«Un endroit enchanteur, le lieu des guerriers», s'égosille un chanteur sur un écran géant, tandis que les touristes prennent place dans des voiturettes dignes d'un parc d'attractions : bienvenue au temple de Shaolin, lieu de naissance du bouddhisme zen.

Ce temple du centre de la Chine, célèbre dans le monde entier pour la pratique du kung-fu, est synonyme en Occident de mysticisme, mais fait face à des critiques croissantes dans le pays au sujet du mercantilisme qui l'entoure.«La première fois que je suis venue ici, j'ai cru que le taxi s'était trompé», explique Julie Desjardins, une touriste française fan de kung-fu. «Je m'attendais à voir un monastère noyé dans une forêt et j'ai été très déçue.»

L'an dernier, 1,6 million de personnes ont payé 100 yuans (15 $) le droit de passer dans les tourniquets d'accès au temple de la province du Henan, de regarder un spectacle de kung-fu d'une demi-heure et de se faire photographier avec les spécialistes de l'art martial pour 20 yuans supplémentaires.

Le temple engrange chaque année des millions d'euros avec les droits d'entrée et les ventes sur l'internet de produits dérivés : nunchakus (fléau japonais), flèches, éventails et vêtements, en plus des tournées de ses troupes à travers le monde.

La célébrité du temple de Shaolin - construit au Ve siècle, partiellement détruit puis restauré au fil du temps - a été une aubaine pour les environs et a permis d'attirer plus de 80 écoles privées de kung-fu, où plus de 60 000 amateurs s'entraînent pour ressembler aux 200 moines-guerriers du fameux temple.

Nie Rui, une touriste du Henan qui a récemment visité Shaolin, a trouvé les gens un peu bruyants pour l'épicentre du bouddhisme zen, mais n'a pas été dérangée outre mesure.

«Quand les touristes débarquent ici, il y a bien trop de gens pour trouver l'endroit calme», concède-t-elle. «Mais j'aime bien tout de même.»

Shi Yongxin, qui a pris les rênes du temple en 1999, est largement crédité du succès commercial de Shaolin.

Surnommé par certains «le PDG de Shaolin», le moine bouddhiste replet et de petite taille est régulièrement accusé de courir après les profits.

«Je ne suis pas un homme d'affaires, je n'ai pas d'actions», se défend le moine à la robe jaune, lors d'une interview.

«Au temple Shaolin, il y a des vieux, des jeunes, c'est une grande famille», ajoute celui dont les gestes doux contrastent avec l'expression sévère de son visage.

«Les croyants ont des demandes et nous devons les satisfaire et les servir de notre mieux - c'est un service qui fournit des produits de la foi», explique-t-il, faisant référence aux ventes par internet.

En octobre, il a reçu en grande pompe la star des films de kung-fu Jackie Chan, pour annoncer le tournage d'une nouvelle version du Temple de Shaolin, la production de 1982 qui avait fait connaître au monde Jet Li.

Cependant, certaines initiatives ne sont pas toujours bien reçues, comme une émission de téléréalité en partie tournée au temple en 2006 et un spectacle de bikinis l'été dernier.

Mais, pour Gene Ching, éditeur d'un magazine de kung-fu aux États-Unis et ancien élève de Shaolin, Shi ne fait que s'adapter.

«Shaolin est un monastère médiéval qui tente de garder son importance et sa signification dans le monde d'aujourd'hui», dit-il.

Selon lui, Shi a rendu son lustre à cet endroit, autrefois rempli d'attractions dignes de fêtes foraines.

«Quand Shi Yongxin a pris ses fonctions, son premier geste a été de purger Shaolin de ces attractions. Cela a pris plusieurs années et provoqué beaucoup d'animosité», affirme-t-il.