Il était un peu plus de 8h, en ce matin de fin novembre, lorsque nous avons pris place dans un des Zodiac d'expédition du Boréal, pour une visite mouvementée du glacier Amalia.

Le navire mouillait à quelques encablures du pied de l'Amalia, un des nombreux glaciers qui déploient leurs coulées depuis la plus grande calotte glaciaire d'Amérique du Sud, le Campo de Hielo Sur. L'élève-officier qui pilotait le Zodiac manoeuvrait prudemment pour se faufiler entre les bourguignons, ces blocs de glace flottante qui s'agglomèrent au pied du glacier dont ils se sont détachés. Il évitait de frôler les morceaux trop imposants, toujours susceptibles de se retourner sous l'effet d'une vague provoquée par une chute de glace - et de nous renverser, puisque, comme c'est le cas pour les icebergs, la partie immergée est sept ou huit fois plus volumineuse que sa pointe visible.

Avec ses 2 km de façade à l'endroit où il vient se jeter dans le fjord, l'Amalia présente un front deux fois moins large que le glacier Pie XI, dont nous avions frôlé le pied la veille. Mais avec ses 80 m de parois bleutées, il fait le double de hauteur, si bien qu'il nous paraissait plus imposant, même si les bourguignons nous empêchaient d'approcher à moins de 300 m de sa base.

Alors que nous admirions les concrétions de glace bleutée, qui prenaient parfois la forme de tuyaux d'orgue, un énorme bloc s'est détaché de la paroi. La vague qu'il a déclenchée a imprimé son mouvement ondulatoire aux agrégats de glaces flottantes qui tapissaient la surface du fjord. L'onde a soulevé notre canot pneumatique qui a heurté un énorme bourguignon. Heureusement, celui-ci ne s'est pas retourné. Derrière nous, nous avons vu la vague envoyer des bourguignons se fracasser contre les parois rocheuses du fjord. Dans le canot, les plaisanteries ont fusé, histoire de conjurer la nervosité qui avait gagné les passagers de l'embarcation. «Tiens, celui-là, tu devrais le ramener pour le mettre dans ton whisky, ce soir!» Ou encore: «Ils ne nous avaient pas dit d'apporter nos maillots de bain!»

Le Pie IX, l'Amalia, le Bernal, le Zamudio, le Garibaldi... dans ces canaux de Patagonie, où les navires évoluent entre le continent et les îles qui festonnent la côte chilienne sur 2000 km, j'ai vu plus de glaciers qu'au cours des croisières que j'ai faites en Alaska et dans les fjords norvégiens.

Et, surtout, je les ai vus de plus près parce que le tonnage relativement réduit du navire sur lequel j'avais embarqué - 10 500 tonnes pour 264 passagers - permettait d'envoyer les croisiéristes en canot pneumatique, histoire d'explorer plus profondément les fjords qui jalonnent les côtes. «Nos Zodiac nous confèrent les mêmes possibilités qu'un navire dit d'expédition. Ce qui nous distingue d'eux, c'est qu'en plus, nous offrons le confort et la gastronomie», observait Étienne Garcia, commandant du Boréal.

Les fjords chiliens ne bénéficient pas encore de la même notoriété que ceux de ces autres destinations de croisières en eaux froides que sont l'Alaska ou la Norvège. Pourtant, encastrés dans la Cordillère côtière qui égrène son chapelet de sommets de 3000 m en toile de fond, ils sont au moins aussi spectaculaires. Et l'itinéraire est plus diversifié, car on passe de latitudes subtropicales à des régions subpolaires, avec tous les dégradés de climat et de végétation que cela implique.

Au passage, nous avions frôlé l'étonnant archipel des îles Chiloé. Nous nous sommes baladés à l'ombre de volcans à collerettes enneigées, dans la région des lacs, près de Puerto Montt. Nous avons débarqué à Tortel, un village où les voitures ne pénètrent pas et aux maisons reliées par un entrelacs d'escaliers et de trottoirs de bois, comme à Harrington Harbour sur la Basse-Côte-Nord.

Nous avons fait de la randonnée dans le parc national le plus fréquenté d'Amérique du Sud, le Torres del Paine, où des lacs couleur d'émeraude forment une couronne au massif del Paine qui, avec ses sommets de 3000 m, constitue le dernier maillon de la cordillère des Andes. Il faisait 30 degrés à l'ombre quand nous avons appareillé de Valparaiso. Le thermomètre frisait le point de congélation la nuit où nous sommes entrés dans le port d'Ushuaia, en Terre de Feu argentine, 12 jours plus tard.

Repères

Y aller (et en revenir)?

LAN, American Airlines et Air Canada, notamment, desservent Santiago du Chili et Buenos Aires via Toronto, New York ou Miami. La Compagnie du Ponant affrète généralement un appareil de LAN pour acheminer ses passagers entre Ushuaia et Buenos Aires et assure le transfert en autocar entre Santiago et Valparaiso.

Qui?

La Compagnie du Ponant (www.ponant.com), qui exploite cinq «yachts de croisière», entend perpétuer «la grande tradition française des croisières» dans la lignée de la Compagnie Transatlantique (le France) et des Croisières Paquet (le Mermoz). L'accent est mis sur la gastronomie et l'élégance de l'aménagement intérieur. Avec son jumeau, l'Austral, le Boréal, mis à l'eau en 2010, peut accueillir 264 passagers. Plusieurs voyagistes québécois, dont Premium Tours et Transat Découverte, commercialisent ces navires par l'entremise du réseau des agences de voyages.

Combien?

Les tarifs pour une croisière de 13 jours dans les canaux de Patagonie entre Valparaiso et Ushuaia (ou l'inverse) démarrent à 4975$. Le vin est compris avec les repas. Il faut compter environ 2000$ de plus pour les billets d'avion et les transferts.

Formalités?

Aucun visa n'est exigé pour les détenteurs d'un passeport canadien, ni en Argentine, ni au Chili. Par contre, par mesure de rétorsion (depuis que les Chiliens et les Argentins doivent obtenir un visa pour entrer au Canada), ces deux pays imposent des «frais de réciprocité», soit une taxe d'entrée. Il en coûte 132$ US (payables comptant ou par carte de crédit) pour entrer au Chili et 75$ pour entrer en Argentine. La taxe argentine n'est exigée qu'aux aéroports internationaux. Je n'ai pas eu à l'acquitter pour débarquer à Ushuaia.