Le cannabis légal ne sera pas disponible dans les pharmacies en Uruguay avant la fin de l'année, mais les usagers trépignent: les touristes alléchés se manifestent déjà, et cultivateurs et boutiques dédiées à cette culture fleurissent.

«Le jour où la loi a été approuvée (en décembre 2013), un jeune est venu d'un bureau à côté, très ''gringo''. Il ne parlait pas un mot d'espagnol, et m'a dit en anglais, très énervé, qu'il voulait acheter de la marijuana... C'était de la folie!», raconte en riant à l'AFP Juan Pablo Tubino, patron de Yuyo Brothers, commerce dédié au cannabis à Montevideo, un commerce en plein essor.

M. Tubino, qui a ouvert il y a 13 ans une boutique dans la capitale et une autre dans la station balnéaire de La Pedrera (sud-est), assure que depuis l'approbation de la loi légalisant le marché de cannabis sous autorité de l'État, il a reçu de nombreux clients souhaitant acheter de la marijuana.

Beaucoup de clients «viennent déjà demander directement de la marijuana, comme s'il était acquis que nous la vendons. Mais il reste beaucoup de chemin à parcourir avant qu'elle ne soit à la vente», temporise-t-il.

La loi ne prévoit que trois façons d'accéder au produit: par la vente en pharmacie, par l'autoculture ou via la culture par des clubs de consommateurs. En outre, les acheteurs et producteurs devront être majeurs, résidents uruguayens et s'inscrire sur un registre national. Et l'on n'attend pas avant la fin de l'année les premières ventes en pharmacie, limitées à 40 grammes par mois et par usager.

Ceux qui cultivaient déjà clandestinement le cannabis sortent du placard, affirme Juan Andrés Palese, co-propriétaire de «Urugrow», boutique dédiée à la culture de cannabis à Montevideo ouverte en 2012, dont le succès est exponentiel.

Des touristes à l'affût

Depuis décembre, «beaucoup de Brésiliens et de touristes» poussent la porte de son commerce : «La majorité demande sans pudeur si nous vendons de la marijuana ou des graines».

«Évidemment, le nombre de cultivateurs va augmenter (avec la parution des décrets d'application de la loi, la semaine prochaine, NDLR), mais le vrai déclic a été l'approbation du texte par le Parlement. Il y avait beaucoup de gens qui cultivaient discrètement et qui sont sortis du placard», raconte-t-il.

On estime à 30 000 ou 40 000 le nombre de personnes cultivant déjà du cannabis dans ce petit pays de 3,3 millions d'habitants, pour 130 000 à 200 000 usagers, selon les sources.

Et les boutiques dédiées fleurissent dans tout le pays, de la capitale jusqu'à Maldonado (sud-est), à proximité de la très huppée station balnéaire de Punta del Este, destination des «riches et célèbres» de tout le continent.

Avec l'entrée en vigueur de la loi, l'enjeu sera également de contrôler ce marché et d'éviter qu'une production légale ne tombe aux mains de trafiquants.

«Notre travail ne va pas changer énormément, nous allons continuer de surveiller que la loi soit respectée, appuyés par des juges spécialisés», explique à l'AFP le commissaire César Manuel Sosa, à la tête de la Direction générale de la répression du trafic de drogues.

Il admet que cela pourrait «modifier le marché» en orientant les trafiquants de cannabis, qui provient actuellement majoritairement du Paraguay, vers d'autres produits, dans un pays où la marijuana représente selon les autorités 70% des drogues consommées localement.

Et la police aura particulièrement à l'oeil les consommateurs potentiels exclus du système uruguayen : les étrangers ou les mineurs, par exemple.