux tirs des soldats ont répondu les grenades, les engins incendiaires ou les barres de fer des «rouges» qui ont également utilisé des armes à feu, selon des témoins.

«Même si la situation n'est pas si mauvaise, nous allons partir ce soir. Beaucoup de touristes veulent aussi s'en aller», indique Charlotte Stage.

Le tourisme est capital pour le pays

Pour la Thaïlande, une réduction massive du nombre de touristes serait catastrophique.

«Plus de deux millions de Thaïlandais travaillent dans l'hôtellerie, les salons de massage, les locations de voiture, les restaurants...», selon Charoen Wangananont, président de l'Association des agents de voyage.

«Ces dernières années, ces gens et l'industrie toute entière ont durement souffert» des crises politiques à répétition qui ont terni l'image construite au fil des décennies auprès de la clientèle occidentale et asiatique.

De nombreux pays déconseillent depuis quelques semaines les voyages en Thaïlande. Le gouvernement de Hong Kong a même levé samedi son niveau d'alerte à «noir», le plus haut, qui signifie que la sécurité des voyageurs est «sérieusement menacée» à Bangkok.

La vie était cependant revenue à la normale dimanche dans l'immense capitale. Appareils photo en bandoulière, des touristes déambulaient sans appréhension dans le quartier commercial occupé par des milliers de «chemises rouges» qui leur proposaient des «souvenirs de lutte», a constaté un journaliste de l'AFP.

Mais les visiteurs qui séjourneront dans les prochains jours à Bangkok seront privés d'une des principales festivités annuelles, le nouvel an bouddhiste, ou «Songkran». La municipalité a décidé d'annuler toutes les cérémonies officielles.