Les sargasses qui échouent sur les plages de sable blanc des Caraïbes font mal à l’industrie touristique. Les médias mexicains font état, cette année, d’une baisse de 30 % du nombre de visiteurs à Cancún, l’un des endroits touchés par la présence de ces algues brunes. 

Des agents de voyage du Québec reconnaissent que, si le problème persiste, leurs clients pourraient en venir à bouder les Caraïbes pour se tourner vers d’autres destinations.

« Dans la zone hôtelière, nous avons noté une baisse de 7 % à 10 % du taux d’occupation cette année », souligne le directeur général de l’hôtel Paradisus Cancún, Andrew Cumming, en entrevue téléphonique.

Annulation de réservations de chambres, d’excursions et même de billets d’avion font maintenant partie des réalités auxquelles doivent faire face les acteurs de l’industrie, qui multiplient les rabais et les promotions pour plaire aux touristes, souligne M. Cumming.

Le problème, depuis quelques années, c’est que [le phénomène] se développe de façon incontrôlable et exponentielle.

Fanny Noisette, professeure à l’Institut des sciences de la mer à Rimouski

Sur des centaines de kilomètres, les sargasses viennent s’échouer sur les plages et les rendent impraticables pour les baigneurs. Et en séchant, elles dégagent une odeur de soufre qui donne envie aux visiteurs de se réfugier au bord de la piscine.

En ce moment, les plages de Cancún, de Tulum, de la Playa del Carmen, de la Martinique et même de la Floride sont devenues le cimetière de ces algues. Cuba, la République dominicaine, la Guadeloupe et la Jamaïque ne sont pas à l’abri de ce phénomène. Et la présence massive des sargasses, qui serait causée par les changements climatiques et par le rejet de résidus agricoles en provenance du Brésil, risque de coûter cher.

Changement de destination

« [Cette crise] fait mal, commente Philippe Blain, vice-président Voyages de CAA-Québec. Ce qui est difficile, c’est que, une semaine, ça peut être beau, la semaine d’après, ça peut être désastreux. »

En effet, la présence des algues dépend beaucoup des courants. « On ne peut pas vraiment les prévoir six mois d’avance », dit Fanny Noisette.

Pour l’instant, pour les faire disparaître, les hôtels doivent faire venir hommes et tracteurs directement sur la plage, rendant du coup le paysage moins idyllique. Certains établissements ont installé au large des filets pour freiner l’arrivée des sargasses. Mais cette méthode nuirait aux petits poissons, explique Fanny Noisette.

Dans ces conditions, doit-on s’attendre à un désintérêt des Québécois pour les Caraïbes ? S’il affirme que les voyageurs sont résilients, Philippe Blain admet tout de même que « ça pourrait arriver ». « Les gens vont se tourner vers la Jamaïque, vers Cuba. La côte ouest du Mexique va aussi en bénéficier. »

On le voit déjà, la côte ouest [du Mexique] prend beaucoup plus de place. Les transporteurs, les voyagistes vont s’ajuster en fonction de ça. Il y a un shift. On le sent. Il y a une tendance.

Philippe Blain, vice-président Voyages de CAA-Québec

Cette possible volte-face des touristes, le directeur général du Paradisus Cancún la craint. « C’est clair qu’il y a une inquiétude, affirme-t-il. Les visiteurs pourraient décider d’aller à Puerto Vallarta ou à Cabo San Lucas. »

Voyageurs informés

« Des clients s’interrogent sur des destinations, confirme pour sa part André Desmarais, président de la section Québec de l’Association canadienne des agences de voyages (ACTA), également propriétaire de l’agence Aéroport Voyage. Les gens sont au courant [de la situation] et nous allons les avertir. Un client récemment a changé ses plans de voyage au Mexique pour la République dominicaine. »

De son côté, Fabrice Bozon, vice-président aux opérations de Voyages Bergeron, souligne que les voyageurs demandent de séjourner dans des hôtels où les sargasses semblent moins envahissantes. 

Car il faut noter que si leur présence varie d’une journée à l’autre, elles peuvent aussi être en moins grande quantité sur certains tronçons de plages. « Mais on ne peut plus rien garantir, insiste-t-il. C’est écrit dans les contrats [des voyageurs]. Je pense que les gens sont résilients. »

Contrairement à ses confrères, M. Bozon croit que ses clients continueront à mettre le cap sur Cancún ou Tulum, même s’ils doivent se résigner à passer leurs vacances au bord de la piscine.

« Il y a une question de prix, explique-t-il. Puerto Vallarta, c’est plus cher. On n’a pas le choix ni le contrôle. On va vivre avec ça. »