À la faveur de vols directs lancés il y a quelques années par Air Transat et Copa Airlines, Panama s'est rapproché de Montréal comme jamais. Un argument convaincant pour aller prendre le pouls de cette ville en pleine transformation.

Vue des airs, la ville de Panama reste insaisissable. Gratte-ciels bordés de grues, centre-ville épars qui ne rassemble personne, circulation bordélique. Jusqu'à tout récemment, on ne savait trop où s'y poser, si ce n'est sur le bord de la piscine d'une grande chaîne hôtelière. Or, un quartier commence à se démarquer auprès des touristes toujours plus nombreux à visiter la ville.

Depuis quelques années, un quartier historique de Panama, où aucun touriste n'osait s'aventurer, revit au coeur de cette capitale qui se cherche. Casco Viejo a souvent été comparé à Miami, puis à Brooklyn, surtout en raison de ses hôtels et restaurants branchés. Mais ce quartier à l'architecture tantôt Art déco, tantôt coloniale prend surtout des airs de vieille Havane, avec ses ruelles pavées et ses édifices magnifiquement restaurés... ou en ruines.

«Il y a deux ans, tu n'aurais pas marché jusqu'ici » Derrière le bar de son restaurant, le chef José Carles, 29 ans, est à l'image du quartier en transformation. Il a ouvert son établissement de Casco Viejo après quelques années à parfaire ses connaissances en Australie. En plus d'y travailler, il y réside. «C'est le seul quartier où je vivrais à Panama. Il a une histoire, une essence», dit ce natif de la capitale.

Bien que son restaurant de 16 places soit situé à la lisière de Casco Viejo, à quelques rues du rude quartier Chorillo, sa popularité ne se dément pas. On se déplace de partout en ville pour venir manger chez «Donde José», qui offre aux clients un menu fixe.

Sa cuisine métissée est à l'image de la ville, voire du pays en entier. «C'est anti-panaméen de faire de la cuisine panaméenne, dit ce descendant d'Italiens. On embrasse toutes les influences. Je crois que nous sommes encore trop jeunes pour dire ce que nous sommes.»

Le chef parle de cuisine, mais il pourrait tout aussi bien être en train de décrire sa ville. Depuis quelques années, Panama s'est développé à une vitesse effrénée. Les gratte-ciels ont poussé dans cette ville de moins de 1 million d'habitants. Un réseau de métro a été creusé et la ville, à l'image de bien d'autres métropoles, a inauguré cette année son musée signé par l'architecte canadien vedette Frank Gehry.

Inscrit à la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1997, le quartier Casco Viejo s'est d'abord transformé lentement. Sans fracas, la vieille ville a peu à peu rajeuni. L'an dernier, la très branchée chaîne Ace Hotel y a ouvert un établissement dans un bâtiment de 1917 fraîchement restauré.

«Le changement le plus visible, c'est la restauration des bâtiments historiques, explique Matt Landau, un Américain qui a investi dans la vieille ville. Quand je suis arrivé, il y a huit ans, un faible pourcentage des bâtiments était rénové. Les Panaméens commencent eux aussi à apprécier le quartier. C'est le centre de la vie nocturne.»

Les touristes ont suivi et sont aujourd'hui nombreux à arpenter les rues de la vieille ville, sous le regard bien présent des policiers. Ils viennent pour voir la vieille cathédrale au coeur de la ville ou le palais présidentiel, mais aussi pour admirer la vue sur les gratte-ciels. Le soir, Casco vibre et fait la fête jusqu'à tard dans la nuit.

«La fondation de tout ça, c'est la communauté. Il faut qu'il y ait une vision partagée, pour que le quartier soit accueillant autant pour les gens qui veulent faire de l'argent que pour ceux qui veulent habiter dans le quartier», indique un entrepreneur qui refuse d'être nommé, de peur de faire ombrage aux autres membres de la communauté. «Tout le monde doit avoir le crédit pour le développement de Casco», dit cet Américain, propriétaire de plusieurs hôtels.

Le charme du quartier réside en effet dans sa mixité. Les prix ont augmenté avec l'arrivée des touristes, la «mauvaise bouffe et les boutiques de souvenirs» ont aussi pignon sur rue, observe sans complaisance Matt Landau. Mais le quartier n'a pas perdu son âme. Les enfants qui pataugent dans leur piscine gonflable au beau milieu de la rue ont encore leur place, et c'est sous le regard attendri des touristes qu'ils s'amusent.

Photo Marie-Eve Morasse, La Presse

Des touristes passent devant les ruines du couvent de Santa Domingo, ravagé par le feu en 1756.