Au petit matin la samba résonne déjà dans un coin de Rio de Janeiro, la bière passe de main en main et un couple à peine formé s'embrasse goulûment: c'est le Carnaval et tout est permis. Que la fête commence!

Depuis plusieurs jours déjà, des milliers de personnes déguisées dansent dans les rues au sein des «blocs» (groupes), même si le Carnaval ne commence officiellement que ce vendredi.

Les grandes écoles de samba s'attellent aux dernières retouches avant leurs munificents défilés au Sambodrome, où se masseront dimanche et lundi quelque 70 000 spectateurs chaque nuit.

À presque 100 jours de la Coupe du monde de football au Brésil, la mairie de Rio s'attend à accueillir 918 000 touristes durant les cinq journées de festivités, soit 2% de plus que l'année dernière. Ils se mêleront aux millions de Cariocas amateurs du Carnaval (même si d'autres préfèrent fuir à la recherche de tranquillité).

Les façades des immeubles du centre sont protégées par des planches et des échafaudages, et la police a renforcé la sécurité dans cette ville où se dérouleront sept matches du Mondial, dont la finale au Maracana, puis les Jeux olympiques en 2016.

À Rio, où le culte du corps peut virer à l'obsession, c'est le moment de montrer le résultat des efforts de toute une année de travail intense en salle de sport.

Dans les «blocs», les femmes se trémoussent dans des parures minimalistes de diablesses, nonnes, policières ou infirmières. Les hommes sont habillés n'importe comment, du moment qu'abdominaux et biceps apparaissent.

Pour les moins assidus aux exercices physiques, un accoutrement bien fantaisiste peut toujours attirer le regard des filles et leurs bises promises aux plus méritants.

Et la chaleur de l'été austral fait couler la sueur sur les corps bronzés, décuplant  la sensualité torride.

Ronaldo et Zico

Tous les sens sont en éveil, surtout celui du rythme : la samba retentit depuis le camion du «bloc» et tout le monde danse derrière dans un défilé à la longueur variable. Le défilé s'étire en général sur plusieurs centaines de mètres.

Les «blocs» ont déjà rassemblé de vendredi à dimanche dernier plus d'un million de personnes dans toute la ville. Pour ce week-end, la mairie table sur quelque quatre millions de fêtards dans les rues.

Le défilé le plus attendu est le «Cordao de Bola Preta» (cordon de Boule noire), créé en 1918 et qui l'an passé regroupait 1,8 million de personnes.

Le Carnaval a lieu dans tout le pays, mais surtout à Rio et dans certaines villes comme Salvador de Bahia (nord-est), où les «blocs» gigantesques ont commencé mercredi à parcourir les rues pavées du Pelourinho, le centre historique.

À Recife et dans la cité voisine d'Olinda, également dans le Nordeste, des centaines de milliers de danseurs s'agiteront au son frénétique du «frevo», un rythme inspiré de la capoeira, dans le sillage du groupe «Galo de Madrugada» (coq du matin).

Sao Paulo, la capitale économique du Brésil, possède aussi son propre sambodrome avec des défilés qui démarrent samedi, dont celui qui rend hommage au footballeur retraité Ronaldo, meilleur buteur de l'histoire de la Coupe du monde (15 réalisations).

À Rio, le maire Eduardo Paes devait remettre vendredi symboliquement les clefs de la ville et ses pouvoirs pour cinq jours au roi Momo, la figure tutélaire du «plus grand spectacle sur Terre».

Cette année, un nouveau roi Momo a été choisi lors d'un concours : Wilson Dias da Costa Neto, 27 ans, large sourire et visage rond, mais moins corpulent que son prédécesseur, aura l'honneur d'ouvrir le défilé au Sambodrome aux côtés de la Reine du Carnaval.

Le long des 700 mètres de l'avenue Marqués de Sapucai, où s'étend le Sambodrome dessiné par feu le célèbre architecte Oscar Niemeyer, défileront chaque nuit six écoles de samba de la première division, en compétition pour le titre de championne.

Le défilé de l'école Imperatriz Leopoldinense est l'un des plus prometteurs, puisqu'il rendra hommage au légendaire Zico, le «Pelé blanc» dépositaire du «jogo bonito», lundi, le jour de ses 61 ans.

Photo YASUYOSHI CHIBA, AFP