Des voyageurs intrépides nous racontent leurs histoires. Elles sont parfois rocambolesques et même difficiles à croire. Parfois, leurs aventures ont surtout d'extraordinaire qu'elles les ont mené plus loin. Dans tous les sens du terme.

Qui?

Lucie Poulin, cycliste extrême, qui a parcouru les Amériques sur deux roues.

Quoi?

Une randonnée en vélo, hors des sentiers battus, jusqu'au plus grand désert de sel au monde.

Où?

Salar de Uyuni, Bolivie

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Il y a au moins deux façons de visiter le Salar de Uyuni. La première et la plus commune: contacter une agence touristique à La Paz ou à Uyuni. Elle se charge alors de tout.

La deuxième, plus longue, plus difficile, plus laborieuse: en vélo. Il faut alors trouver son chemin au sud d'Oururo, à 220 km de La Paz, jusqu'à Tahua, la porte secrète peu fréquentée au nord du Salar.

Mon mari et moi avons opté pour la seconde option. Allez savoir pourquoi!

Nous avons mis trois jours à rouler sur un chemin si on peut l'appeler ainsi ondulé comme des chips Ruffles, parsemé de roches et de bancs de sable qui nous ont obligés à constamment mettre le pied à terre et à pousser patiemment. La lutte est physique, certes, mais se passe surtout entre les deux oreilles. Dans ce coin de la planète, le temps semble s'être arrêté. On se retrouve seul. Complètement isolé.

Étrangement, il n'est pas rare de voir quelques voitures défiler directement dans le champ, afin d'éviter la voie principale trop raboteuse. À moins de 30 km de l'ancien lac, la route change même de direction certaines années. Après le nettoyage laissé par la saison des pluies, le premier véhicule à laisser des traces guide les suivants...

Avec nos cartes routières imprécises, parfois même erronées, et quelques conseils repérés sur la Toile, chaque rare habitant que nous avons rencontré est devenu une précieuse source d'informations. Nous interprétions leurs directives de notre mieux. Arrivés à une jonction inattendue, nous croisions les doigts en espérant avoir pris la bonne décision.

Outre la route, l'autre grand défi était l'approvisionnement en eau potable et en nourriture. Les villages, s'ils ne sont pas abandonnés, ne comptent souvent qu'un magasin. On y vend des boissons gazeuses et des biscuits soda. À Villa Esperanza, nous avons dû puiser l'eau d'un puits derrière le magasin général et la purifieravec notre pompe.

Après trois nuits à camper avec les lamas, nous sommes enfin arrivés à Tahua, l'entrée du désert. Vous dire comme c'était beau ! Surréel, bien mieux que je me l'étais imaginé.

Le sel est blanc, craquelé en forme de pentagones, aussi plat qu'une table de ping-pong. Le soleil est aveuglant; ses rayons réfléchis dans toutes les directions brûlent la peau. Ici, la crème solaire n'est pas optionnelle. L'air est sec et chaud le jour, avec une légère brise qui rappelle qu'on est sur l'altiplano, à 3658 m au-dessus du niveau de la mer.

De là, il ne restait plus qu'à suivre les empreintes des véhicules (qui font office de route) jusqu'à l'île Incahuasi, à une quarantaine de kilomètres de la rive. Elle semblait flotter comme tout ce qui se trouve à l'horizon un effet optique crée par le sel.

Pour ajouter du piquant à notre aventure, nous avons campé directement sur le sel. Un conseil: plantez la tente loin des traces de pneus et amenez une roche pour bien enfoncer les piquets. Si j'ai pu apprécier l'un des plus beaux ciels étoilés de mon existence, en revanche, je n'ai pas pu fermer l'oeil de la nuit en raison des vents violents qui ont secoué la tente de tous bords, tous côtés, jusqu'au matin. Huit heures à imaginer le pire: «et si la tente déchirait, et si elle s'envolait»

Notre aventure s'est terminée sur la place centrale d'Uyuni, bière froide en main, juste avant nos douches bien méritées à l'hôtel. Un sourire béat se dessinait sur nos visages. Nous avions l'impression d'avoir accompli quelque chose.