De l'école qui a donné au pays ses meilleurs musiciens aux mots les plus usités du patois local, en passant par les secrets les mieux gardés, côté plage et côté montagnes, voici 26 visages de la Jamaïque, en suivant les lettres de l'alphabet.

Alpha Boys School

L'Alpha Boys School est presque un passage obligé sur la route du succès en Jamaïque: les plus grands de la musique ont séjourné dans cette école réservée aux enfants de la rue ou de la violence, fondée en 1880 par des religieuses pas banales raffolant de la musique. Visites guidées par des élèves pour financer l'achat de matériel scolaire:

www.facebook.com/alphaboysschoolofficial

Blue Mountains

Dans cette réserve naturelle de 78 000 hectares (400 fois le parc du Mont-Royal), les fougères sont grandes comme des bouleaux, le gingembre pousse en bosquets touffus hauts comme les murs d'une maison et la végétation est parfois si dense qu'à midi, il fait noir comme en plein jour. Les Blue Mountains sont donc surtout très... vertes. Retenez les services d'un guide pour ne pas vous y perdre! Aventuriers: tentez l'ascension de nuit pour attraper le lever du soleil au sommet.

www.glueandjohncrow mountains.org/sustainable-tourism/recreation-areas/holywell.html

Chutes

Entourée d'eau, la Jamaïque est tout aussi intéressante pour ses réserves intérieures, labyrinthes de rivières et de chutes. Près de Port Antonio, les cascades de Reach Falls ont la réputation d'être parmi les plus belles du pays, pour la simple et excellente raison qu'elles sont restées parmi les plus sauvages. Pas de béton, pas d'affiches, pas d'attrape-touristes pour dénaturer la forêt luxuriante. Suivez un guide (essentiel), enfilez votre maillot et remontez le courant d'eau fraîche et limpide. Inoubliable.

Devon's House

Vendredi, 17h. Officiellement, c'est la visite d'une maison coloniale du XIXe siècle qui devrait nous conduire au 26, Hope Road, mais c'est pour les crèmes glacées de la Devon's House, «les meilleures de Kingston», que le journaliste local Amilcar Lewis y suggère un arrêt. Excellente idée. Les jardins - magnifiques - attirent les jeunes amoureux fébriles comme les collègues de travail et les mamies en robes à fleurs: c'est l'occasion rêvée pour un bon bain de foule.

www.devonhousejamaica.com

Errol Flynn

Errol Flynn? Cet acteur hollywoodien ne vous dit rien? Séducteur invétéré, il a conquis la population de Port Antonio en déclarant que la région était «plus belle que toutes les femmes qu'il avait vues dans sa vie», ce qui n'était pas peu dire. Il en a fait une destination glamour dans les années 40, mais les choses ont peu bougé après sa mort prématurée, en 1959, exception faite d'une chic marina construite en 2002. C'est l'un des endroits les plus agréables de Port Antonio, où l'on va boire l'apéro en rêvant d'appareiller à bord de l'un des magnifiques voiliers à quai.

www.errolflynnmarina.com

Fruits

Le dicton veut que la Jamaïque compte tant d'essences d'arbres fruitiers qu'on y récolte chaque jour de l'année des fruits mûris à point. Soit. Mais ne vous en tenez pas aux mangues, papayes, ananas et autres habitués des supermarchés nord-américains: caïmite (pomme de lait), ugli, fruit à pain, jacquier... éveillez vos papilles!

Gospel

La Jamaïque se targue de détenir le record Guinness du plus grand nombre d'églises au kilomètre carré. Découvrir le pays, c'est donc aussi découvrir ses lieux de culte: assistez à une messe, dansez et tapez des mains sur les airs de gospel chantés par une chorale endiablée. Un pur plaisir.

Hors-la-loi

Jamaïca = marijuana? Attention: la législation y est plus sévère que dans plusieurs États américains. La possession et la consommation y sont interdites. Et oui, vos bagages risquent fort d'être scrutés à votre retour au Canada.

«I-tal»

Les végétariens seront rarement aussi bien servis dans les Caraïbes qu'ici. Et «i-tal» est leur sésame. Ce mot, dérivé de l'anglais «vital» par les rastafaris, désigne toute nourriture «propre et naturelle» digne d'être consommée, c'est-à-dire fraîche (ni congelée ni mise en conserve), exempte de viande, de poissons de plus de 20 cm, de colorants et d'additifs alimentaires.

Jerk

Le jerk est aux Jamaïcains ce que la phô est aux Viêtnamiens ou le curry aux Indiens: un bonheur quotidien pour lequel on compte autant de recettes que de chefs. Il peut être à base de poulet ou de porc, de poisson, de chèvre ou de fruits de mer, mais il contient systématiquement du piment «scotch bonnet», l'un des plus puissants au monde avec le habanero (!). Goûtez-y dans un boui-boui de Boston Bay, près de Port Antonio, où il aurait été inventé: estomacs rassasiés pour 10$ garanti, mais évitez le supplément sauce piquante pour le salut de vos papilles.

Kingston

La capitale est associée aux pires idées reçues sur la Jamaïque: dangereuse, sale, américanisée, dépourvue d'intérêt. Vrai: mieux vaut éviter Downton Kingston le soir. Faux: la capitale n'est pas sans attraits, surtout si vous êtes du type mélomane. Le magazine Backyard (www.backayard.com) offre des visites guidées avec ses journalistes de la scène musicale, qui comptent des arrêts mémorables chez de vieux vendeurs de vinyles d'Orange Street, dans les studios Dynamic Sounds, où ont été enregistrés les premiers succès de rhythm&blues dans les années 50, ou encore dans Trenchtown, quartier mythique où a vécu un certain Bob Marley...

Le Lagon bleu

Vous avez craqué pour les eaux turquoise du film Le lagon bleu, avec Brooke Shields? Cap sur la paroisse de Port Antonio, où il a été filmé. Paradis des criques intimes, cette province côtière a échappé aux grands développements touristiques et est restée l'une des plus authentiques du pays. Frenchman's Cove est parfaite pour les familles - avec présence d'un sauveteur et des sanitaires très propres -, Long Bay est le paradis des surfeurs - avec ses vagues gigantesques -, alors que San San Beach attire plutôt les amoureux. À chaque jour sa plage.

Marley

Mort? Bob Marley ne l'est pas du tout en Jamaïque, lui qui fait encore courir les touristes et habite toujours le coeur de ses compatriotes. «Aucun autre chanteur jamaïcain n'a écrit de textes aussi beaux, aussi profonds», tranche le pasteur Whitey White. Les étrangers seront peut-être déçus de ne pas l'entendre davantage dans les bars, où l'on fait place à la relève. «Mais on continue tous à l'écouter régulièrement, il fait partie de notre ADN musical», précise Philip Lobban, critique du Backyard Magazine.

Noir

Noir: c'est ainsi qu'on vous servira votre café Blue Mountains, parmi les plus réputés - et chers - du globe, cultivé entre 1000 et 2000 m d'altitude, dans de petites fermes familiales comme celle de Dorothy Twyman, qui produit, avec son fils, la crème de la crème. La vieille dame aux cheveux blancs vous expliquera la torréfaction des grains avant de vous servir, dans des tasses dépareillées, son meilleur cru accompagné de biscuits secs. On le savoure dans la véranda ouverte sur les fleurs jaunes d'un hibiscus géant, les montagnes bleues en toile de fond. Et le temps s'arrête.

Réservations: Old Tavern Coffee Estate, 1 876 924-2785

Ornithologie

Avec 255 espèces d'oiseaux différentes, dont 26 exclusives à l'archipel, la Jamaïque est un paradis pour les ornithologues, à condition de fuir les secteurs trop touristiques. Des randonnées guidées par des ornithologues sont offertes dans les Blue Mountains, entre autres, par le MockingBird Hill. (www.hotelmockingbirdhill.com) et le Greencastle Estate (www.gcjamaica.com).

Poisson et poison

Le petit-déjeuner jamaïcain est un ovni culinaire, curieux mélange de morue salée et d'aki, un fruit dont la texture floconneuse ressemble à s'y méprendre à celle d'un poisson blanc. Pas mauvais du tout, mais laissez les pros le préparer: l'aki est toxique s'il est consommé avant sa maturité.

Quoi?

L'anglais a beau être la langue officielle de la Jamaïque, vous n'y comprendrez pas tout. Comme Haïti avec le créole, le pays a aussi son patois (patwa). Restez zeen (cool), on ne vous en tiendra pas rigueur si vous n'en comprenez pas un mot.

Rastas

Porter des rastas n'est pas une question de mode ici, c'est le signe ostentatoire d'appartenance au mouvement rastafari, ce courant largement associé au reggae, à la consommation de marijuana et à Bob Marley. Une exposition des plus intéressantes lui est consacrée à l'Institut jamaïcain de Kingston. À voir absolument.

(instituteofjamaica.org.jm)

Skatalites

Les étrangers connaissent bien Bob Marley, moins les Skatalites, qui ont pourtant eu une importance tout aussi fondamentale dans l'histoire du pays. On leur attribue la paternité du ska, LE son jamaïcain sans lequel le reggae n'aurait jamais pu voir le jour, explique le journaliste Amilcar Lewis. On ne saurait donc y aller sans en écouter quelques titres, voire visiter le musée de l'histoire de la musique de Kingston. (jamm-ioj.org.jm)

Taxi

Si la perspective de conduire à gauche, sur des routes étroites et cabossées, vous rebute, pensez «taxi» pour vos déplacements. Chère, la Jamaica Union of Travelers Association (JUTA) offre néanmoins un service très fiable sur les grandes distances. Pour aller de la plage à votre hôtel, les «routes taxis» (collectifs) suffiront: on les hèle de la main avant de s'entasser avec deux ou trois autres passagers. Prix minimes.

Usain Bolt

Certes, le sprinteur Usain Bolt est un héros national. Mais si vous voulez impressionner vos hôtes, apprenez quelques notions de cricket, LE sport qui fait courir les foules. Le plus important stade - Sabina Park - est à Kingston.

www.windiescricket.com/fixtures

Violence

Inutile de jouer à l'autruche: la Jamaïque affiche un taux de crimes violents très élevé. Cela dit, ces crimes concernent très majoritairement les gangs de rue de certains quartiers chauds. Ottawa prévient les voyageurs de faire preuve d'une grande prudence, mais n'émet aucune mise en garde particulière.

Winnifred Beach

Aucune plage ne saurait être aussi à l'opposé de celles de Montego Bay et de Negrils, réservées aux touristes en tout-inclus. Winnifred est celle où les Jamaïcains vont le week-end s'amuser en famille, faire des barbecues et jouer au cricket, gratuitement! C'est l'une des dernières plages publiques du pays, et c'est ce qui fait tout son charme: le contact direct avec la population locale, les stands de jerk et de boissons fraîches, l'absence de vendeurs de souvenirs de pacotille.

XX

Les porteuses de chromosomes XX voyageant seules doivent s'attendre à attirer l'attention des XY en Jamaïque. L'idée voulant qu'une femme voyageant seule ou avec une amie, cherche la compagnie d'un homme a la vie dure, mais les «non» sont bien respectés. Que cela ne freine pas leurs envies de voyager.

Yeah, Man...

Il faudra vous y faire: du gamin en culotte courte à la mère de famille en tablier, tous ont droit à ce «Yeah, Man» («Ya Mon», en patois) ponctuant le discours jamaïcain avec la même rigueur que le «genre» des adolescents québécois. C'est le point de suspension, le point d'interrogation et le point final. Ya Mon.

Zut, il pleut

On l'a dit trois fois la première journée suivant notre arrivée à Port Antonio, l'une des zones les plus pluvieuses du pays. Mais comme les ondées durent rarement plus de 10 minutes et rafraîchissent agréablement la température, on a tôt fait de les aimer.

Repères

Itinéraire

Pour découvrir la Jamaïque hors des sentiers battus, évitez la région de Montego Bay et atterrissez plutôt à Kingston (Air Canada et Westjet effectuent la liaison via Toronto) et restez-y de 24 à 48 heures pour visiter au moins la Devon's House, le musée Bob Marley, la National Gallery of Jamaica et faire une visite guidée avec un journaliste du Backyard Magazine, si l'histoire de la musique vous intéresse. Comptez ensuite au moins trois jours dans la région de Port Antonio, le temps de tester différentes plages et excursions. Enfin, prévoyez au moins une journée dans les Blue Mountains.

Avant de partir

Allez faire un tour au Café Rustic du quartier Rosemont-La Petite-Patrie pour vous mettre dans l'ambiance, goûter votre premier poulet jerk (excellent) et boire votre premier café des Blue Mountains dans ce sympathique bistro jamaïcain.

1211, boulevard Rosemont, Montréal cafe-rustic.com

À écouter

L'album reggae Le tour des Îles enregistré par Boule Noire (Georges Thurston) en Jamaïque en 1982, en vinyle (difficile à trouver) ou sur iTunes dans sa réédition (10 premières pistes). https://itunes.apple.com/ca/album/le-tour-des-iles/id303 367 520

À lire

Des livres de Russell Banks, cet auteur américain qui a campé plusieurs de ses romans en Jamaïque, pays où il a lui-même séjourné, de surcroît dans la région de Port Antonio.

Où dormir

> À Kingston: au Knutsford Court.

Sans avoir beaucoup de charme, cet hôtel tenu et fréquenté par des Jamaïcains en offre plus que les chaînes américaines. Propre, agréable et d'un bon rapport qualité-prix (chambres pour deux personnes à partir de 110$, petit-déjeuner inclus).

www.knutsfordcourt.com

> Près de Port Antonio: Le Mockingbird Hill.

Un hôtel-boutique situé au milieu de remarquables jardins luxuriants, avec vue sur la mer. Tranquillité sans faille, et l'une des meilleures tables de la région. Chambres pour deux personnes à partir de 230$.

www.hotelmockingbirdhill.com

> Au Frenchman's Cove:

Si vous ne souhaitez pas avoir à quitter le territoire de votre hôtel pour aller à la plage. Chambres pour deux personnes à partir de 110$, et villas à partir de 165$, services d'un cuisinier inclus.

www.frenchmanscove.com

> Coup de coeur: Green Castle Estate.

À une heure de Port Antonio et des Blue Mountains, le Green Castle Estate est une perle dans un écrin de tranquillité: la villa coloniale ne compte que trois chambres, spacieuses, nichées au coeur d'un domaine de 1600 acres de cultures biologiques et de forêts préservées. Des sentiers permettent d'y randonner pendant des heures, jusqu'à un ancien fort britannique ou une jolie plage paisible. Cuisine jamaïcaine traditionnelle de qualité. Chambres doubles à partir de 75$ en basse saison.

www.gcjamaica.com

Photo Violaine Ballivy, La Presse

Brève averse jamaïcaine