Un séjour aux îles Galápagos, c'est un contact privilégié avec une nature merveilleuse, qui s'offre en spectacle à tout moment.

Ailes grandes ouvertes dans le vent, les frégates superbes survolent la rive de l'île Plaza Sud en frôlant les têtes d'une douzaine de visiteurs. Puis, c'est au tour des pélicans de passer droit devant leurs yeux. Et des fous aux pattes bleues. Faisant onduler les fines et longues plumes de leur queue, des phaétons à brins rouges virevoltent à l'orée de la falaise de 25 m sur le bord de laquelle un couple de mouettes à queue fourchue fait sa toilette avec une rare élégance.

Le petit groupe d'une dizaine de personnes est arrivé sur place il n'y a pas deux minutes, absorbé par les prouesses incessantes de la faune ailée, quand, à quelques centaines de mètres devant lui, dans l'étendue bleue du Pacifique, un cachalot fait un bond prodigieux. Tous les yeux se fixent sur l'horizon. Trente secondes plus tard, le géant des mers recommence son manège.

« On retourne dans le zodiac et on va voir de plus près ? », propose le guide, suivi aussitôt avec enthousiasme par les visiteurs complètement ébahis.

Pendant les deux heures qui suivront, jusqu'à ce que le soleil tombe au pied de l'île Santa Cruz, la bande assistera aux formidables sauts d'un cachalot femelle qui montre à son petit comment avaler les poissons par milliers. Attirée par d'autres sauts, la minuscule embarcation suivra aussi des rorquals à bosse qui, par deux fois, plongeront en sortant complètement la queue de l'eau.

Aux Galápagos, la nature s'offre sans cesse en spectacle. Au point où, parfois, on ne sait plus trop où donner de la tête.

Le matin même, les passagers de l'Isabella II ont en effet nagé avec des poissons multicolores et des requins à pointe blanche (pas dangereux, semble-t-il), se sont étendus sur la plage à quelques centimètres d'une bande d'otaries qui se reposaient au soleil et ont observé d'impassibles iguanes jaunes avachis sous les cactus géants de l'île Santa Fé.

Au cours des jours suivants, ce sera aussi au tour des iguanes marines, des flamants roses, des pingouins et même des orques de se montrer le bout du museau. Le plus souvent avec une indolence ahurissante, ne se préoccupant pas le moins du monde de la présence des humains, comme s'ils étaient invisibles. Dans l'archipel, il faut d'ailleurs toujours guetter ses pas, de peur de piétiner une bête insouciante.

Le mystère des Galápagos

Les scientifiques ne s'expliquent pas complètement ce phénomène à peu près unique à ces îles surgies des eaux à 1000 km des côtes de l'Équateur. Certes, les humains ne chassent plus ici depuis des décennies. Et dans l'écosystème particulier des Galápagos, dominé par les reptiles, aucun mammifère terrestre d'envergure n'a hérité du rôle de prédateur. N'empêche, la confiance débordante des bêtes reste épatante. Et c'est une bénédiction pour le photographe amateur, qui peut prendre des clichés formidables sans avoir à se munir d'un téléobjectif.

La grande distance qui sépare les Galápagos des côtes américaines et leur position stratégique, là où se rencontrent des courants marins venus des quatre points cardinaux, expliquent la présence d'une faune unique et bien adaptée au climat spécifique - et souvent aride - de chacune des 13 îles principales et des innombrables îlots qui forment l'archipel. Emportés par le vent ou par les flots, probablement sur des amas de végétation, les ancêtres des bêtes qui peuplent les îles volcaniques ont dû faire preuve d'une grande capacité d'adaptation pour survivre sur des sols pauvres et peu arrosés.

Les pinsons, par exemple, ont évolué pour proliférer dans ces conditions difficiles. Treize sous-espèces issues d'un même ancêtre commun ont ainsi vu le jour dans les îles, certaines se nourrissant d'insectes, de graines ou même du sang d'autres oiseaux, dans le cas du pinson « vampire ». L'histoire veut que ce soit la forme distincte du bec de chaque espèce qui ait mis Charles Darwin sur la piste du concept de sélection naturelle pour expliquer l'évolution des espèces.

L'isolement des Galápagos a contribué à protéger sa faune et sa flore exceptionnelles. Aujourd'hui encore, à peine 3 % du territoire est occupé par les humains. Le reste de l'archipel forme un parc national, où nul ne peut pénétrer sans être accompagné d'un guide certifié.

Au pied des volcans

Or, malgré le caractère unique de l'archipel, et contrairement aux safaris dans les grands parcs africains, les Galápagos restent relativement accessibles.

Quelque 170 000 visiteurs étrangers se rendent chaque année dans les îles. Un nombre qui s'est stabilisé après des années de croissance, notamment à cause de la crise économique aux États-Unis et en Europe. Et à cause de la multiplication de l'offre dans l'industrie de la croisière. Pour ces mêmes raisons, les prix aussi sont stables, voire légèrement en baisse. Jamais les Galápagos n'ont-elles sans doute été aussi abordables.

Bien sûr, une croisière d'une semaine aux Galápagos reste plus chère qu'un séjour sur un mastodonte des mers dans les Caraïbes.

Nulle part ailleurs sur la planète n'assisterez-vous cependant à un tel défilé de paysages sauvages, parsemés de plages davantage fréquentées par les tortues marines que par les touristes, de volcans à peine endormis ou encore fumants à l'horizon des cactus. Sans parler de ces dizaines d'animaux qui se laisseront approcher ,comme si c'étaient les humains qui étaient l'attraction.

Au dernier jour de la croisière, à l'heure où le soleil sature les ocres des formations rocheuses de l'île Santiago, l'un des trois zodiacs de l'Isabella II sautille sur les flots en direction d'une petite plage. Sur place, quelques passagers enfilent palmes et masque, puis s'avancent dans l'eau. Entre les poissons multicolores qui passent par dizaines, trois tortues marines s'approchent. Curieuses, elles nagent pendant de longues minutes avec ces étranges compagnons de fortune. Parfois si près d'eux, en fait, qu'il leur faut s'immobiliser. Puis elles repartent se nourrir des algues qui poussent sur les pierres volcaniques.

Hors de l'eau, ces gros cailloux poreux s'avèrent recouverts d'une épaisse coulée de lave noire, plissée par le vent, puis figée. Depuis un peu plus de 100 ans. Sur des kilomètres à la ronde. Un paysage aussi fascinant qu'inquiétant. Les Galápagos comme au premier jour, quand les volcans ont surgi des mers. La nature se donne toujours en spectacle ici. Sans cesse. Même quand on n'y voit ni plante ni animaux.

Les frais de ce reportage ont été payés par le ministère du Tourisme de l'Équateur.