Les complexes touristiques de la chaîne Karisma sont réputés pour la qualité des plats qu'ils proposent. Une cuisine de haut calibre... dont la destinée est entre les mains d'un Montréalais.

Autour de la table, les cinq goûteurs parlent peu. Ils examinent attentivement la présentation de chaque plat, prennent quelques bouchées et notent leurs commentaires. Pas moins de 36 plats défileront sous leurs yeux en cet après-midi. Saveur, cuisson, couleur, texture: tout est analysé dans les moindres détails. Une feuille de laitue non croquante attire immédiatement l'attention et la bruschetta doit être améliorée. Dans la cuisine, la tension est palpable.

Nous sommes dans un des restaurants de l'hôtel Eldorado Seaside, près de Tulum. L'établissement fait partie des six complexes hôteliers de la chaîne Karisma sur la Riviera Maya, au Mexique. Dans ces «tout inclus», la cuisine occupe une place de premier plan. Ici, pas de buffet.

Chaque plat testé est une des suggestions des chefs cuisiniers de l'hôtel pour la saison qui vient. On peut comprendre la fébrilité autour des fourneaux. Ce jour-là, la table de dégustation réunit le grand chef de l'hôtel, la directrice générale et des adjoints, de même que le chef corporatif de la chaîne, Pierre Mourez, un Québécois natif de Montréal.

Âgé de 51 ans, il a été le chef de cuisine des restaurants du Château Bonne Entente, à Québec, avant qu'il soit atteint du virus de la bougeotte. Depuis deux ans, il est responsable d'une imposante brigade de 500 chefs et employés de cuisine des 40 restaurants des hôtels Karisma. Pierre Mourez a travaillé dans 22 pays, toujours comme chef de cuisine. Il a été notamment responsable de la cuisine au Sofitel de Sharm el Sheikh, la grande station balnéaire égyptienne, et a inauguré la table du Hilton International des îles Fidji.

Pierre Mourez a été initié au plaisir de la cuisine par son père. Mais sa passion a pris naissance dans les cours de cuisine professionnelle qu'il a suivis à la polyvalente Horizon-Jeunesse, à Laval. Le dynamisme de certains professeurs était contagieux, se souvient-il.

Le chef n'a rien perdu de son enthousiasme. Il trouve gratifiant de travailler pour une chaîne hôtelière dont la réputation est assise en grande partie sur la qualité et la variété de la table de ses différents restaurants. «Gourmet inclusive» est d'ailleurs sa marque de commerce. «Manifestement, nos clients apprécient, puisque 50% d'entre eux reviennent chaque année. C'est considérable, explique Pierre Mourez, rencontré au Mexique. Aujourd'hui, les gens veulent plus qu'un lieu de détente, ils souhaitent prendre de bons repas sans avoir à faire des kilomètres. Certains de nos clients viennent même pour suivre nos cours de cuisine.»

À l'exception des fruits et des viennoiseries au petit-déjeuner, on ne sert pas de buffet. Chaque restaurant possède sa spécialité et le menu est à la carte. Si le vin est évidemment compris dans le forfait, ceux qui veulent s'offrir une bouteille particulière peuvent consulter une carte vantée à quelques reprises par le magazine Wine Spectator.

Du potager à la table

«Notre leitmotiv, c'est de servir frais. Des produits locaux, mieux encore, des tomates, des poivrons, des concombres ou des aubergines que nous produisons dans nos propres serres», explique le chef.

En sa compagnie, nous avons visité les serres situées derrière le complexe Eldorado Royale, à Puertos Morelos, qui produisent une douzaine de tonnes de tomates par mois de plusieurs variétés. Une récolte distribuée quotidiennement dans les six établissements de la chaîne.

L'entreprise vient aussi d'aménager une plantation de papayers qui devraient donner ses premiers fruits en mars. La chaîne hôtelière travaille également en collaboration avec les producteurs locaux et s'implique socialement. «Pour le miel, les apiculteurs qui font affaire avec nous doivent d'abord s'engager à envoyer leurs enfants à l'école», précise M. Mourez, qui s'entoure principalement de jeunes chefs, des Mexicains dans la majorité des cas. «Ils font évoluer la cuisine par leur créativité. Je peux leur communiquer mon enthousiasme, ma grande curiosité, leur faire partager mes connaissances, mais je ne pourrai jamais remplacer leurs papilles gustatives. Et pour les mettre à l'épreuve, au premier test, je leur dis toujours: faites-moi une soupe!»

L'un des restaurants de la chaîne, le Chique de l'hôtel Azul Sansatori, près de Cancún, a été classé premier au Mexique pour son menu dégustation de huit services par le Travel&Leisure.

Établi au Mexique depuis quelques années, le chef Pierre Mourez vient rarement au Québec, trop occupé par son travail. L'un de ses souhaits est de voir un plus grand nombre de chefs globe-trotters. «Le monde entier est à la portée des jeunes talentueux qui n'ont pas peur de se déplacer, dit-il. Le hic, c'est qu'aujourd'hui, ils veulent une adresse fixe, ou encore ouvrir leur propre restaurant. Ce qui n'est pas évident. Par contre, dans ce domaine, les portes s'ouvrent souvent toutes grandes pour ceux qui ont l'esprit aventureux».

Et Pierre Mourez en est un bon exemple.